Nous remontons le temps une nouvelle fois, dans le cadre de notre rubrique consacrée au Club des Pilotes des 24 Heures du Mans. Ian Harrower a disputé onze fois les 24 Heures du Mans et y a remporté le Groupe C2 en 1986 et a terminé deux fois deuxième de ce même Groupe C2 en 1985 et en 1988. Il est l’actuel secrétaire du Club des Pilotes des 24 Heures du Mans pour sa section britannique. Nous l’avons rencontré en juin dernier lors des 24 Heures du Mans.
Ian, quelle importance les 24 Heures du Mans ont-elles dans votre carrière sportive ?
« Je suis venu au Mans à 12 reprises (dont une non-qualification en 1980 sur Triumph TR8, ci-dessous, ndlr), de 1977 (en Groupe 6 2 litres à 1990 (en Groupe C2).
J’aurais pu courir en 1975 -une équipe téléphona chez moi à Londres depuis Le Mans et laissa un message à ma colocataire, me demandant de partir immédiatement pour faire les 24 Heures – mais elle n’a m’a jamais donné le message !
L’épreuve est devenue pour moi la course la plus importante de l’année, presque comme une drogue -je devais essayer de la faire ! Cela demande beaucoup d’organisation et de préparation -les finances, les coéquipiers, la restauration, l’hébergement, etc. Cela implique toute l’équipe, pas seulement les pilotes. C’est toujours un soulagement de monter à bord de la voiture et de piloter -et d’être loin du téléphone ! »
Quand êtes-vous venu pour la première fois au Mans ?
« C’était en 1969. Je suis venu en simple spectateur et c’est après que je me suis dit que, un jour, je viendrai pour courir. En 1969, j’ai donc vu Jacky Ickx traverser la piste en marchant au moment du départ. C’était très impressionnant, tout comme la course qui a été exceptionnelle ! »
Quel souvenir gardez-vous de votre première course au Mans ?
« C’était donc en 1977 , avec une Lola-Ford BDA T294S 2 litres engagée en Groupe 6 par le Dorset Racing que j’avais contribué à monter.
J’avais comme coéquipiers Martin Birrane, Ernst Berg et Richard Down. Malheureusement, même si nous avons été à l’arrivée, nous n’avons pas été classés pour distance insuffisante. Nous avions fait 212 tours alors que pour être classés, il nous en aurait fallu 239. Nous étions une petite équipe, avec peu de mécaniciens. »
Quel secteur du circuit préfériez-vous ?
« J’ai connu le circuit avant qu’il y ait des chicanes dans les Hunaudières – ce que nous, Britanniques, appelons la ligne droite de Mulsanne- et j’aimais beaucoup cette longue ligne droite. Nous y roulions à 205 miles/heure -environ 330 kmh-. J’aimais bien. »
Quel est votre meilleur souvenir des 24 Heures du Mans ?
« Les drapeaux agités tout autour du circuit à la fin de la course de 1986 quand nous avons remporté la catégorie C2 avec une Gebhardt-Ford DFV, engagée par ADA Engineering, en terminant 8ème au général, la Gebhardt étant seule dans le Top 10 aux côtés de 9 Porsche.
Nous avions pris la tête de la catégorie au petit matin et le soulagement était énorme. Etre sur le podium au Mans, c’était aussi assez spécial, même si je ne m’en souviens pas trop ! »
Quel a été votre pire souvenir au Mans ?
« C’est la perte d’un des Français qui nous ont aidé en 1978. J’avais rencontré François Dufour dans un pub à Londres et il nous avait offert son aide pour les 24 Heures. Alors que nous étions au briefing des pilotes , il était parti prendre une douche au Centre Médical – la seule douche dans le paddock à l’époque ! Apparemment il s’est évanoui dans la douche, incommodé par les vapeurs du chauffe-eau je pense. Je suis allé avec lui dans l’ambulance à l’Hôpital du Mans -il était dans le coma, semblait vivant. Il est tristement décédé pendant la nuit. Un trophée fut donné chaque année à sa mémoire. »
Est-ce que Le Mans est toujours aussi populaire en Grand-Bretagne ?
« Oui, les amateurs de sport automobile aiment toujours es 24 Heures, mais il y a moins de pilotes britanniques, ils sont moins centrés sur Le Mans qu’à notre époque, ils s’intéressent à d’autres disciplines.
Je souhaiterais aussi qu’il y ait davantage de voitures britanniques, car à part Aston Martin, il n’y en a pratiquement plus. C’est très différent de l’époque où je courais… Je voudrais bien voir une de nos voitures gagner à nouveau au Mans.»
Avez-vous une anecdote particulière de vos 24 Heures du Mans ?
« Il y en a une qui est assez spéciale. Une année (le pilote étant décédé depuis, nous tairons l’année de la course et le nom du pilote, NDLR), avec un de mes coéquipiers, nous marchions dans le Village la veille du circuit. Nous avons décidé d’aller prendre un verre dans un des bars. Il y avait la carte des boissons, avec les prix. Et là, mon ami me demande de lui dire ce qu’il y avait d’écrit sur cette carte -et c’était écrit assez gros!- car il n’arrivait pas à lire. Il était si myope qu’il avait du mal à voir les informations du tableau de bord!! Et pourtant, c’était un très bon pilote… »
Que représente pour vous le Club des Pilotes des 24 Heures du Mans ?
« La camaraderie créée par la rencontre avec ceux qui ont pris part à la plus grande course du Monde !
J’ai ressenti cette chaleur quand je suis venu au Mans cette année, pour la première fois en vingt ans, et en rencontrant autant de personnes accueillantes au Club House des pilotes et lors du dîner Rolex. Je voudrais persuader davantage de membres de la section britannique du Club de venir aux 24 Heures. De même, j’espère pouvoir persuader les membres français de venir à la manche du WEC à Silverstone. »
Quand avez-vous appris l’existence du Club ?
« Je ne me souviens pas – je pense que je l’ai toujours su depuis que j’ai participé à l’épreuve.
Eric Thompson a été le premier à me sensibiliser et Colin Pool a sans aucun doute donné u second souffle au Club britannique et a sensibilisé davantage de pilotes ! »
Quand êtes-vous devenu membre ?
« Pour autant que je me souvienne, c’était lors de la remise du Eric Thompson Trophy (décerné au pilote britannique le mieux placé), en 1983, donc ça doit être ça. »
Le palmarès de Ian Harrower au Mans :
1977 : Lola T294S-Ford BDA 2l Gr 6 (M.Birrane/E.Berg/R.Down) NC distance insuffisante
1978 : Lola T294S-Ford FVC 2l Gr 6 (T.Birchenhough/J.Slaughter/B.Joscelyn) AB casse moteur
1982 : De Cadenet-Lola LM Ford Cosworth DFL 3l Gr C (M.Wilds/F.Duret) AB panne d’essence
1983 : De Cadenet-Lola Ford Cosworth DFL 3l Gr C (J.Sheldon/F.Duret) NC distance insuffisante – crevaison
1984 : ADA 01 Ford Cosworth DFL 3,3l C2 (G.Smith/B.Wolff) AB -suspension cassée
1985 : Gebhardt JC843 Ford DFL 3,3l C2 (J.Sheldon/S.Earle) – 16ème et 2ème en C2
1986 : Gebhardt JC843 Ford DFL 3,3l C2 (E.Clements/T.Dodd-Noble) 8ème et vainqueur en C2
1987 : Tiga GC287 Ford Hart DBT-E 2,3l Turbo C2 (J.Sheldon/T.Thyrring) 10ème et 4ème en C2
1988 : ADA 03 Ford Cosworth DFL 3,3l C2 (J.Joneyama/H.Fukuyama) 18ème et 2ème en C2
1989 : ADA02B Ford Cosworth DFL 3,3l C2 (C.Pool/L.Bristow) AB -perte de portières, moteur, électricité
1990 : ADA02B Ford Cosworth DFL 3,3l C2 (J.Sheldon/J.Manony) AB -suspension
Les photos des participations de Ian Harrower prises par notre ami Christian Vignon, que nous remercions, sont ici.