La France est partie pour au moins trois mois d’interdiction de compétition automobile pour cause de Covid-19. Cette interdiction va bien au-delà du sport automobile puisque toute compétition sportive est prohibée jusqu’à nouvel ordre. Une première en France pour le sport auto ?
Exception faite des deux guerres mondiales, le sport automobile a toujours été d’actualité. La catastrophe des 24 Heures du Mans en 1955 a tout de même mis un coup d’arrêt aux compétitions automobiles quelques mois le temps d’améliorer la sécurité sur les circuits. La Suisse, qui a interdit toute course sur circuit routier depuis 1955, n’a toujours pas levé cette interdiction plus de 60 ans après la catastrophe.
Même les trois chocs pétroliers (1973, 1979, 2008) n’ont pas réussi à mettre à terre le sport auto en France. Certes, il a souffert mais pas de là à l’interdire. En 1973, une tentative d’interdiction a pourtant eu lieu sous l’impulsion de Pierre Messmer, alors Premier ministre. La raison ? Le pétrole. Le premier choc pétrolier a débuté en 1971 à la suite du pic de production des Etats-Unis et l’abandon des accords de Bretton-Woods qui dessinaient les grandes lignes du système financier international mis en place après 1944. La France n’a pas échappé à cette augmentation du prix du pétrole à la pompe.
Le 30 novembre 1973, le gouvernement français a pris des mesures en vue de réduire la consommation de carburant dans le pays. Parmi celles-ci, l’interdiction de toute compétition automobile sur circuit et de tout rallye, et ce jusqu’à nouvel ordre. Branle-bas de combat dans le milieu. Le Tour de Corse, qui devait se tenir les 1er et 2 décembre, recevait tout de même une dérogation pour être la dernière manifestation sportive de l’année. Mais après, terminé…
Le Rallye de Monte Carlo 1974, prévu du 19 au 27 janvier 1974, allait de fait être impacté avec l’interdiction d’emprunter les routes françaises. A cette époque, le rallye partait de différentes villes européennes. D’autres pays européens étaient sur la même ligne de conduite : Belgique, République Fédérale d’Allemagne, Pays-Bas, Italie, Angleterre. Privé de terrain de jeu, le Rallye de Monte Carlo était annulé, ce qui n’était pas une première puisqu’en 1957, la crise du Canal de Suez ne permettait pas la tenue du rallye. Déjà une histoire de pétrole…
Il fallait tout de même sauver la saison 1974. Dès le 4 décembre 1973, la FFSA décidait de monter au créneau, via la diffusion d’un communiqué : “Il est bon de souligner que la consommation en essence pour l’ensemble des compétitions automobiles françaises, sur une année, représente un pourcentage infime de la consommation globale. A titre d’exemple, un grand prix de formule 1 de trois heures de course nécessite seulement 3 000 litres d’essence. Pour les Vingt-Quatre Heures du Mans, disputées par cinquante-cinq voitures, la consommation est de 60 000 litres, la moitié de celle d’un Boeing reliant Paris à New-York. La valeur moyenne retenue pour un rallye (cent partants, 700 kilomètres) correspond à 10 000 litres. Pour une course de côte de 4 kilomètres disputée par cent concurrents, on atteint à peine 1 500 litres d’essence.
“L’ensemble du volume du carburant utilisé en une année dans le sport automobile en France se trouve ainsi inférieur à celui qui est nécessaire à d’autres manifestations, qu’elles soient sportives, culturelles ou touristiques et pour lesquelles il est fait appel à des charters comme mode de transport. Face au très grave problème posé, la F.F.S.A. reste en contact permanent avec son autorité de tutelle, le secrétariat d’État à la jeunesse, aux sports et aux loisirs. Elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour tenter de sauver le sport automobile, mais surtout, à travers lui, les milliers de personnes hautement spécialisées risquant de se trouver réduites au chômage dans les jours à venir.”
Finalement, la saison 1974 aura bien lieu puisque l’interdiction a été levée, non sans mal. Daniel Charles, alors en charge de la promotion sportive chez Renault, est revenu avec nous sur cette période : “La décision d’interdiction a été très brutale pour tout le monde. La consommation de carburant en était la raison mais tout le monde ne l’entendait pas de cette oreille. Le bouillant André Diviès, qui dirigeait le circuit de Nogaro, avait mis en place, avec le soutien des présidents de ligue, un plan d’action pour barrer les accès aux stades de football car selon lui la consommation de carburant était plus importante pour aller voir un match de foot que pour la tenue d’une course automobile.”
Avec le temps, les choses se sont aplanies, comme le précise Daniel Charles : “Jean-Marie Balestre, président de la FFSA, a fait jouer ses appuis politiques et l’interdiction a été levée. Déjà à cette époque, qui coïncidait aussi avec le début des limitations de vitesse, il y avait un lobby anti-voiture. On avait évalué le nombre de personnes impliquées directement ou indirectement en sport auto et on arrivait à plusieurs milliers de personnes.”
La saison 1974 allait pouvoir se dérouler normalement. En juin, Henri Pescarolo et Gérard Larrousse s’imposaient aux 24 Heures du Mans sur une Matra. Cocorico !