Manuela Gostner, Rahel Frey et Michelle Gatting composent l’équipage 100% féminin de Kessel Racing. Les trois filles sont engagées en European Le Mans Series au volant d’une Ferrari 488 GTE (#83). La saison a très bien débuté avec une 2e place aux 4 Heures du Castellet pour la première manche de la saison. Les 24 Heures du Mans sont aussi au programme. Nous les avons rencontrées à l’issue de la 1ere course pour faire un point.
Comment ce projet est-il né ?
Rahel Frey (R.F) : « Ce projet vient de Deborah Mayer, elle-même pilote GT. Elle a eu l’idée de participer aux 24 Heures du Mans et elle nous a dit un jour : “montons un projet !” Elle cherchait trois filles rapides, mais aussi une équipe sympa. Elle-même roulait déjà pour Kessel Racing. Son but était vraiment de créer un équipage modèle pour les filles dans le sport automobile. Elle est entrée en contact avec la commission FIA Women in Motorsport qui a trouvé que c’était une très belle idée et qui voulait faire partie de l’aventure. Tout le monde s’est associé et nous avons commencé par un test l’année dernière aux 12 Heures d’Abu Dhabi en décembre. Nous y avons terminé 2e de la catégorie GT3 Pro-Am (6e au classement général). Ce fut vraiment positif et avons décidé de démarrer cette saison ELMS ensemble. »
Quels sont vos premiers sentiments en ELMS ?
(R.F) : « Je trouve que nous avons été très bien accueilli en ELMS. Nous sommes assez impressionnées, c’est une série bien organisée, le paddock est vraiment sympa. C’est un vraiment plaisir d’être là. »
Michelle Gatting (M.Gat) : « Nous avons eu un accueil chaleureux, il est vrai. Nous avons été reçues par Gérard Neveu qui nous a donné une “petite tape dans le dos” et en nous disant : « Bienvenue en ELMS les filles ! ». C’était vraiment sympa. »
Quels sont vos ressentis avec cette voiture que vous découvrez et qui est différente de ce que vous avez piloté par le passé ?
Manuela Gostner (M.G) : « Il est vrai que c’est un cran au-dessus, mais je me sens bien au volant de cette auto. Kessel Racing est une équipe incroyable. Avant Le Castellet, nous avions déjà fait cinq à six jours d’essais et de réglages de la voiture. Nous nous sentions prêtes pour la course. »
M.Gat : « Nous savions que notre rythme serait bon au niveau des longs relais tout particulièrement. Déjà en qualification, nous étions contentes car nous étions dans la bonne direction. Entre les essais privés, les essais libres au Castellet puis la qualification, nous avions déjà franchi plusieurs étapes. Nous construisons non pas sur une course, mais sur une saison complète. »
R.F : « Je suis d’accord. Nous ne nous focalisons pas sur une course, mais sur l’ensemble de la saison et aussi sur les 24 Heures du Mans. On ne pouvait pas nous demander d’être aux avant-postes tout de suite pour notre premier meeting, mais nous nous sentons fortes. Nous nous sommes bien habituées à la voiture, l’équipe est super avec nous et nous avons beaucoup de soutien. Nous mettons tout en œuvre pour faire une bonne année et comme cela a été dit, nous sommes dans la bonne direction. »
Comment s’est passée votre course lors des 4 Heures du Casteller ?
M.Gat : « Je suis soulagée. C’est ce que nous espérions et ce dont nous rêvions, et c’est un peu une surprise pour nous tous. Nous avons toujours voulu viser le podium et c’est arrivé. La stratégie de Kessel Racing était fantastique, tout le travail que nous avons fourni pour les pit stops et les changements de pilotes a payé et la voiture a été super jusqu’aux trois derniers tours. C’est devenu compliqué ensuite car j’ai souffert d’une crevaison mais la voiture était géniale. C’est uniquement grâce à l’équipe et à mes coéquipières. Tout le monde a fait un super travail et c’est pourquoi nous sommes ici. »
M.G : « Il n’y a rien à ajouter, Michelle a tout résumé. Ce résultat est le fruit du travail d’équipe. Ce succès est pour tous ceux qui nous soutiennent et travaillent avec nous. Au final, nous avons fait un très beau résultat. »
R.F : « C’est super car nous avions parlé d’un podium qui était l’objectif pour cette saison. Nous ne nous attendions pas à un tel résultat si vite. Nous sommes juste heureuses. C’est le moment opportun pour remercier Kessel Racing et la Commission des femmes dans le Sport Automobile de la FIA car c’est fantastique d’avoir Michèle Mouton et Cathy Muller ici avec nous. Faire un tel résultat devant elles me rend fière. »
Sentez-vous une pression supplémentaire en portant les couleurs de la FIA ?
M.Gat : « Pas du tout, nous avons le soutien de la FIA, de Michèle Mouton, de Cathy Muller. Toutes les personnes impliquées dans la commission FIA Women in Motorsport sont derrière nous. Je me sens fière de porter ces couleurs. Personne ne nous met la moindre pression et si c’était le cas, ce serait de la bonne. Ils savent que nous savons la gérer ! »
M.G : « Nous savons que les yeux sont braqués sur nous. Cependant nous sommes des pilotes femmes alors nous sommes habitués à ce genre de choses. C’est de l’énergie positive qu’on nous donne et comme l’a précisé Michelle, nous sommes vraiment fières de porter les couleurs de la FIA. »
Deux d’entre vous vont découvrir les 24 Heures du Mans en juin. Comment vous sentez vous à quelques semaines de l’épreuve ?
M.Gat : « C’est un rêve qui devient réalité. J’ai commencé le sport automobile à l’âge de sept ans et c’était déjà un objectif. N’importe quel pilote rêve de faire de la Formule 1 et de disputer un jour les 24 Heures du Mans. La façon dont tout ce projet s’est construit fut vraiment quelque chose de particulier. Manuela et moi avons été très émues quand nous avons su que la voiture était retenue pour les 24 Heures du Mans. Nous avons pleuré comme des bébés (rire). Ce fut quelque chose de très fort au niveau des émotions. Rahel nous a déjà un peu raconté comment c’était là bas, d’autres pilotes aussi. »
M.G : « Pour ma part, j’ai disputé une course sur le grand circuit du Mans en Ferrari Challenge. J’ai senti et vu cette atmosphère qui entoure la course. C’est un lieu unique et magique. Quand vous êtes sur place, vous comprenez pourquoi cette épreuve est si mythique. Cependant participer aux 24 Heures du Mans, une course que tout le monde veut faire, est juste incroyable. Ce sera une nouvelle étape pour nous et nous en sommes heureuses. »
Rahel, vous avez déjà fait les 24 Heures du Mans en 2010 au volant d’une Ford GT avec déjà un équipage féminin (Natacha Gachnang, Cyndie Allemann). Que gardez-vous en tête de ce moment ?
« Je me rappelle surtout de la piste, elle était si impressionnante. Ça a peut l’air un peu simple comme cela de l’extérieur, mais c’est tout autre quand on est dans la voiture. Cela va tellement vite. En tout cas, je suis vraiment impatiente d’y retourner. J’ai aussi été impressionné par la parade des Pilotes. Il y a tellement de monde, tellement d’énergie et une super ambiance. Quant à la voiture en elle-même, c’était en GT1. La voiture était plutôt lourde, un peu comme un tracteur. Ce n’était pas une auto facile à piloter. Cela n’a bien entendu plus rien à voir avec notre Ferrari 488 GTE actuelle ! Cette dernière est excellente pour faire de l’endurance et, en particulier, pour Le Mans. »
Quels sont vos objectifs personnels et collectifs pour l’ELMS et pour Le Mans ?
R.F : « En ELMS, nous voulons vraiment montrer notre potentiel et je pense que le résultat du Castellet est un bon début. Nous souhaitons nous battre aux avant-postes. Nous avons besoin de cela pour démontrer les capacités des femmes en sport automobile. En ce qui concerne Le Mans, ce sera une longue course, une longue semaine. Je pense que notre objectif est de finir la course sans commettre la moindre erreur et, je pense qu’alors, le résultat ne sera pas trop mal. Lors de ma première participation avec la Ford, nous n’avions pas piloté longtemps. Après quatre heures, c’était déjà terminé. Ce fut tellement dur et décevant, surtout après tous les efforts accomplis. J’espére que cette fois-ci nous terminerons. »
M.G : « Nous sommes là pour montrer ce que nous avons faire. Nous souhaitons être devant, être rapides. Au Mans, je souhaite voir le drapeau à damiers. Nous devrons pour cela faire le moins de fautes possibles. »
M.Gat : « Pour Le Mans, nous devons passer le cap de la nuit. Quand on parle avec des pilotes qui ont déjà fait cette course, ils nous parlent tous de ce moment important. Si nous passons cela et le petit matin, nous aurons alors de bons espoirs de finir. Pour ce qui est de l’ELMS, je partage les objectifs de mes coéquipières, nous voulons nous montrer. »
Crédit photo de Une : JEP/ ELMS.