Jean-Baptiste Lahaye est certes l’un des trois pilotes de l’équipe Ultimate qui roule en European Le Mans Series depuis plusieurs saisons, mais il est surtout le directeur technique et achat de l’entreprise LAHAYE Global Logistics. Forte de ses 1300 employés, la compagnie de transport est actuellement en première ligne avec la pandémie de Coronavirus car elle fournit, entre autres, de nombreux supermarchés.
Nous avons fait le point avec lui sur l’activité de l’entreprise en plein cœur du virus et avons également parlé sport automobile car son équipe s’apprête à passer en LMP2 avec son ORECA 07 dès que le feu vert pour le début de saison sera donné (2e partie) !
Pour commencer, comment allez-vous, Matthieu, vous-même ainsi que le reste de la famille Lahaye ?
« Ça va, nous sommes des gens en bonne santé et c’est important en ce moment quand on voit et lit que des mauvaises nouvelles. Tous ces morts font mal à la tête. Toute la famille Lahaye se porte bien que ce soit parents, frères, enfants, grands-parents, etc… La région Bretagne est plus ou moins épargnée pour l’instant. D’après un de mes amis médecins sur Rennes, il y a 1500 cas en Bretagne, 300 en Ille-et-Vilaine, il y a 18 personnes en réanimation à Rennes et 80 hospitalisations (à la date du 9 avril)…»
Comment cela se passe pour l’entreprise Lahaye Global Logistics ?
« Toute la famille Lahaye est au boulot, que ce soit moi (sur la partie investissement groupe, sécurité, maintenance de parcs), mes frères Matthieu (directeur général) et Romain (qui chapeaute les exploitations) ainsi que mon père, Patrick (représentant du groupe auprès des fédérations de transport).
Au niveau activité, nous avons la chance en Bretagne d’avoir des gros clients dans le groupe qui sont dédiés à l’agroalimentaire. Nous avons donc beaucoup de GMS (grandes et moyennes surfaces, ndlr) dans notre Top 20 client, beaucoup de sociétés qui sont dans l’agroalimentaire, des abattoirs, mais aussi de la collecte et réparation de palettes qui explosent en ce moment parce que, lorsque les magasins tournent à plein régime comme cela, le support doit aussi suivre. Par contre, nous avons quelques filiales dédiées au multimodal, c’est-à-dire l’association rail / route, qui sont à l’arrêt total. Nous en avons d’autres qui travaillaient pour des industriels qui sont au ralenti complet. Dans la globalité, nous n’allons pas nous plaindre car nous avons la chance d’avoir des équipes formidables qui sont tous les jours au boulot à nos côtés. Nous aurons quelques filiales support qui vont être en chômage partiel, mais 80 à 85 % de l’entreprise tourne. Cependant, chiffre d’affaire ne veut pas forcément dire rentabilité. Certes, nous avons de l’activité, mais cela n’empêche pas que nous devrions avoir des rentabilités très mauvaises ! »
Nous avons entendu à plusieurs reprises que les chauffeurs routiers avaient des soucis notamment sur les autoroutes. Qu’en est-il chez vous ?
« Je dois dire que nous avons été très choqués du comportement des réseaux routiers et autoroutiers qui n’ont eu aucun respect pour la profession. Il ne faut pas oublier qu’un chauffeur routier est quelqu’un qui alimente le pays en temps normal et encore plus en ce moment. Si lui s’arrête, nous n’allons pas mourir du Covid-19, mais de faim ! Avant même de réfléchir, tout a été fermé. Mon père, de par son statut, est allé au devant des fédérations et au Ministère des Transports en disant qu’il était temps “d’arrêter les conneries” ! Nous avons décidé d’ouvrir l’ensemble de nos agences à tous les transporteurs au niveau national. Cela veut dire que si les chauffeurs ont des soucis pour se ravitailler, ils peuvent venir chez les Lahaye, ils peuvent aussi venir se doucher, se laver et se relaxer un peu ! L’idée est que chaque transporteur fasse quelque chose dans cet ordre d’idée. Cela offrira un nouveau réseau pour les conducteurs nationaux. Cependant, à force de se faire taper dessus, les réseaux routiers et différentes autorités ont pris la mesure du problème et ont fini par réouvrir certaines stations et blocs sanitaires ! »
Avez-vous le sentiment de participer à une chaîne de solidarité, à un effort national ?
« Oui évidemment. Cela amène, dans ces moments difficiles, la reconnaissance de la profession auprès de nos conducteurs routiers. J’espère qu’on en tirera des leçons car c’est un métier où on est généralement le dernier maillon de la chaîne. Nous sommes un peu la profession oubliée et cela fait plaisir de voir qu’ils ont aujourd’hui un peu de reconnaissance de la part des Français. On reçoit des messages sympas, des dessins, des vidéos, franchement, cela nous touche et nous fait très plaisir.