A tout juste 77 ans, Jean-Luc Maury-Laribière fait toujours sa séance de sport quotidienne. Ce sport, il le doit aux 24 Heures du Mans du temps de ses participations, et ce même 16 ans après son dernier départ en terre sarthoise. Chef d’entreprise la semaine, le Charentais compte dix départs au Mans, dont une victoire en LMP675 (le LMP2 de l’époque) en 2003 sur une Reynard. Même avec le temps qui passe, le nom de Jean-Luc Maury-Laribière revient fréquemment dans les discussions. Il a roulé sur une Venturi 500 LM rose, une Venturi 600 LM ‘tuile’ et une McLaren F1 GTR décorée par l’artiste César. Passionné d’endurance comme au premier jour, Jean-Luc Maury-Laribière est revenu avec nous sur ses participations aux 24 Heures du Mans.
Votre passion du Mans remonte à votre enfance ?
“Quand j’étais gamin, j’étais élève au Collège Ste Croix du Mans et j’étais déjà passionné par cette course. Je faisais le mur pour aller suivre la épreuve. Les années ont passé, j’ai développé l’activité professionnelle familiale (les tuiles TBF, ndlr) et je n’ai pas eu la moindre voiture de sport jusqu’à 50 ans. Mes enfants ont fait du karting jusqu’au Championnat de France. Je me suis dit que j’allais faire quelque chose.”
Le choix de la discipline était arrêté ?
“Pas du tout ! Je me rends sur un salon et je vois une magnifique Venturi 400. Je tombe alors sur un gars qui a dû me voir venir. On discute, on échange, il me parle du produit. Le gars en question, c’était Stéphane Ratel. Il m’a vanté les mérites de la Venturi. Stéphane était tellement bon dans son domaine qu’il aurait vendu une télévision à un non-voyant. Résultat, il me vend la voiture. En repartant, je me suis dit ‘quelle connerie je viens de faire’. Finalement, il me rattrape et me dit qu’il n’avait plus la moindre auto disponible. Après réflexion, il m’explique qu’il lui en reste une, mais d’une couleur un peu spéciale : rose. J’ai cru à une blague, mais j’ai roulé trois ans avec, dont une fois au Mans.”
Mais vous n’avez pas débuté par les 24 Heures du Mans ?
“J’ai dû prendre des cours (rire). Je roule à Magny-Cours et je fais la connaissance d’Hervé Poulain qui était là comme moi avec une Venturi. A la fin de la journée, mes chronos étaient plus que corrects et parmi les meilleurs. Je me laisse tenter par le Venturi Trophy avec de vrais fous furieux en piste. Je dois avouer que c’était un bon apprentissage. Les résultats étaient plutôt bons avec une belle première année où j’ai beaucoup appris. J’ai surtout appris qu’on avait tous des limites, qu’il fallait apprendre à les connaître et surtout ne pas les dépasser. Cette maxime est d’ailleurs valable pour tout.”
Votre première participation aux 24 Heures du Mans était avec cette Venturi rose…
“Stéphane Ratel nous dit que la 500 LM pouvait faire Le Mans. En 1993, ceux qui voulaient venir étaient les bienvenus. C’était assez difficile car même si j’étais assez sportif, Le Mans est tout sauf une petite course. J’ai souffert physiquement. Cette expérience m’a conduit à reprendre une activité physique tous les matins de 6h à 7h, ce que je fais toujours aujourd’hui. Avec Michel Krine et Patrick Camus, on termine la course et c’était un crève-coeur que l’épreuve se termine.”
Vous vous êtes fait remarquer l’année suivante au Mans…
“Avec Hervé Poulain, nous avions lié une certaine amitié et nous avons décidé de faire une Art Car pour financer Le Mans avec une Venturi 600 LM qu’on partageait avec Bernard Chauvin. Nous avons remis ça en 1995 avec la McLaren F1 GTR imaginée par César puis la Porsche 911 GT2 de Wolinski avec sa déco si particulière. Des bouts de seins dépassaient sur le haut du pare-brise si bien qu’à chaque arrêt, il fallait changer les seins.”
Chose assez peu courante à cette époque pour un gentleman driver, vous passez sur un prototype en 1997 sur une Porsche-Kremer. L’aventure s’est vite arrêtée ?
“Cette Porsche-Kremer est une histoire à elle seule. Il fallu aller en Angleterre chercher cette auto après avoir discuté avec les frères Kremer. A cette époque, il fallait se qualifier au temps et l’un de mes coéquipiers est sorti de la piste. Fin de l’aventure. J’avais monté une grosse opération pour des clients. C’était pour moi une déception énorme.”
Vous revenez en prototype sur une Reynard engagée par Noël Del Bello en 2003 et là vous repartez avec le trophée de la victoire. Le jour et la nuit avec 1997 ?
“Je suis pourtant arrivé au Mans sans avoir pu tester l’auto auparavant. J’ai découvert la Reynard sur la piste de l’aérodrome du Mans. J’ai tout de suite été très surpris car j’étais très à l’aise dans l’auto. On gagne la course, un peu aidé par les soucis de nos adversaires. Quand je suis monté sur le podium et que j’ai vu cette foule, je me suis souvenu de tout ce cinéma pour en arriver là (rire). C’est une sensation extraordinaire, un moment incroyable.”
Vous avez un autre souvenir qui vous revient à l’esprit ?
“La McLaren F1 GTR en 1995, mais le souvenir est moins joyeux. Avoir cette auto n’a pas été simple, elle était rapide, mais difficile à piloter. Je suis chargé du départ, mais peu de temps après la boîte de vitesses s’est bloquée en 2e. Je parviens à rentrer au stand. L’équipe avait un technicien de McLaren qui nous dit que c’est terminé. Un mécanicien rentre dans la voiture et commence à ôter le levier. Il sort un bout de plastique qui avait bloqué la boîte. On repart avec un handicap de 40 minutes. Il a plu toute la nuit, c’était un vrai enfer sur la piste. Pour couronner le tout, je suis tombé en panne d’essuie-glace. Je rentre et Noël Del Bello me dit de refaire un tour, que le team va en trouver un autre. On répare, je repars et, dans les Hunaudières, je perds le balai. Là, je suis à 302 km/h sous la pluie sans essuie-glace et je me demande ce que je fais là. C’était dantesque. On a remonté dans le top 7 avec un très bon Marc Sourd. Je me souviens avoir dépassé Mario Andretti, un sacré souvenir pour moi. A l’arrivée, un pilote pro m’a dit ‘chapeau pour votre course’. Ce compliment m’a fait plaisir, mais je me suis dit que j’étais fou d’imposer cela à ma femme et mes enfants.”
A un moment, vous avez dit stop ?
“Ma nouvelle activité (des stages linguistiques, ndlr) ne me permettait plus de monter des opérations. J’ai tout de même fait quelque chose sur une Courage avec ‘Wait and see’. A un moment, il faut aussi savoir s’arrêter. Je vais toujours aux 24 Heures du Mans dans d’excellentes conditions grâce au Club des Pilotes. J’avoue que ça me fait un peu mal car je ne suis pas dans la voiture, mais je ne peux pas m’empêcher d’y aller (rire). J’ai prouvé qu’un rêve pouvait arriver si on se prépare. Je dois ma condition physique au sport auto avec une bonne hygiène de vie. Pour aller au Mans, il faut être au top.”