Jérôme Policand (AKKA-ASP Team) : “A la reprise, j’ai su qu’on avait perdu Spa”

#88 MERCEDES AMG TEAM AKKA ASP (FRA) MERCEDES AMG GT3 RAFFAELE MARCIELLO (ITA) VINCENT ABRIL (MCO) FABIAN SCHILLER (DEU)

Depuis 2016, AKKA-ASP Team est toujours dans la course à la victoire aux 24 Heures de Spa avec ses Mercedes-AMG GT3. L’édition 2019 qui vient de s’achever a soufflé le chaud et le froid pour le team de Jérôme Policand basé à Rabastens. Les deux Mercedes-AMG GT3 ont rallié l’arrivée, la #88 de Marciello/Abril/Schiller au 13e rang et la #90 de Fraga/Bastian/Boguslavskiy au 2e rang de la Silver Cup. Cette dernière a offert quatre titres à AKKA-ASP Team (Blancpain GT Series Silver Cup Pilotes/Equipes et Blancpain GT Series Endurance Pilotes/Equipes). A l’heure de dresser le bilan de la classique belge, Jérôme Policand est mitigé.

Que retenez-vous des 24 Heures de Spa pour AKKA-ASP Team ?

“A Spa, nous avions deux objectifs. On devait faire le travail en Silver Cup avec une course sans problème, ce qui s’est passé. Il fallait prendre des risques sans dépasser la limite. Nous ramenons quatre titres, ce qui est bien sachant que la #90 s’est élancée depuis les stands (changement de moteur, ndlr). Avec la #88, on s’est loupé.”

Une édition à oublier pour la #88 ?

“On a manqué de performance. La seule Mercedes qui était dans le coup était celle de Black Falcon. Aucun de nos trois pilotes n’a pu tout mettre dans l’ordre en qualif’, surtout Lello. Au mieux, on pouvait faire entre P12 et P15. En course, nous étions rapides durant la nuit et moins le jour. Il y a quelque chose que nous n’avons pas compris. Jusqu’au drapeau rouge, je ne vois pas comment nous aurions pu faire mieux. Une crevaison nous a tout de même fait perdre un tour, mais la stratégie était bonne et on avait tout juste avec un bon arrêt technique.”

Le drapeau rouge vous a coûté cher ?

“La sortie du drapeau rouge est le tour où on rentre car nous sommes à plus de 60 minutes de relais. Malheureusement, les compteurs n’ont pas été remis à zéro. Finalement, ce n’est que de la chance. On nous oblige donc à repartir pour rentrer au premier tour alors qu’il nous restait de l’essence vu que le relais a été bouclé sous safety-car. On rentrait un tour plus tôt, le podium était envisageable. L’an dernier, les relais ont été remis à zéro. Je regrette la réunion des teams managers car si j’avais su cela, j’aurais dit ‘on roule’.”

C’est une vraie partie de poker…

“On part derrière safety-car et on s’arrête en perdant 1/2 tour. C’est là qu’on a perdu Spa. C’est impossible de revenir quand on voit le niveau. Soit tu fais un drive through et tu perds 1mn30, soit tu fais un arrêt total pour changer de pilote et tu perds 30s de plus.”

Le passage des pluie aux slicks était tout de même audacieux…

“Quitte à tout faire, on met les slicks. S’il y a un problème, on recolle sachant que la piste était séchante. Le pari n’est pas débile. Est-ce que c’était un coup de poker ? Oui et non. Quand on a crevé, on est passé en slicks en remontant 7 secondes par tour pour passer P3. A la reprise, j’ai su qu’on avait perdu Spa. Là, je me suis dit ‘qu’est ce que j’ai dit à la réunion…’. On ne savait pas que les compteurs ne seraient pas remis à zéro pour les relais. Il n’y a rien de plus frustrant de repartir en sachant que tout était perdu. C’est comme si sur la manche du Paul Ricard, tu me demandes de faire un arrêt au 1er tour.”

Les bonnes décisions ont été prises ?

“Je ne critique pas la direction de course car, à un moment, il faut prendre des décisions. Depuis deux ans, les plus rapides gagnent Spa. Cela n’ôte en rien le mérite de la Porsche #20 et du festival de Kévin Estre en piste. A la fin, c’était clairement une démonstration. Exception faite du choix de pneus, nous n’avons pas commis la moindre erreur. Soit tu es vite et c’est bon, soit tu es moyen et tu essaies de trouver des astuces. On était obligé de faire des choix.”

Selon vous, on ne pouvait plus rouler le dimanche matin ?

“Les pilotes disaient que c’était très compliqué même si je pense que le drapeau rouge a duré trop longtemps. C’est dur pour nous à évaluer. Ce qui est sûr, c’est que ça te sort complètement de la course. C’est plus dur que de la continuer. Mais s’il y avait eu un gros accident ? On aurait demandé pourquoi la course n’avait pas été arrêtée plus tôt. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui, mais Alain Adam est un bon directeur de course. Il faut gérer 72 autos en piste.”

Vous ne trouvez pas qu’on ôte une bonne partie du sport avec toutes ces règles : arrêt technique, joker, tolérance d’une seconde ?

“Selon moi, il faudrait que cette course soit libre sauf les relais de 65 minutes. Il y a une grosse partie de chance. Comment prévoir que la course va s’arrêter un tour avant ou un tour après ? Si on perd là-dessus, il y a de quoi avoir des regrets. En 2016, il y avait une fenêtre haute et basse pour les ravitaillements, ce qui était mieux. Le joker ne fait pas gagner grand-chose, au mieux 20 secondes. Je ne suis pas contre la tolérance d’une seconde car prendre un drive through pour 0.2s serait rageant surtout quand on connaît la longueur de la voie des stands à Spa.”

On a senti que les dernières heures étaient calmes. C’est aussi votre avis ?

“Les dernières heures ont été ennuyantes car tout le monde s’est recalé. Soit on fait 27/27/27 (tours), soit 27/27/12 ou 6, donc un arrêt de plus. Il y a eu un safety-car et tout le monde s’est replacé. S’il n’y avait pas eu le dernier safety-car, des autos auraient dégringolé au classement. Chaque année, on se crée des outils et on va s’en créer d’autres pour l’année prochaine.”

On a clairement vu un non respect des drapeaux bleus…

“Les pilotes ne veulent pas perdre un tour donc il font ce qu’ils peuvent pour ne pas se faire dépasser. On l’a vu avec Gary Paffett sur Kevin Estre et ce n’était pas une consigne Mercedes. C’est la même chose avec une Nissan. C’est la guerre ouverte sur la piste. Peut-être qu’il faut remettre des règles plus simples. En IndyCar, tu peux te battre. Le tout est de le savoir. Si tu résistes à Monza comme certains l’ont fait à Spa, tu prends un drive through.”

Il faut beaucoup de chance sur cette course ?

“Je ne sais pas comment la gagner. En 2020, si tu n’as pas la meilleure auto, il faudra de la chance. Jusqu’au drapeau rouge, nous avons fait une belle course. Notre arrêt technique relève de la chance car on le fait quand les conditions sont compliquées. La Lamborghini/Grasser ne l’a pas fait, donc c’était mort pour elle. Le mix GT4/GT3 nous a aussi plombé. A Spa, il faut quatre ingénieurs. Avec le GT4, deux sont venus en renfort que pour la course. Il faut avoir des ingénieurs qui connaissent cette course qui est si particulière. 2020 sera bien mieux avec le FFSA GT une semaine plus tôt. La saison prochaine s’annonce intense, mais nous aurons une vraie préparation pour Spa.”