Il y a encore moins de deux semaines, AKKA-ASP Team était encore en essais au Paul Ricard à l’occasion des essais officiels GT World Challenge Powered by AWS. Depuis, la situation a changé et toute nouvelle séance de roulage est à proscrire compte tenu de la situation sanitaire actuelle. Avant de reprendre contact avec Jérôme Policand pour savoir comment AKKA-ASP Team gère la crise à Rabastens dans la banlieue de Toulouse, le patron d’équipe nous avait donné son point de vue sur la situation qui n’était pas encore ce qu’elle est aujourd’hui.
Ce début de saison retardé modifie-t-il vos plans ?
“Le gros point fort de SRO Motorsports Group est d’avoir anticipé les choses avec la mise en places de plans B et C. Si la saison doit se terminer en novembre, on fera avec, on s’adaptera. Je pense que, pour nous, c’est moins lourd à gérer que le calendrier de Formule 1. Ce n’est pas les deux ou trois mois sans rien le problème car une équipe ne tient pas qu’à ça. Je suis plus inquiet sur le fait de savoir quelle va être la conséquence de cet arrêt sur le plan économique. Quels sont les investissements qui vont pouvoir être finalisés par les partenaires et les pilotes ? Qu’est ce qu’on pourra maîtriser ? Finalement, en tant qu’équipe, je suis au bout de la chaîne. Cette crise est plus importante que celle de 2008 car, à cette époque là, les gens continuaient à travailler. En sport automobile, on a connu la crise du pétrole. Ce qui est fou, c’est que tu perds alors que tu as tout bien fait. Il y aura forcément un impact sur notre sport. Quand on en ressortira, il y aura des leçons à tirer de cette situation.”
Vous êtes plus inquiet sur le long terme ?
“Peut-être qu’un Jean-Luc Beaubelique va me dire qu’en 2021 il se limitera à un programme GT4. La conséquence du virus sera le problème. Si ma société ne peut pas s’arrêter deux mois, c’est qu’elle n’est pas assez solide.”
Le chiffre d’affaires va forcément diminuer…
“En fonction de la situation, on peut limiter la perte de chiffre d’affaires. Je peux en perdre si AMG me dit qu’on ne peut plus faire ceci ou cela ou qu’on ne fait que la moitié. C’est la même chose si un pilote met moins de budget. J’ai de très grosses échéances au mois d’avril avec des investissements qui sont déjà faits. Tout a été dépensé : les voitures, le matériel, les engagements, les assurances. L’écurie a acheté quatre autos cet hiver. Elles roulent, donc il faut les assurer. Il y a aussi le budget pneus qui a été dépensé à environ 15%. Quand une équipe de course a 15 meetings, elle équilibre au 13e, elle gratte un peu au 14e et elle gagne quelque chose au 15e. Si la saison part en juin et que mes contrats tiennent, je peux m’en sortir. La chance que l’on a par rapport à d’autres sports, c’est que nous ne faisons face qu’à des reports et non des annulations. Il faudra aussi faire des choix et peut-être que nous ne pourrons pas aller à Abu Dhabi ou Kyalami. Disons qu’on a plus de possibilités que d’autres sports.”
Le souci est qu’une fois que les meetings vont reprendre, ils vont s’enchaîner…
“Si rien ne change, on part sur six meetings à suivre avec les Total 24 Heures de Spa en 6e meeting. Si l’Angleterre devait sauter, il est clair qu’il y aura au moins un meeting dans la foulée de Spa. Au bout de trois meetings, tu commences à fatiguer les hommes. La réflexion est de savoir comment s’organiser. Les saisons 2021 et 2022 peuvent être un problème. Chaque année, c’est toujours plus. Les contrats se signent de plus en plus tard. J’avais un partenaire brésilien pour le Sprint (d’où la couleur ‘or’ d’une des Mercedes, ndlr) et compte tenu de la situation, il s’est désengagé sachant que le contrat n’était pas signé. Si je n’avais pas 90% de mes contrats déjà signés, ce serait nettement plus compliqué. Cette année, et contrairement aux années passées, on a pu voir que moins d’autos étaient stickées pour la saison.”
Vous avez passé votre programme d’essais malgré l’incertitude de la date du lancement de saison ?
“L’équipe a travaillé au Paul Ricard comme si la saison débutait à Monza. C’est le message que j’ai fait passer à l’équipe. Il faudra être prêt quand ça repartira. Comme je l’ai dit, là où je suis le plus inquiet, c’est pour 2021. J’en reviens toujours à la même chose, le GT3 et le GT4 correspondent-ils à un marché ?”
Que voulez-vous dire ?
“Limiter le personnel, ne pas chauffer les pneus, faire deux relais avec les pneumatiques, etc… Il y a moyen de faire des économies. Au Paul Ricard, j’ai un pilote qui est sorti large dans deux virages (T2, T11, ndlr), il a juste touché une quille, rien d’autre. Résultat : 15 000 euros. Dès qu’un pilote touche, la note est lourde. Il faut mettre des pièces à un prix que les pilotes peuvent payer. Une saison coûte de 600 à 700 000 euros. Si en 2021, on ne peut réunir que 350 000 euros, comment fait-on ? Les autos sont là, elles existent. Il faut aussi attendre de voir ce que seront les futures GT3. Si on a des petites GTE, cela aura beaucoup de mal à fonctionner.”