En signant son premier contrat de pilote officiel, Jules Gounon avait conscience de la responsabilité accordée par Audi Sport pour participer aux Total 24 Heures de Spa.
La marque aux anneaux avait le choix pour remplir ses équipages et elle a choisi le jeune pilote natif d’Aubenas âgé de 22 ans. Sa prestation en ADAC GT Masters sur une Corvette et sa performance aux 24 Heures de Daytona sur une Audi ont séduit le staff Audi. Ce n’est pas parce qu’on s’appelle Gounon que tout est facile. Il a fallu gravir les échelons avec quelques désillusions. La terre entière se souvient de sa cabriole en Porsche Carrera Cup France à Navarra il y a deux ans. Maintenant, on parle de Jules Gounon comme le vainqueur de la plus grande course GT au monde. En compagnie de Christopher Haase et Markus Winkelhock, Jules Gounon a ramené l’Audi R8 LMS du Audi Sport Team Saintéloc sur la plus haute marche du podium des Total 24 Heures de Spa. De quoi réjouir son père et son grand-père les yeux grands ouverts en bas du podium.
Surpris de cette victoire ?
“J’ai toujours du mal à réaliser ce qu’on a réussi. Sur le papier, je ne suis pas surpris car je savais qu’on avait le package pour y arriver. Quand on voit le niveau des concurrents en face, y arriver est bien plus compliqué qu’avoir un simple package. Tout le monde a été parfait : l’équipe, les pilotes, le soutien d’Audi.”
L’intégration au sein du Saintéloc Racing a été rapide ?
“J’ai de suite été bien accueilli. L’équipe possède une grosse expérience de la course. Les deux Nicolas (Chomat et Drouelle, ndlr) ont mis en place une stratégie parfaite. De plus, il n’y a eu aucune erreur lors des ravitaillements. Il n’y a pas de hasard. Voir toute l’équipe Saintéloc en bas du podium faisait chaud au coeur, d’autant plus que mon père et mon grand-père étaient là eux aussi. Je chantais la Marseillaise pour ne pas succomber à l’émotion. Quand je gagne en Allemagne, c’est l’hymne allemand. Je garderai cette image en tête toute ma vie.”
Passer le moins de temps au stand a été la clé du succès ?
“Nous n’avons pas pris une seule pénalité durant le meeting. Markus et Christopher ont bien insisté lors des briefings qu’il fallait éviter les pénalités à tout prix car le temps perdu se rattrape difficilement. Le seul souci a été une roue pas suffisamment serrée qui nous a fait perdre plus d’un tour. Au petit matin, je me suis dit qu’un top 5 était envisageable. Après mon triple relais, nous avons comblé un tour grâce à la stratégie. On est reparti sur une dynamique de conquérant avec tout de même une crainte sur la dégradation des pneus à cause d’une météo de plus en plus chaude le dimanche après-midi. Au final, l’auto n’a pas un seul contact, pas une seule rayure.”
Les dernières heures ont été stressantes ?
“J’ai rarement été aussi nerveux et stressé. J’avais toujours peur qu’il arrive quelque chose. Quand on pense que le dernier français à avoir gagné cette course est Romain Dumas. Je gagne derrière Romain Dumas, ce qui n’est pas rien.”
Le tour perdu durant la nuit a été dur à digérer ?
“Ma philosophie est de ne rien lâcher. Chaque fois que Markus et Christopher partaient en piste, j’allais leur taper dans la main. Quand on voyait le déroulement de la course, on savait qu’on avait notre chance. Le déclic a été mon triple relais où j’ai bouclé le meilleur chrono de la voiture. Nous avons fait une belle opération sous régime de safety-car en reprenant un tour. Markus a repris ensuite la piste avec un tour parfaitement clair. C’est là qu’il a établi le tour le plus rapide de la course. L’auto était parfaite. On a eu l’auto qu’on espérait avoir, notamment le dimanche matin.”
Les mauvais souvenirs sont aux oubliettes…
“J’ai traversé pas mal de difficultés. Il y a eu l’arrêt de la Cup, mes problèmes aux cervicales, une opération à une jambe, le gros accident en ADAC GT Masters. Gagner après tout ça est une revanche mais aussi un accomplissement. C’est un tout.”
A deux reprises, vous étiez au bon endroit au bon moment ?
“Exactement ! La chance vient de chez Callaway où j’ai discuté par hasard avec le patron sur une séance d’essais. Sans me connaître réellement, il m’a fait confiance pour quelques courses puis finalement pour la saison complète. Tout s’est vite enchaîné puisque Land Motorsport m’a pris pour Daytona. Ils ont pris des risques pour moi et je leur dois beaucoup. Cela m’a ouvert les portes pour Spa. Je dois aussi beaucoup au Team AKKA-ASP car Jérôme Policand m’a demandé de venir au dernier moment sur une séance d’essais et Jean-Luc Beaubelique a souhaité que je l’accompagne cette saison. C’est aussi une belle marque de confiance. Cela tient finalement à peu de choses. Le final de Spa a fait que je me suis battu contre l’équipe pour qui je roule le reste de la saison. Le petit sms accompagné d’un smiley de Jean-Luc durant la course m’a bien fait sourire : ‘tu ne vas quand même pas battre notre équipe ?’. Je suis fier de rouler avec Jean-Luc et le Team AKKA-ASP.”
Il va maintenant falloir continuer sur cette dynamique…
“Je suis en tête de l’ADAC GT Masters et je suis tourné vers le Nürburgring. C’est très important d’aller chercher le titre. Il y a également la fin de saison en Blancpain GT Series chez Team AKKA-ASP. Le championnat est très dur et exigeant. Le trafic est compliqué à gérer et les autos sont très proches. Le niveau en Blancpain GT Series est digne d’un championnat du monde. Il suffit de compter le nombre de Platinum et de Gold au départ. C’est une grande fierté d’en faire partie.”
Ce rôle de pilote officiel Audi en appellera d’autres ?
“Je l’espère. Avoir un contrat de pilote officiel donne une certaine pression. La course était dure physiquement et mentalement. A l’issue de mon triple relais, j’étais content de l’entraînement fait en amont. J’avais ma vie personnelle de côté. Je me levais pour le sport auto, je mangeais pour le sport auto et je me couchais pour le sport auto. Je me devais de mettre toutes les chances de mon côté. J’ai toujours galéré pour trouver des budgets, donc je ne pouvais pas laisser passer cette chance. Je n’ai jamais fait de monoplace à haut niveau, ce qui complique la donne. Cette victoire est le déclic que j’attendais et je suis libéré de cette pression.”