Comme ses collègues Bentley Boys, Jules Gounon va devoir se trouver un nouvel employeur en 2021. La fin du programme officiel de la marque de Crewe oblige l’Ardéchois à aller voir ailleurs, mais contrairement à ses débuts en GT où il a galéré se faire un prénom, alors qu’il avait un nom, le jeune pilote âgé de 26 ans dans quelques jours a un palmarès qui parle pour lui. Sa victoire aux Total 24 Heures de Spa 2017 et son titre ADAC GT Masters la même année lui ont ouvert des portes et son travail chez Bentley devrait continuer à le propulser sur le devant de la scéne.
On le verra aux 24 Heures de Daytona sur la Ferrari 488 GTE/Risi Competizione avec des pilotes officiels Ferrari. La catégorie Le Mans Hypercar est celle qui l’attire, mais, en attendant, c’est en GT3 qu’on le reverra en 2021. Retour sur une saison 2020 pas comme les autres…
Quel bilan tirez-vous de cette saison 2020 ?
“Les bases étaient bonnes avec une victoire aux 12 Heures de Bathurst en février. Tous les rêves étaient permis après le succès sur cette course si prestigieuse. Malheureusement, la pandémie a enrayé la ‘positive energy’. L’année 2020 a été très compliquée. Si on ôte les 24 Heures de Spa, je n’ai pas fait un seul tour en course en GT World Challenge Europe Endurance (chez K-PAX Racing, ndlr). A Imola, le turbo a fait des siennes, au Nürburgring il y a eu un accident et le moteur a cassé au Paul Ricard. Difficile de faire pire. Malgré cela, K-PAX Racing a fait du super boulot.”
L’Intercontinental GT Challenge est aussi une déception ?
“On ne perd pas le titre à Kyalami, mais à Indianapolis. Nous étions en route pour au minimum un podium mais l’arrêt dans les stands de 30 minutes ne l’a pas permis. La chance n’a pas souri à l’équipe à Indianapolis et Kyalami a été encore pire avec un abandon prématuré.”
Cette saison vous a permis de briller aux 24 Heures du Mans et du Nürburgring…
“Je suis ravi d’avoir pu participer une nouvelle fois aux 24 Heures du Mans pour Risi Competizione avec deux pointures de la discipline que sont Olivier Pla et Sébastien Bourdais. J’ai beaucoup appris à leurs côtés. Un podium en GTE-Pro était envisageable sans la casse d’un amortisseur. Au Nürburgring, un top 5 était à notre portée, mais la transmission a fait des siennes. Cette saison 2020 a été dure, étrange, décevante sans les fans.”
La fin du programme Bentley a été un coup de massue ?
“Nous l’avons appris au Paul Ricard lors de la finale GT World Challenge Europe. Cette annonce nous a donné un gros mal de tête.”
Quel bilan tirez-vous de vos années Bentley ?
“C’est une fierté pour moi d’avoir porté les couleurs Bentley durant trois ans. J’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes de légende comme Malcolm Wilson auprès de qui j’ai beaucoup appris. J’ai aussi pris des grandes claques dans la figure (rire). Être pilote officiel pour un constructeur, c’est différent. Si tu ne fais pas bien ton boulot, tu te fais vite reprendre et il ne faut pas avoir de jour sans. J’ai franchi une nouvelle étape dans ma carrière.”
La relation avec vos coéquipiers a été parfaite durant ces années ?
“J’ai passé trois ans avec Jordan (Pepper) et une saison avec Max (Soulet). La formule fonctionnait très bien. C’est toujours un pincement au coeur de se dire que c’est terminé. Kyalami a forcément mis un coup au moral.”
Comment se sont passés vos débuts avec Bentley ?
“2017 a été une année particulière pour moi avec la victoire à Spa et le titre ADAC GT Masters. Cette année-là, j’ai tout investi et j’ai même mis de l’argent pour payer un train de pneus neufs pour des essais libres avec Callaway. J’ai travaillé via mon BPJEPS pour payer les pneus. Lors de mes premiers essais avec Bentley, j’ai partagé ma chambre avec Max (Soulet) car je n’avais plus d’argent pour payer. Ce dernier a été un vrai cadeau pour moi, une belle rencontre. On s’est tout de suite entendu en me prenant sous son aile. Ensuite, j’ai débuté avec Guy Smith et Steven Kane qui sont deux légendes. J’ai aussi beaucoup appris à leurs côtés.”
C’est toujours triste quand un programme prend fin…
“Il faut tirer un trait sur cette page. On se dit que c’est triste quand les autres arrêtent, mais, là, quand ça te touche, c’est pire. Nous étions trois à être confirmés pour 2021. Compte tenu du timing, cela laisse peu de temps pour se retourner et chacun va maintenant essayer de trouver un volant ailleurs. Je travaille pour un beau programme 2021. Si cela se confirme, ce sera un gros pas en avant dans ma carrière.”
Vous rêvez de LMDh ?
“Evidemment ! Le seul hic est qu’actuellement les constructeurs prennent des pilotes qui ont de l’expérience en prototype. En LMP2, c’est compliqué pour être payé. La vague du GT3 est énorme et je pense que la catégorie n’est pas terminée.”
Vous suivez toujours des jeunes pilotes ?
“Il y a clairement une remise en question sur les coûts. Je travaille avec Bastien Ostian pour manager des jeunes pilotes. Un programme demande beaucoup d’argent, alors attention à ce que ça ne devienne pas comme en GTE. Je compte faire bénéficier des jeunes de mon expérience. Cela fait plaisir d’avoir trois jeunes, ce qui est une source de motivation supplémentaire.”
Être pilote officiel est de plus en plus dur ?
“C’est une denrée rare d’être pilote officiel en 2021 compte tenu de la situation. Pour ma part, la priorité est de rester dans le giron d’un constructeur. Les annonces d’Audi et Porsche en LMDh sont deux messages d’espoir. Le GT va changer, mais la catégorie ne disparaîtra pas. C’est tout le monde du sport automobile qui change. Ce que l’on verra en 2023 se passe dès maintenant. Si tu n’es pas pilote officiel, il faut trouver des clients pour faire son travail.”
On en profite pour souhaiter un bon anniversaire à Jules qui fête aujourd’hui ses 26 ans.