Si on vous dit : “Montez le volume et rendez-vous au premier virage !” Vous avez certainement reconnu la phrase prononcée par Julien Fébreau avant chaque départ de Formule 1. Le journaliste sportif est en effet le commentateur officiel de la Formule 1 sur la chaîne de télévision française Canal+ aux côtés du champion du monde de Formule 1 1997, Jacques Villeneuve.
Entre le Grand Prix d’Espagne et celui de Monaco, Julien Fébreau est venu faire une pige en Ligier European Series sur le tracé du Red Bull Ring (Autriche) dans le cadre du meeting ELMS. A cette occasion, nous avons pu le rencontrer pour parler de ses premiers tours de roues en Ligier, mais aussi d’Endurance et de 24 Heures du Mans…
Vous avez roulé sur la Ligier JS 2R #25 d’Orhes Racing avec Alain Bucher. Qu’avez-vous pensé de cette auto ?
« Mes premières sensations ont été très bonnes. Elle est agréable à piloter, pas piégeuse, facile à découvrir et s’emmène même aisément. Après, la piloter vite est une autre chose, mais pour débuter, c’est vraiment un beau produit. C’est une voiture pour gentleman, mais aussi pour pilote aguerri avec laquelle il va s’éclater. E n plus quand on met les slicks, ce n’est que du plaisir.
J’ai aussi découvert le circuit du Red Bull Ring. Il peut paraitre simple quand on le regarde sur une carte à plat, mais en réalité, il n’est pas plat du tout (rire). Les limites de la piste (track limits), on en parle beaucoup en ce moment, sont assez difficiles à respecter, mais cela fait partie de l’apprentissage. Après mes premiers tours en essais libres, la qualif est arrivée avec ce qui pouvait m’arriver de mieux dans mon cas, c’est-à-dire une grosse averse au virage 3 et 4. La petite histoire est que je ne suis sorti des stands qu’après 15 h 00 pile car je devais publier une information sur les réseaux sociaux, le fait que le Grand Prix de France de F1 est avancé d’une semaine. J’étais sanglé dans la voiture en train de publier (rire). Je voyais le chrono sur la ligne de départ, à 15 heures pile, j’ai tout envoyé et suis parti en piste. Mais tous les concurrents y étaient déjà et, quand je suis arrivé aux virages 3 et 4, j’ai vu un mur d’eau. Je me suis dit : « N’oublie pas que tu es en slicks ! » Mais, pas de souci, j’ai été prudent et j’ai bien géré le switch entre les parties sèches et celles qui étaient détrempées. Je peux maintenant dire que j’ai roulé au Red Bull Ring en pneus slicks sous la pluie (rire) ! »
Résultats au Red Bull Ring : 4e de la course 1, 7e de la course 2.
Vous avez fait de l’Andros, du Rallycross, maintenant la Ligier European Series. Vous aimez être un peu touche à tout comme cela ?
« Je préférerais m’inscrire sur la durée dans un championnat car, là, j’ai certes le plaisir et la chance de découvrir de nouvelles autos, mais c’est un “one shot” à chaque fois ! Le dimanche soir, je me dis que j’aimerais bien recommencer car il y a des choses que j’ai comprises entre temps. Je découvre des voitures différentes, mais, en même temps, je pars de zéro le vendredi matin et le dimanche soir, je n’ai appris que 20 à 25 %, mais c’est le jeu ! L’avantage, c’est que je ne joue aucun championnat, je n’ai donc aucune pression. Mon unique souci est que je ne veux pas gêner les autres ni abîmer l’auto. Je ne voudrais pas que l’on vienne me dire que je ne suis là qu’une fois et que j’ai trouvé le moyen d’accrocher un de mes concurrents, même si cela peut arriver ! »
En quoi vos différentes expériences en piste vous aident-elles dans votre travail de tous les jours et dans vos commentaires du dimanche ?
« Cela m’aide en effet. Quand je monte dans une voiture de course, je le fais de manière très sérieuse. J’estime que, comme j’ai moins de capacités que d’autres, il faut vraiment que je m’applique pour faire quelque chose de correct. Je le fais par respect pour l’équipe, les autres pilotes et pour moi-même. C’est vrai que quand je commente une course, j’y pense. Lorsque l’on va venir avec la F1 ici, imaginons qu’il pleuve, évidemment la situation ne sera pas la même, mais je vais y penser et je serai capable de dire à l’antenne que quand la pluie arrive par le haut du tracé, que ça tombe aux virages 3 et 4, c’est piégeux. Je revisualiserai alors la scène, même si cela n’a rien à voir entre une Ligier JS 2R et une Formule 1 de 1000 chevaux. Cependant, comme j’ai une mémoire visuelle, ce que j’ai vécu me reviendra et je choisirai alors mieux mes mots. »
Nous sommes sur un meeting ELMS. Suivez-vous l’actualité de l’Endurance ? Avez-vous déjà assisté aux 24 Heures du Mans ?
« Bien sûr ! Je suis cela avec grande attention. J’ai eu l’immense privilège de vivre les 24 Heures du Mans ces dernières années de l’intérieur. Je souhaite d’ailleurs remercier Gérard Neveu et Pierre Fillon. Ils ont eu la gentillesse de m’inviter à assister à la course, je suis allé en bord de piste de nuit. C’est extraordinaire. J’ai appelé Franck Montagny (qui intervient lors des retransmissions F1 sur Canal +, ndlr) à deux heures du matin pour lui dire que j’étais à Indianapolis. Je lui ai dit :” Tu te débrouilles, mais on fait un jour Le Mans ensemble !” Ca l’a bien fait rire. Je suis aussi allé voir la finale du WEC une année à Bahreïn, c’est extraordinaire l’endurance. De plus, je pense que la révolution de l’endurance est intéressante et bonne et que l’on va vivre des années intéressantes à l’avenir. Je connais plein de gens en endurance car je les ai soit croisés en GP2 ou en F1 auparavant que ce soit des pilotes, des ingénieurs, des team managers. Je suis allé en voir une bonne partie dans le paddock ELMS pour qu’ils me fassent voir leur voiture de près, tout ce qui a des roues m’intéresse de toute façon. »
Rêvez-vous de faire Le Mans alors ?
« Oui, mais qui ne rêverait pas de faire les 24 Heures du Mans ! Cependant, il faut avoir du respect pour les pilotes et moi, je n’en suis pas un, je suis juste un gentleman driver et je ne sais pas si c’est la place pour un gentleman comme moi. Si un jour, j’ai le temps de me préparer et, qu’à un moment donné on me dit que je coche les cases pour aller au Mans sans être dangereux pour les autres et pour moi, alors on verra. Cela fait, par contre, beaucoup de conditions à remplir, mais qui ne rêverait pas d’être un jour sur la grille de départ des 24 Heures du Mans ! J’ai déjà fait une course de 4 heures à Magny Cours, il n’y avait pas beaucoup de trafic à gérer mais c’était déjà effrayant. C’était en plus de jour et sur le sec ! Alors Le Mans, on en est loin. Un jour, j’ai vu Nicolas Lapierre à l’arrivée des 24 Heures et je lui ai dit : « J’ai compris, Le Mans, la nuit, le trafic, sous la pluie, en fait, vous êtes des grands malades (rire) ! » On y apprend des choses comme le respect de ceux dont c’est le métier et qui prennent de vrais risques. On a récemment vu que c’était un métier dangereux comme avec l’accident de Romain Grosjean. »
Vous avez parlé de révolution de l’endurance. On arrive sur l’ère de l’Hypercar, du LMDh. Un grand constructeur comme Ferrari arrive, il sera à la fois en Endurance et en F1, vous êtes donc concerné indirectement…
« Tout à fait. On pose beaucoup de questions chez Ferrari. Les deux pilotes de F1 n’ont pas la même réaction pour l’instant. Leur absolue priorité est bien sûr la monoplace à ce moment de leur carrière. Mais il y a un temps pour tout et je pense qu’un Charles Leclerc sera curieux de mettre son nez dans ce type de voitures. Fernando Alonso a montré la voie. Il est allé en Endurance et a capté des trucs sur la gestion d‘énergie qui lui servent aujourd’hui. Même les gens dans l’équipe qui étaient là depuis bien plus longtemps, il leur a tellement posé de questions, gratté des choses, demandé des infos sur la récupération d’énergie, qu’ils se sont mis au tour de la table en se disant qu’il avait mis le doigt sur un truc. Au final, ils ont progressé. Je trouve cela génial, j’adore. Les autres grandes équipes l’ont vu aussi, le savent et se disent que pour être un pilote vraiment complet il faut peut être aller voir du côté de l’endurance avec leur propre gestion d’énergie. Cela attirera certainement d’autres pilotes ! »