La Suisse est le pays du chocolat et de l’horlogerie. Dire que la Suisse est en pointe en course automobile amène comme une double réponse : oui et non. Oui par la qualité de ses équipes et de ses pilotes, non pour ses circuits automobiles. Depuis 1955 et la catastrophe des 24 Heures du Mans avec ses nombreux morts, la Suisse a interdit toute compétition sur circuit, interdiction toujours en vigueur en 2020 à l’exception de la Formula E qui bénéficie d’une dérogation. Avant la Fe dans les rues de Zurich, la dernière course sur circuit remontait à 1954. Jusqu’à il y a encore quelques années, les deux pays au monde à ne pas avoir la moindre compétition sur circuit étaient la Suisse et Israël. Les choses ont bougé il y a peu en Israël, si bien que la Suisse reste esseulée même si les courses de côte restent autorisées dans le pays, tout comme les rallyes.
A plusieurs reprises, des demandes ont été faites pour lever cette interdiction. Le 20 octobre 2010, une initiative parlementaire a été déposée au conseil national pour abroger l’interdiction. Afin d’arriver à ses fins, Walter Wobmann expliquait que les adeptes suisses devaient effectuer chaque année des déplacements de plusieurs milliers de kilomètres pour s’entraîner ou pour participer à des compétitions, en raison de l’absence de tout circuit automobile en Suisse. Des cours de maîtrise du véhicule et des courses d’essai avec des modèles spéciaux de voitures ou de motos, qui ne pouvaient s’effectuer que sur un circuit digne de ce nom, devaient eux aussi être organisés à l’étranger. Selon le dépositaire, il en résultait un non-sens écologique et économique, sans parler de la discrimination d’un genre de sport et de ses dizaines de milliers d’adeptes dans le pays. Wobmann soulignait également qu’un circuit pouvait servir à l’amélioration de la sécurité routière, notamment la formation des conducteurs. Le volet économique était aussi mis en avant avec la création d’emplois.
Dans son combat, Walter Wobmann pouvait compter sur le soutien de Christian Wasserfallen et Dominique de Buman. “Il est temps de mettre fin à cette hypocrisie en abrogeant cette disposition” expliquaient de concert les trois dépositaires de cette initiative parlementaire.
Le 31 janvier 2011, la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national a procédé à l’examen préalable des trois initiatives, auxquelles elle a donné suite par 14 voix contre 10 et 1 abstention. Le 28 février 2011, son homologue du Conseil des Etats a décidé, par 7 voix contre 5, de ne pas se rallier à cette position. Appelée à se prononcer une nouvelle fois sur ces objets, la commission du Conseil national a maintenu sa décision à sa séance du 28 mars 2011, par 10 voix contre 9. Gagné ?
Après le Conseil National, le Conseil des Etats se réunissait le 5 septembre 2011. Par 7 voix contre 5, la commission n’a pas donné suite aux initiatives.
La majorité de la commission s’est montrée très sceptique à l’idée de lever l’interdiction des courses automobiles en Suisse. Les arguments d’ordre économique avancés par les auteurs des trois initiatives ne l’ont guère convaincue. Elle estime en effet que les entreprises suisses pourraient sans aucun problème réaliser leurs tests sur des pistes situées à l’étranger, à proximité de la frontière. En outre, elle affirme que la Suisse dispose d’infrastructures suffisantes pour accueillir les cours de perfectionnement destinés aux nouveaux conducteurs ainsi que les tests de sécurité de véhicules. La majorité craint, par ailleurs, qu’une autorisation des courses sur circuit ne fasse qu’aggraver les atteintes à l’environnement, notamment eu égard aux surfaces que requièrent ces infrastructures et du fait que notre sol devient une denrée rare, qui pourrait être utilisé à d’autres fins.
Deux ans plus tôt, l’initiative de lever l’interdiction de l’organisation d’un GP de F1 en Suisse avait déjà échoué. Rappelons qu’en 1982, le GP de Suisse était organisé à Dijon-Prenois.
Une minorité de la commission estimait que l’interdiction des courses sur circuit, qui avait été prononcée avant tout pour des raisons de sécurité, n’avait actuellement plus lieu d’être. En effet, grâce au développement considérable de la sécurité dans le sport automobile, les dangers auxquels s’exposaient tant les pilotes que les spectateurs étaient aujourd’hui très limités. La minorité considérait par ailleurs que cette interdiction constituait une mesure discriminatoire envers les adeptes de ce sport. En outre, vu le rôle important joué par l’industrie d’équipement automobile en Suisse, une levée de l’interdiction contribuerait vraisemblablement à la création d’emplois. Par rapport aux craintes liées à l’environnement, la minorité relevait, d’une part, que, dans le domaine automobile, la recherche mettait de plus en plus l’accent sur le développement de véhicules verts et, d’autre part, que les longs déplacements qui devaient actuellement être effectués pour se rendre sur des circuits à l’étranger constituaient précisément une source de nuisances pour l’environnement.