Cinq ans après avoir porté les couleurs ‘Vaillante’ aux 24 Heures du Mans en 1997, Jérôme Policand est de retour en terre sarthoise, cette fois dans l’équipe Leader au volant d’une Panoz Roadster partagée avec Perry McCarthy et Marc Duez. Jérôme Policand a-t-il trahi ses anciens amis pour aller rouler pour le compte de Leader.
Vous avez certainement encore en mémoire le film Michel Vaillant réalisé par Louis-Pascal Couvelaire et produit par Europa Corp de Luc Besson. Le film en lui-même ne restera pas dans les annales des films sur la course automobile, mais il a le mérite d’exister. De plus, il a permis la construction de deux stands supplémentaires pour la course. DAMS s’est occupé de gérer l’engagement d’une Lola (Vaillante) pour Philippe Gache, Emmanuel Clérico et Michel Neugarten, mais aussi la Panoz (Leader). La particularité du film est que les deux prototypes ont réellement participé aux 24 Heures du Mans. Jérôme Policand se souvient de très bien de son épopée Leader au Mans.
2002 n’avait plus rien à voir avec 1997 où vous portiez les couleurs ‘Vaillante’ ?
“C’était complètement différent car j’étais sur un tournage pendant les 24 Heures du Mans. En 1997, je faisais ma propre course mais, là, la course était un prétexte. Philippe (Graton) était présent sur le tournage sachant que le deal s’est fait très tôt. Je l’ai su en mars. Michel Neugarten, que je connaissais pour l’avoir fait rouler en Renault Clio V6, dirigeait les pilotes. J’ai dit ‘oui’ tout de suite car je tenais absolument à piloter cette Panoz Roadster.”
Une Panoz engagée tout de même par des méchants et ennemis des Vaillant…
“J’étais ravi… (il sourit)”
Le soutien de DAMS était important ?
“Eric Boullier, qui gérait DAMS, a managé le projet de main de maitre car il fallait diriger environ 70 personnes sur la plus grande course du monde. Avant cela, nous avons roulé à Dijon et Magny-Cours. Les 24 Heures du Mans arrivent et tu te retrouves avec des gens qui ne connaissent pas spécialement les codes du sport automobile. Heureusement que DAMS était là car c’était clairement établi que l’ACO ne donnait pas de passe-droit. C’était à nous de nous adapter. La dérive était donc facile.”
Donc, vous deviez vous qualifier comme les autres ?
“Exactement ! On s’est qualifié le jeudi de nuit. Les essais du mercredi ont servi à faire des “out / in”. Ce que nous avions rencontré à Dijon n’était plus la même chose au Mans. La contrainte d’embarquer une caméra n’a rien à voir avec une petite caméra embarquée qu’on peut connaître. Les bandes sautaient. Jusqu’au jeudi 22 heures, nous ne faisions que des petits runs. Il fallait qualifier les pilotes, donc en fin de séance, les trois pilotes ont cravaché.”
Vous étiez chargé du départ ?
“Le samedi, il y avait beaucoup de monde car Luc Besson était là pour tourner des plans (il a aussi donné le départ, ndlr). Dans les stands, qui n’étaient pas l’un à côté de l’autre, il y avait beaucoup de costumes. J’avais mon casque homologué avec la radio pour la course aux couleurs Leader qui était avec d’autres pour les besoins du film. Luc Besson est là, il tourne avec sa caméra. L’heure de la mise en grille arrive et je veux m’équiper. Je cherche mon casque que je ne trouve pas. Tout le monde m’aide à le chercher mais rien, introuvable. Eric (Boullier) et Jean-Paul (Driot) cherchent avec nous mais rien de rien, toujours pas de casque.”
Après Un Pilote a disparu, un Casque a disparu ?
“Tout le monde commence à s’agacer car ce sont quand même les 24 Heures du Mans. Je pars voir dans le stand Vaillant où se tournait une scène avec François Levantal qui jouait mon rôle. Je le vois avec mon casque. Je rentre dans le champ pour récupérer le casque car l’heure tournait, l’acteur résiste, tout le monde se regarde dans le stand en se disant : ‘mais c’est qui lui ?’ (il sourit). Luc Besson arrive, je chope tout de même le casque que j’enfile et je saute le muret pour rejoindre la voiture. On part pour le tour de mise en grille où on devait faire une scène. J’étais énervé, Jean-Paul Driot me demande de me calmer en me faisant bien comprendre de ne pas planter la voiture.”
Une fois le départ donné, vous aviez carte blanche pour faire votre course ?
“Pas du tout ! Nous avions un briefing avant le départ. Avec Philippe (Gache), qui pilotait la Lola, on devait se laisser décrocher des prototypes de tête sans se faire rattraper par les autres. Il fallait qu’on se retrouve tous les deux pour une prise depuis l’hélicoptère. Le but était de faire le premier ravitaillement ensemble. On prend le départ, je fais ce qu’on me dit de faire. On se laisse décrocher, on se double, on se dédouble. J’entends à la radio que ça commence à s’agacer car Philippe voulait plus de rythme sachant que la Panoz était plus vite que la Lola. Maintenant, on en rigole, mais Philippe était fou de rage en rentrant au stand.”
Les deux protos ont roulé ensemble toute la course ?
“Si on regarde bien, le film a peu d’images de la course. Nous avons fait des scènes de nuit où on roulait côte à côte. Il fallait se caler à 250 km/h car rouler de front à 300 km/h sur plusieurs centaines de mètres est risqué. Il ne fallait pas oublier qu’on était en course avec d’autres concurrents.”
Il y avait la pression de la course ?
“Avec tout ça, nous étions en fond de classement. Vers 23h, on se dit qu’on pouvait être mis hors course si on ne respectait pas la règle du pourcentage par rapport au vainqueur. On a tous haussé le rythme pour récupérer le retard. Malheureusement, la Panoz a abandonné sur une casse de transmission. La Lola a vu le damier, mais non classée.”
Difficile de faire cohabiter le monde du cinéma avec celui de la course ?
“Il y avait un décalage entre les deux. Au Mans, c’était différent d’un tournage où tu restes deux semaines au même endroit comme on l’a fait au Mans en août. Une course n’est pas un tournage, les contraintes sont différentes. Heureusement que Eric (Boullier) était là pour manager le tout.”
Il y avait aussi des répliques pour les besoins du tournage ?
“Je n’ai pas beaucoup piloté les répliques. La Panoz était une Caterham et la Lola une Formule France. Il y avait trois modèles de chaque. Une scène était organisée sur le Circuit Bugatti sous la pluie avec Emmanuel Clérico, Boris Derichebourg et Christophe Vaison. On devait se battre ensemble sur la piste. Au niveau de la passerelle Dunlop, la réplique Lola perd une roue à cause d’une suspension cassée. Le problème était que ces autos étaient faites pour de la ligne droite, pas pour les virages. Tout le monde s’excite sur le tournage. Là, Jean-Paul (Driot) arrive en hélicoptère. En 30 secondes, il met tout le monde au garde-à-vous avant de repartir.”
Quel est votre avis sur le rendu final du film ?
“Il y avait beaucoup de bonnes images avec un scénario qui est un mélange de plusieurs Michel Vaillant. Le réalisateur était un professionnel de la publicité car Europa Corp produisait aussi des pubs. Dans le film, c’est dur de différencier le vrai du faux. Pour les connaisseurs du Mans, certains plans du film sont étranges. C’est toujours la frontière de quelque chose que l’on vit au quotidien et ce que voit le grand public.”