2010 marquait les débuts du Championnat du Monde FIA GT1 avec un premier meeting organisé sur le tracé de Yas Marina à Abu Dhabi. J’ai eu la chance de visiter le circuit trois mois avant en marge des 24 Heures de Dubai. Yas Marina est peu le St Trop’ des circuits. Tout est propre avec des stands climatisés, un port à l’arrière du paddock et tout le confort nécessaire.
Je me réjouis déjà d’assister à ce meeting car les GT1 c’est quand même quelque chose. 24 autos pour le premier rendez-vous de ‘The Battle of the Brands’. Comme convenu, le meeting est terrible et tout le paddock se marre de l’arrivée possible d’un volcan nommé du doux nom de Eyjafjallajökull (même pour l’écrire, il faut faire un copier-coller sur Google). Il commence à se murmurer que le trafic aérien pourrait être bloqué. Très fines, les cendres de l’Eyjafjallajökull auraient aussi facilement pu fondre dans les réacteurs d’un avion et s’agglomérer dans leurs parties plus froides, au risque d’entraîner une panne. Mais bien sûr… Si ma tante en avait, elle s’appellerait mon oncle.
Bref, personne ne prend la menace au sérieux sauf que le lundi matin pas moyen de décoller. Aucun avion ne peut s’envoler depuis Abu Dhabi. Par chance, tout le monde est logé dans la même zone tout proche du circuit. Les réunions s’enchaînent et là ce n’est pas pour voir s’il faut interrompre une course. Tout le monde prend la parole, tout le monde a l’idée lumineuse pour quitter le pays. Les idées fusent. Stéphane Ratel est là lui aussi en chef de chantier. Il essaie de se rapprocher de Lukas Lichtner-Hoyer, propriétaire du team JetAlliance et dirigeant d’une compagnie aérienne. Rien n’y fait, il n’est pas possible de repartir d’Abu Dhabi.
Pour ma part, je prends ça avec le recul nécessaire car les frais sont payés par la compagnie et rester au Radisson Blu à Abu Dhabi n’est pas très contraignant. J’en profite pour aller visiter Abu Dhabi avec Eric Fabre avant la réunion de chantier de fin de journée. Romain Grosjean tue le temps comme il le peut au bar devant un cocktail en compagnie de Marion, sa petite amie (devenue par la suite sa femme). Le gros avantage est que tous les pilotes sont disponibles.
On dirait une colonie de vacances sauf qu’à un moment on entend dire que cela peut durer jusqu’à 45 jours. Info ou intox ? Là, ce n’est plus la même blague. 45 jours ?!?!?!?! Là, les sourires se sont arrêtés et chaque personne avait une idée, lumineuse ou pas. On ne citera pas de nom mais plusieurs personnes étaient prêtes à louer une voiture à Abu Dhabi, passer par l’Irak et rentrer en Europe. Hum… Forget it !
Le plan B était de prendre un bateau vers l’Europe en passant par le Maroc, d’acheter une voiture pas chère pour revenir en France. Pas très pratique vu qu’il fallait tout de même passer par l’Afrique du Sud. Forget it !
Place au plan C avec la voiture pour traverser l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Libye et l’Algérie. Durée du voyage : 81 heures. Forget it !
Il y avait forcément un plan D : Arabie Saoudite, Jordanie, Turquie, Serbie, Croatie, Italie. Forget it !
Comment peut-on envisager essayer de passer par des pays comme l’Irak ou l’Arabie Saoudite comme cela avec un simple passeport en disant à la frontière : “On ne fait que passer par chez vous, c’est la faute d’Eyjafjallajökull. Allez déjà prononcer le nom de ce volcan à la frontière.
Bref, tous les plans sont par chance tombés à l’eau même si de mémoire certains ont tenté l’option bateau. Finalement, une option d’un premier vol partant d’Abu Dhabi à 2h35 le mercredi est venue en plan E. Il fallait pour cela des cobayes car c’était le premier vol commercial à repartir vers la France avec Etihad. Je fais partie des cobayes sachant qu’on nous fait comprendre que l’avion peut se poser en cas de problème au Yémen mais qu’on ne pourra pas descendre de l’avion si tel devait être le cas. Hmm alléchant comme programme.
L’avion a bien décollé d’Abu Dhabi pour arriver à bon port à Roissy CDG. Il restait encore près de 200 personnes à faire rentrer en Europe depuis Abu Dhabi surtout que le meeting suivant de Silverstone se profilait. Deux cargos ont rallié le Luxembourg à temps avec tout le matériel nécessaire.
Ce satané volcan islandais a tout de même bien foutu le bordel. Ce fut la plus longue interruption du trafic aérien depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Près de 100.000 vols furent annulés dans onze pays européens, laissant 10 millions de passagers au sol. Le manque à gagner pour les compagnies est évalué entre 1,5 et 2,5 milliards d’euros.