Il fut un temps où les LMP1 avaient comme terrain de jeu le championnat Le Mans Series. Nous sommes en 2008 et la série labellisée Le Mans se rend au Nürburgring en août pour une course de 1000 km avec un duel Audi/Peugeot. La veille de la course, un autre duel s’est déroulé, cette fois sur la Nordschleife entre deux pilotes Peugeot. Anecdote…
La marque au lion, de même que Porsche, a eu la bonne idée d’inviter quelques journalistes pour un tour de Nordschleife. Plutôt sympa comme fin de journée. Rendez-vous est donc pris à l’entrée de la boucle nord. On se dit qu’un tour du grand circuit en compagnie d’un pilote peut être cool.
Trois possibilités s’offrent à moi : Pedro Lamy ou Stéphane Sarrazin dans une Peugeot 307 2.0 16V 180 cv, Marc Lieb dans une Porsche 911 GT3. En voyant la tête des gens descendre de la Porsche, je me dis que la Peugeot, c’est plutôt pas mal. Finalement, je n’ai pas le choix et mon pilote d’un jour sera Pedro Lamy. Un tour dans une 307, ça doit être tranquille, non ?
Avant de partir, il faut signer une décharge de responsabilité. A quoi bon, on ne part pas dans une grosse et puissante GT. Une fois la décharge signée, je m’installe à côté de Pedro avec à l’arrière un caméraman de Motors TV chargé de faire des plans sur le grand circuit. Bien entendu, nous ne sommes pas les seuls en piste et avec notre 307, on fait un peu caillera face aux Porsche, Audi et autres BMW. Ceux qui connaissent l’endroit savent qu’il y a une barrière avant de partir en piste afin de laisser du temps entre deux véhicules. La deuxième 307 est donc confiée à Stéphane Sarrazin.
Stéphane arrive à la barrière, Pedro juste derrière. On attend et j’ai le droit de la part du Portugais à ‘je te préviens, il est hors de question que Stéphane arrive avant nous’. Je me marre en pensant qu’il bluffe. Je traduis au caméraman qui ne comprend pas l’anglais (vous comprendrez plus tard pourquoi c’est important).
La barrière s’ouvre, Stéphane part et plutôt que d’attendre qu’elle se referme comme un péage d’autoroute, on le suit. Et là mes amis, c’est parti tambour battant avec une pauvre 307 de série qui n’avait rien demandé. Pedro passe Stéphane en escaladant le vibreur, mais le Français repasse. On se croirait en plein film Braquage à l’Italienne. Sur un circuit de 3 km, vous prenez votre mal en patience sauf que là c’est 7 fois plus long. Je lâche en français ‘j’espère que tu connais le circuit ?’ Lui répond ‘non c’est la première fois’. Bon, en fait il a gagné les 24 Heures du Nürburgring. Moi, je le sais mais pas le caméraman derrière qui était en pleine liquéfaction, tenant tant bien que mal la caméra à l’épaule. Les kilomètres s’enchaînent.
J’entends un ‘dis lui que je ne peux pas filmer et que je suis malade’. Pas besoin de le traduire à Pedro qui comprend le français et qui jette un coup d’oeil dans le rétroviseur intérieur alors que la 307 est limite sur deux roues dans un virage. Croyez-moi, c’était du close racing. Le fait que le caméraman ne soit pas bien n’a pas du tout changé le mode de conduite du pilote Peugeot qui bataillait toujours comme un beau diable contre Stéphane. Pour ma part, je suis bien loin de connaître tous les virages, ce qui fait que je n’ai pas la moindre idée de comment ça tourne. On a quand même mis la misère à quelques GT bien plus rapides.
Plus le tour avance, plus le caméraman est malade. Pedro s’en rend compte et lève enfin le pied. Stéphane Sarrazin est arrivé le premier au grand dam de Pedro Lamy, vexé (avec le sourire) d’avoir perdu le duel.
PS : j’ai encore en mémoire le visage de Rémy Brouard, quelques minutes plus tard, sortant d’une Porsche 911 GT3 pilotée par Marc Lieb.
Le lendemain, Pedro Lamy et Stéphane Sarrazin remportaient les 1000 km du Nürburgring, cette fois sur la même Peugeot, mais une 908…