L’anecdote du jour nous ramène aux 24 Heures de Spa 2006. A cette époque, Endurance-Info avait moins de deux mois et j’étais sur place pour couvrir la manche FIA GT la plus importante de l’année. C’était encore le temps où je prenais le temps de faire des photos (en statique) dans les stands. Cette anecdote va rappeler des souvenirs à Romain Dumas avec qui j’en ai encore parlé le mois dernier à Spa. Cette histoire, qui met en avant Manu Collard, remonte à il y a 13 ans mais je m’en souviens comme si c’était hier.
Aux 24 Heures de Spa 2006, Romain Dumas, Manu Collard et Luca Riccitelli se partagent le volant d’une Porsche 996 GT3 RSR /Ebimotors. Nous sommes le samedi en fin d’après-mdi. Il est 18h15… Manu Collard reprend la piste après un arrêt mais sa Porsche s’arrête dans le bas du Raidillon juste après les stands. Je suis par hasard tout près de lui. Je le vois qui s’arrête, qui parle à la radio et qui descend. Impossible d’avancer et pas moyen de se faire dépanner car la Porsche est après la ligne de sortie des stands. La seule solution pour Manu est de reculer sa monture jusqu’à la ligne. Ceux qui connaissent bien Spa savent que la pente n’est pas anodine et que l’affaire ne s’annonce pas simple.
Son premier réflexe est d’essayer de la pousser mais la Porsche ne recule pas. Manu, toujours casqué, ne sait pas trop quelle pièce y coudre. Le team manager arrive mais il reste derrière la ligne, tout comme une partie du staff Porsche. Manu essaie de pousser, une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois. La Porsche a bien reculé de quelques mètres mais dès que son pilote arrête de pousser, elle redescend. A sa place, je mets mes savates et terminé bonsoir (Claudy Focan #Dikkenek).
Pourtant, Manu n’abdique pas. Personne n’a le droit de l’aider à pousser alors qu’à trois ou quatre, on lui remonte sa Porsche en 5 secondes. Par chance, les commissaires sont indulgents. Ils ne touchent pas (vraiment) la voiture mais ils mettent tour à tour un pied devant une roue pour pas que la Porsche ne reparte en avant. Au fil des minutes, des dizaines de spectateurs sont derrière le grillage dans le Raidillon et tous l’encouragent et tapent dans les mains. Les gens s’agglutinent aussi derrière la ligne blanche à la sortie des stands. Tout le monde l’aide par la pensée. Il en chie grave le Manu. Quelqu’un lui amène à boire. Romain Dumas arrive pour l’encourager lui aussi. Sauf que le Romain a de la suite dans les idées. En discutant avec les commissaires près de la Porsche, je le vois qui pousse avec son genou en même temps que Manu a les deux mains agrippées sur le capot avant. Un autre commissaire met le pied sous l’autre roue. Au final, tout le monde l’aide sans l’aider. Manu arrête de nouveau, complètement claqué (là mon Manu, on est loin du burger de Font Romeu). Il boit, il souffle, il écoute Romain et Fred Bouvy, venu lui aussi sur place.
Et c’est reparti. Manu reprend son dur labeur sous les acclamations “Allez Manu” Même 13 ans après, j’en ai encore des frissons. Il y avait une vraie communion. La fameuse ligne blanche se rapprochait, elle arrivait. Peu de temps avant de la franchir, la Porsche s’arrête car il faut savoir si juste l’arrière doit franchir la ligne ou toute la voiture. Cela peut paraître anodin mais ce n’est pas la même chose. La ligne est passée et l’équipe parvient à prendre le relais pour ramener la Porsche à son stand. Il aura fallu 22 minutes à Manu Collard pour arriver à ses fins. 22 minutes qui ont paru plusieurs heures.
Malheureusement, la Porsche #75 a dû se résoudre à abandonner après seulement 141 tours. Pour moi, le vainqueur moral de cette édition 2006 des 24 Heures de Spa était clairement Manu Collard. Au Tour de France, il aurait eu le Prix de la Combativité…