L’anecdote de la journée ne fait pas dans la blague mais dans l’humain. Vous serez certainement d’accord avec moi qu’on ne parle pas assez des hommes. Sur ce sujet, je partage l’avis de Gérard Neveu, directeur général du WEC, comme quoi il faut mettre l’humain en avant plus que l’EoT ou la BOP. L’EoT, c’est bien beau mais si vous n’avez pas fait d’études supérieures, c’est dépôt de bilan assuré, sans oublier le mal de tête. C’est un peu comme lorsque vous discutez avec un informaticien et son langage incompréhensible pour le commun des mortels. Vous me direz, ce n’est pas beaucoup plus simple d’expliquer à un quidam le pourquoi du comment de l’arrêt technique, l’arrêt joker, la tolérance d’une seconde, le relais de 65 minutes. L’anecdote du jour concerne justement les 24 Heures de Spa.
Nous sommes en 2017 et Audi Sport Team Saintéloc remporte les 24 Heures de Spa avec son Audi R8 LMS partagée par Jules Gounon, Markus Winkelhock et Christopher Haase. Depuis 2011, Spa est régulièrement une histoire d’Audi et 2017 n’a pas dérogé pas à la règle.
En tant que média français, vous vous doutez bien qu’on passe pas mal de temps chez Saintéloc Racing (comme chez AKKA-ASP Team). L’accueil y est toujours chaleureux, ce que mes compères et amis d’Auto Hebdo ne démentiront pas. Ce qu’il faut éviter en revanche (pour ne pas prendre de poids), c’est de croiser Sébastien Chétail, patron de l’équipe, dans le réceptif. Si vous le croisez, vous repartez avec 5 cookies, 10 madeleines, 8 barres de céréales, 4 cafés (l’ami Jean-Claude Ruffier pourra confirmer mes propos). Ma ligne, Seb, ma ligne !! Saintéloc Racing sait allier professionnalisme et bonne ambiance.
Mais revenons aux 24 Heures de Spa 2017. Saintéloc Racing vient de remporter la plus grande course GT au monde et c’est forcément l’effervescence sur et sous le podium. Une fois en conférence de presse, les pilotes sont assaillis de questions, Markus et Christopher principalement par les médias allemands, Jules par les francophones. Un homme est en retrait, l’horloge Blancpain de l’équipe victorieuse dans une main. Fred Thalamy, directeur technique de l’équipe stéphanoise, se tient à l’écart en salle de presse. L’homme n’est pas habitué à se mettre en avant, tout l’inverse du ‘moi je’. Ce n’est pas le seul dans ce cas-là au sein du paddock, bien heureusement, mais Fred Thalamy fait partie de ceux que vous pouvez allez voir à n’importe quel moment, vous aurez le même accueil et toujours une réponse. Pour couronner le tout, il a le don de vulgariser quelque chose de compliqué.
La conférence de presse se termine, les pilotes restent pour les obligations médiatiques. Seul le directeur technique quitte la salle de presse dans l’indifférence générale. Je le vois partir seul et je tiens à avoir son sentiment sur cette victoire qui fait rentrer l’équipe dans la cour des grands.
Je le rattrape sur la passerelle devant la salle de presse. Je m’attendais à une explosion de joie mais rien de cela. Il pose l’horloge Blancpain au sol et on entame la discussion calmement avec beaucoup de blancs. Une course de 24 heures demande beaucoup aux pilotes, mais elle demande autant aux ingénieurs et mécaniciens qui restent éveillés sur la totalité de la course. Pour l’équipe qui officie dans l’arrière cour, une course comme les 24 Heures de Spa demande une préparation minutieuse de près d’un an.
Une heure après l’arrivée, la pression redescend. On revient sur la préparation de la course, la course en elle-même, l’apport de Jules, le travail sans fausse note de l’équipe technique, l’expérience de Markus et Christopher, la confiance d’Audi. Tout y passe dans le plus grand calme et la retenue. Pas un mot au-dessus de l’autre. J’ai encore en mémoire ses derniers mots : “Je suis aussi très content pour Seb (Chétail) qui se défonce chaque jour pour faire avancer l’équipe et trouver les solutions pour la faire progresser. Je lui ai toujours dit que cela ne servait à rien de gagner des courses si l’entreprise n’était pas pérenne. Je savais que le jour où on gagnerait, on marquerait les esprits.”
Si on fait tous du sport automobile, c’est aussi pour partager une aventure humaine, des émotions, des sourires, des larmes. On voit les pilotes sur les différents podiums à longueur d’année mais il y a celles et ceux qui ne sont pas dans la lumière. J’avais déjà connu la même chose en 2011 en Argentine à San Luis lors du titre mondial GT1 d’Hexis Racing avec un Philippe Dumas les yeux inondés de larmes à l’arrivée. Il faut juste être là au bon moment, presque par hasard, sans forcer le destin.
Les machines sont une chose mais n’occultons pas les hommes…
PS : Seb, Fred, gardez-moi une madeleine et un café au Nürburgring. Une seule, pas tout le paquet…