Suite des anecdotes de l’été et celle du jour met en avant Romain Dumas, Porsche, un flap et la Citroën Xsara. Le lien entre Romain Dumas et Porsche est assez simple à comprendre mais en quoi un flap et une Xsara peuvent rentrer dans cette anecdote.
Nous sommes le 15 décembre 2014 et fraîchement débarqué de la chaleur des 12 Heures d’Abu Dhabi, je prends la route vers les Cévennes à l’invitation de Romain Dumas pour le suivre sur une séance d’essais avec sa Porsche de rallye. Le rendez-vous est pris dans les montagnes au-dessus d’Alès sans avoir l’adresse exacte. Un bon début ! J’ai juste le nom d’une route. Evidemment, personne à mon arrivée. J’appelle, pas de réponse. En sortant de la voiture, j’entends tout de même un bruit de voiture de course dans la montagne. La question est : de quel côté vient le bruit avec les montagnes environnantes ? J’en essaie une et j’arrive sur une toute petite route où je croise un riverain promenant son chien qui m’interpelle. Je m’arrête, j’ouvre ma vitre et le gars me dit sur un ton très agressif : “vous êtes là pour Romain Dumas ? Il se croit tout permis ce pilote, ici c’est tranquille et on ne veut pas de ça ici”. J’ai bien cru qu’il allait me mettre un coup de latte dans la Xsara (vous comprendrez plus tard pourquoi une Xsara). Le mec était vraiment vénère. Je fais 200 mètres et je tombe sur un check point avec une personne équipée d’un talkie pour prévenir au cas où quelqu’un arriverait. Je lui explique ce que je fais là et au même moment je vois une Porsche face à moi à toute allure, faire demi-tour en vrac et remonter à pleine vitesse. Pas de doute, je suis au bon endroit.
J’en profite pour monter à faible allure car je ne roule pas en Xsara kit car. J’arrive en haut de la colline où se trouve Romain et son staff. Je raconte mon anecdote où j’ai failli me faire frapper par un mec qui n’aimait visiblement pas le sport auto. Tout le monde se marre, j’en profite pour faire la connaissance de Denis Giraudet, un grand Monsieur du rallye.
Il est temps de redescendre au Pôle Mécanique d’Alès, base de RD Limited, pour une visite des lieux en compagnie de Maurice et Geneviève, les parents de Romain. Rendez-vous est ensuite pris le lendemain matin pour que je puisse faire le Denis Giraudet sur une spéciale.
En arrivant le matin à l’atelier, c’est Maurice qui est chargé de monter la Porsche sur la piste de rallye. Hé ouais, c’est moi qui sert de chauffeur à Romain Dumas en Citroën Xsara (en fait la mythique Mini EI de l’époque était en panne et la Xsara était une voiture de prêt). La classe non ? Je peux dire que j’ai emmené un double vainqueur des 24 Heures du Mans, par ailleurs Champion du Monde d’Endurance, en Xsara. On en a même profité pour faire quelques tours (à allure réduite) du circuit d’Alès en Xsara diesel. Elle est pas belle la vie ?
On arrive sur l’aire où la Porsche est stationnée. Le hic est que je ne vois pas la moindre piste. Il y a juste une montée étroite goudronnée. Quand il faut y aller il faut y aller. Je prends place dans le baquet de droite, équipé du casque de Denis Giraudet. La radio fonctionne, donc on peut converser.
Maurice me sangle et c’est parti, téléphone en main pour immortaliser la chose en mode vidéo. On fait 50 mètres et la Porsche est déjà en travers. Romain prend à droite et là mes amis, un grand moment de solitude, le néant, le vide, l’au-delà, la liquéfaction. Je commencer par perdre mon téléphone dans l’habitacle tant ça saute, ça tourne, ça décolle. Moi qui m’attendait à ce que les pneus montent en température, donc que ce soit cool au début. Rien de tout ça ! Je connais pas du tout la route, je vois juste qu’elle est étroite. A un moment, on décolle dans une montée en aveugle et là je m’aperçois qu’il y a un embranchement à droite et un à gauche, rien en face. En un quart de seconde, je me dis que la solution de facilité est d’aller à gauche. Pas de bol, on va à droite et c’est reparti pour des secousses, des virages, du gros frein. J’ai l’impression d’être dans une lessiveuse à haute vitesse. J’ai le droit à un : ‘ça va ?’ Bordel mais comment je peux répondre vu que le temps que j’ouvre la bouche, on a déjà pris deux épingles et décollé en aveugle. On passe entre des arbres sur une route large comme la Porsche.
Au fil des minutes, l’habitude commence à se faire sentir (enfin je me rassure comme cela). Je suis toujours secoué dans tous les sens. A un moment, je vois des grosses branches se rapprocher et je lâche un ‘Romain, on a touché les branches’. Lui, il enquille les virages les uns après les autres en me répondant : ‘mais non on a rien touché.’ OK c’est lui le pilote.
On revient au point de départ et là je me dis que j’ai vécu le truc le plus fou depuis mes débuts en sport auto (comme journaliste, pas comme pilote). La Porsche s’arrête et là j’ai droit à un ‘ben tu vomis pas ?’ Non je n’ai pas vomi mais même cinq ans plus tard, je n’ai rien fait d’aussi fou. Cette expérience reste gravée et je m’en souviens comme si c’était hier. En descendant de la Porsche, on a bien constaté qu’il manquait un flap. Oui il était resté au niveau des branches. Romain, je t’avais pourtant dit qu’on était passé trop près.
Deux jours plus tard, je me retrouvais au volant d’un prototype CN sous une pluie battante. Sacrée fin d’année 2014…