Avant d’être pilote officiel Porsche, Laurens Vanthoor roulait pour le compte d’Audi et de WRT en Blancpain GT Series. En octobre 2015, le championnat est à Misano pour un meeting Sprint. La course qualificative a été marquée par une violente sortie de piste de Laurens Vanthoor au volant d’une Audi R8 LMS/Belgian Audi Club Team WRT.
Le Belge a passé deux roues dans l’herbe avant de partir en glisse et d’emmener avec lui la Bentley de Jules Szymkowiak. Le choc a été violent, mais Laurens Vanthoor a pu s’extraire seul de son habitacle en boitant. Sa cheville ne lui permettra pas de disputer la finale du championnat.
Le pilote WRT est resté éloigné des circuits plus de deux mois, ce qui signifiait pour lui pas de Coupe du Monde FIA GT à Macao et pas de test de l’Audi LMP1. Une dure sanction pour l’un des meilleurs pilotes de la planète GT3. Son retour en piste, en décembre, s’est soldé par un succès aux 12 Heures de Sepang.
Laurens Vanthoor s’était confié dans la newsletter du Belgian Audi Club avant son retour en piste. Un témoignage poignant.
“Suite à l’accident de Misano, j’ai pris un très gros coup au moral. Enfin, pour être précis, ce n’est pas juste après l’accident mais quelques heures après. Le dimanche, en rentrant en Belgique, j’étais en effet convaincu que je pourrais être au départ à Zandvoort malgré ma jambe cassée. Mais lorsqu’un nouveau scanner a révélé aussi une fracture de la hanche, j’ai compris que je n’allais plus piloter avant un petit temps. A ce moment précis, mon moral est tombé dans les plus grandes profondeurs. Pendant 4 ou 5 heures, je n’ai plus dit un mot… Je savais que je venais de perdre les deux championnats que je visais et j’étais complètement cassé, au propre comme au figuré. C’est comme si tout le travail que j’avais effectué pendant la saison était d’un coup réduit à néant…
Sur un plan personnel, ce furent des moments difficiles. Quand on se retrouve bloqué au lit ou dans une chaise roulante, on se sent impuissant. Même des choses aussi banales que d’aller aux toilettes deviennent de véritables épreuves. Je ne compte plus les fois où j’ai eu envie de pleurer… J’étais renfermé, mal dans ma peau et plutôt désagréable avec mes proches. Heureusement, j’ai été bien entouré, notamment avec Jacqueline, ma compagne (devenue par la suite sa femme, ndlr), qui m’a vraiment beaucoup aidé. Tous les jours, une semaine après l’accident, elle m’a conduit chez un kiné spécialisé dans la revalidation des sportifs de haut niveau. Là-bas, je travaillais 3 à 4 heures par jour, parfois plus.
J’ai travaillé très dur car je pensais bien être au départ de la FIA GT World Cup à Macao. Je ne pensais qu’à ça : revenir le plus vite possible. J’ai fait le maximum. Personnellement, je me sentais prêt mais les médecins m’ont dit une semaine avant cette course que le risque était trop grand en cas de nouveau choc… J’ai eu du mal à l’entendre : j’avais déjà perdu les deux championnats Blancpain Sprint et Blancpain GT Series, j’avais perdu l’opportunité de tester l’Audi R18 e-tron quattro à Bahreïn, alors que j’étais invité par Audi, et en plus je ne pouvais pas être au départ à Macao, une des courses que je préfère. Ce fut difficile, mais j’ai bien compris que je n’avais pas le choix.
Je pense que, malgré tout ce que j’ai perdu, cet accident m’aura aussi fait grandir. Pierre Dieudonné m’a dit : « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ». J’espère que ce sera le cas. En tout cas, je sais que je ne suis plus tout à fait le même.
Evidemment, l’accident a eu beaucoup de points négatifs, comme je l’ai dit. Il a toutefois eu un point positif : il m’a permis de prendre du recul. Seul dans mon lit, j’ai eu le temps de penser aux derniers mois. J’ai beaucoup réfléchi sur moi-même. Sur le plan privé, notamment, mais aussi en tant que pilote de course. Je me suis notamment demandé pourquoi j’ai commis certaines erreurs en 2015. Je me suis rendu compte que je me suis vraiment mis trop de pression et que j’en ai oublié de prendre du plaisir dans ce que je faisais. Je n’étais jamais content de moi et j’en voulais toujours plus. Si je n’étais pas devant, j’étais fâché. Je ne savais plus apprécier les joies simples que l’on peut avoir en tant que pilote. J’étais renfermé et de plus en plus exigeant, avec moi mais aussi avec les gens qui m’entourent. Bizarrement, le fait d’être privé de la course pendant ces longues semaines m’a permis de mieux savoir pourquoi j’aimais ça. Ca m’a redonné faim et je pense être différent aujourd’hui…
Dans ces périodes difficiles, j’ai aussi vu qui étaient mes vrais amis, ceux sur qui je peux compter. Parfois, j’ai été surpris par des personnes dont je n’attendais pas autant d’attention. Parfois, ça a été le contraire et j’ai été déçu par des gens que je pensais proches. Parmi ceux qui m’ont beaucoup soutenu, il y a notamment eu Vincent Vosse. C’est marrant, parce que j’avais été très énervé sur lui au soir de la course à Misano. J’avais en effet lu un article sur un site Internet où il parlait de mon remplacement, alors que je pensais être au départ à Zandvoort à ce moment. Mais par la suite, il fut l’un de ceux qui m’ont le plus encouragé. Et puis, il y a eu Jacqueline, qui a vraiment été très forte et qui m’a incroyablement bien soutenu. Son soutien a été crucial !
Maintenant que tout cela est derrière moi, je me tourne vers l’avenir ! Comme cet accident m’a également permis de mieux connaître mon corps et de travailler d’autres parties, je me dis que je vais vite revenir à mon meilleur niveau. Je n’ai pas peur d’avoir mal, mais je sais qu’il me faudra peut-être encore un peu de temps avant de retrouver toute ma condition physique, surtout au niveau de l’endurance. C’est, si j’ose dire, ma seule « crainte » avant ces 12 Heures de Sepang, qui est justement une course très éprouvante physiquement, notamment à cause de la chaleur. Mais j’ai tellement de motivation que cela devrait compenser une éventuelle lacune à ce niveau.”