Laurent Chauveau et Endurance-Info V2

Photo : Patrick Davin

Laurent Chauveau étant le plus ancien de nous tous (désolé Lolo mais c’est ainsi), il a le droit à deux articles pour les 15 ans vu que le premier n’était pas le bon. Le fil rouge n’était pas sur le bouton rouge. On vous remet donc une couche de Laurent sur l’aventure Endurance-Info.

15 ans. Bordel ce que je suis vieux ! Et tous mes potes aussi. Non, vraiment, vous êtes sérieux ? Ça fait 15 ans qu’on a lancé EI ? OK c’était en mai 2006 mais ça fait vraiment 15 ans ? Bon… Donc le chef nous demande un petit article pour fêter ça. Free style ! Pas de véritable consigne alors c’est parti, je reprends le clavier. Que m’évoquent ces 15 ans de presse digitale ?

J’ai toujours été un grand consommateur de la presse sportive. Plus précisément, j’ai toujours été un grand consommateur de la presse sportive mancelle traitant des sports mécaniques et encore plus spécifiquement des 24 Heures du Mans auto. Gamin, je me délectais de ces moments où dès que j’arrivais rue Saint Pavace sur les rives de la Sarthe, je plongeais dans le local ou mes grands-parents stockaient les journaux du Maine Libre des semaines et mois passés. Je m’y noircissais les mains à tourner des pages et des pages, juste pour trouver quelques lignes, plus forcément très fraiches, sur l’actu des 24 Heures. Je collectais, je découpais, j’organisais, je recollais tout cela parfois, sur des papiers listings pour toujours mieux ingurgiter tout cela. Cela m’a forgé mes premières connaissances, cela a constitué le socle de ma passion.

Nous sommes alors au cœur des seventies. Pink Floyd nous fait planer du côté sombre de la Lune tandis que Led Zeppelin nous embarque dans un ascenseur pour le paradis. Au Mans, le V12 Matra n’est déjà plus là mais Alpine et Renault prennent le relais de la fierté tricolore. A cette époque, je n’avais accès à aucune autre source d’info que la presse régionale ou l’Action Automobile et Touristique. Internet n’était encore qu’une vague idée agitant les meilleurs chercheurs des facultés américaines. Le Minitel quant à lui, mettra encore près de 10 ans à débarquer… Après ces séances de fouilles archéologiques chez les grands-parents, je ramenais tout cela à la maison et je passais mes mercredis après-midis à dévorer tous ces articles. Et parmi tous ces articles, il y avait la fameuse liste quadrillée des engagés du Maine Libre. Mon Graal. Mieux encore, j’adorais la liste où figuraient les fameuses croix rouges signifiant l’abandon de la voiture ainsi barrée.

Vous le savez, parvenir à entendre Bruno Vandestick sur le circuit n’est pas toujours aisé. Il se trouve qu’une bagnole de course, ça fait un peu de bruit et ça couvre le bruit des haut-parleurs. Aujourd’hui, un petit coup d’œil au live-texte d’EI sur votre smarphone et vous savez ce qu’il se passe. Mais en cette époque ou Jean-Charles Laurens œuvrait encore au micro, les voitures n’étaient pas limitées en bruit comme elles le sont aujourd’hui. Par conséquent, on entendait encore moins bien le speaker officiel. Et les smartphones de l’époque, ben euh, non quoi… Donc lorsque les premiers vendeurs à la criée arrivaient sur le circuit sur le coup de 9 heures du matin avec l’édition de la nuit, nous nous précipitions pour l’acheter. C’était un lien indispensable pour comprendre ce qui nous avait échappé, pour se recoller avec la course. Surtout si l’on sortait d’un petit sommeil réparateur. Pour moi, le petit matin manceau de l’époque, c’est avant tout deux souvenirs très forts. Le premier, c’est le visuel. Revenir au bord de la piste et faire immédiatement un état des lieux des rescapés. Que de coups au cœur en constatant que telle Alpine n’est plus là, que telle Jaguar l’est encore, que telle Porsche a quelques stigmates de la nuit… Le second souvenir fort, c’est l’ouverture de la 4ème de couv’ du Maine Libre et de découvrir les fameuses croix rouges… Oh certes, les délais d’impression d’un journal étant ce qu’ils sont, les croix rouges étaient déjà trop peu nombreuses par rapport à l’écrémage qui avait continué sur la course. Alors certains sortaient leurs stylos et ajoutaient quelques croix supplémentaires pour être à jour. Pour ma part, je m’y refusais. Je ne voulais pas abîmer le journal. Je le transportais le plus soigneusement possible dans le sac à dos car je souhaitais le conserver. D’ailleurs, je les ai toujours pour la plupartmême si j’ai notamment perdu tout ceux de 1978 (quelle catastrophe !!!). Voilà ce que représentait la presse pour moi. C’était fondamental !

Alors le jour où j’ai décidé de me lancer à mon tour dans cette aventure médiatique, j’avoue avoir reproduit ce que j’avais tant aimé. Etait-ce encore du temps d’Infoscourse.org (l’ancêtre d’EI) ou était-ce déjà celui d’Endurance-Info.com ? J’avoue que je ne sais plus, mais je me souviens très bien que nous avions diffusé notre propre liste quadrillée en PDF. Pour que les fans puissent l’imprimer et l’annoter au fil de la course. J’espérais ainsi donner autant de plaisir à un gosse que celui que j’avais pu avoir à son âge en découvrant cette liste du Maine Libre… Internet me donnait les moyens de faire « comme » ces journalistes qui m’avaient donné tant de joie à les lire. Je bouclais une boucle en quelque sorte. La diffusion de cette liste fut quelque chose de très important pour moi. Alors que c’est peut-être le geste journalistique le moins difficile de tout ceux que j’ai eu à faire. Mais il avait une signification profonde pour moi…

Internet a un gigantesque défaut, sa volatilité. Aujourd’hui, si je peux encore me plonger dans mes cartons et retrouver le tableau des engagés de 1977 du Maine Libre, je suis incapable de retrouver les miens sur la toile… Beaucoup ont également disparu de mon disque dur mais parce que je ne suis pas totalement désorganisé, j’ai pu retrouver celui de 2002. Il ne fut pas diffusé à l’époque sur la toile, la toute première version publique d’infoscourse.org n’étant apparue que courant 2003. Mais pour les 15 ans d’Endurance-Info, il me plait assez d’être capable de le ressortir de mes cartons numériques. Peut-être qu’un gamin qui n’a même pas connu une époque sans internet sera heureux de découvrir cela. Etre un passeur d’histoire est réellement l’un de ces faits qui m’aura beaucoup plu dans cette aventure.

Mais ce n’est évidemment pas le seul. Dans ces souvenirs magiques que nous nous sommes fabriqués, il y a tous ces moments passés avec des légendes du sport auto. Les écouter me parler a toujours été un moment étonnant, sidérant pour moi qui n’a pas le premier contact aisé. Je me souviens comme si c’était hier du premier jour où j’ai pris mon courage à deux mains pour aller discuter avec Henri… Ces rencontres avec l’homme en vert se sont dès lors multipliées, Pesca n’a jamais été avare de ses minutes avec moi ou avec EI. Comme cette rencontre de 7 heures un dimanche chez Madie et lui, à la ferme. 7 heures de souvenirs tous plus fous les uns que les autres et que nous avions relatés pour les 10 ans d’EI. Et croyez-moi, nous n’avions pas pu tout écrire, certains étaient inavouables !!! Au temps béni de l’affrontement Audi-Peugeot, le Dr Ullrich, Ralf Jüttner ou Bruno Famin furent également des rencontres très riches et fertiles en articles passionnants ! Je me souviens du premier contact avec Bruno d’ailleurs, pas particulièrement facile. Mais là encore, les entretiens avec le directeur de Peugeot Sport m’ont donné l’occasion de quelques-uns de mes meilleurs articles. Avec Bruno, je n’avais pas de difficultés pour trouver un titre à mon article. Il a tant le sens de la formule qui tranche net, qu’il me suffisait de piocher dans ce qu’il m’avait dit. Il me mâchait le boulot…

Et puis parmi toutes ces rencontres, il y a eu ce moment. LE moment. L’un de ceux que je chéris le plus aujourd’hui. Un de ces moments magiques une veille de course dans la structure Audi pour la grande conférence de presse d’avant course dans la structure VIP. On se dit toujours que ces grandes messes médiatiques ne sont guère propices aux bons moments. Tout y est tellement formaté. Sauf que… Sauf que une fois le grand show fini ce jour-là, je mets la main sur Romain Dumas et nous commençons librement à discuter de la course du lendemain. Puis Benoit Tréluyer, libéré de toutes obligations médiatiques nous rejoint. Enfin, c’est Loïc Duval qui s’ajoute à notre trio. Et là, je vous l’assure, c’était tout sauf formaté ! Cela a duré une demi-heure. Etre au milieu de ces trois-là était tout sauf triste, je vous le promets. Mais au milieu de toutes les vannes qu’ils me balançaient, il y avait tellement d’infos. J’ai tellement appris de choses ce jour-là ! C’était du pain béni et un moment fabuleux avec des personnages hors normes… Et je pense même avoir eu le temps d’en faire un article juste avant la course… Avec Benoit Tréluyer, j’ai un autre souvenir très fort. Je vous le garde pour les 20 ans ;)

S’il est une chose dont je suis heureux dans cette aventure qui a déjà 15 ans au compteur (même si pour moi, elle en a près de 20 en fait…), c’est le partage qu’elle génère. Le partage avec toute cette équipe qui a fait EI, équipe qui a tant de valeurs communes. Une équipe constituée virtuellement, aujourd’hui, ça pourrait presque paraître naturel mais en 2004 lorsque Claude Foubert, le premier, m’a contacté par mail pour me demander s’il pouvait écrire pour Infos-Course, ça ne l’était pas. Nous nous sommes réellement rencontrés pour la première fois lors de la Journée Test alors que cela faisait déjà plusieurs mois que nous travaillions ensemble ! Il en fut de même pour Antho, Julie et LM alias le cycliste du désert. Et malgré cette virtualité de départ, la réalité du terrain a toujours bien fonctionné entre nous. Il y a toujours eu une très bonne entente de fond même si nous n’étions pas d’accord sur tous les sujets. Mais la déconne était toujours juste derrière… Notamment dans les longues liaisons en bagnole entre deux circuits avec le patron, mr Mercier. Tous ces longs voyages font aussi partie de ces super moments vécus durant ces 15 ans…

L’équipe était soudée car nous étions câblés pareil, notamment pour la hargne au boulot. Nous ne comptions pas nos heures jusqu’à l’épuisement. Ce qui m’a d’ailleurs amené à quitter provisoirement l’équipe en 2009 au soir des 24 Heures. Antho en a fait de même peu de temps après mais pour prendre une autre place dans le sport auto. Julie n’est plus dans les paddocks mais les échanges de news par textos sont toujours fréquents. Bruno puis David nous ont rejoints plus récemment, rentrant parfaitement dans le moule. Ce qui signifie qu’ils n’hésitent pas à me bâcher régulièrement, c’est ça le moule ! Merci les gars… L’équipe a changé mais elle est toujours soudée…

Claude nous a quitté récemment. Le coup dur, le vrai, un soir de Noël. Le premier vrai chocpour cette super équipe. Quelques mois auparavant, avec David et Bruno, les petits nouveaux de l’aventure, nous avions voulu faire comme s’il y avait des 24 heures en juin dernier, comme si le virus nous foutait la paix, en nous retrouvant tous au Mans. Notre ultime repas tous ensemble, avec Claude, pour nous relier par la passion. On sentait bien que depuis la perte de son épouse, Claude n’était plus tout à fait le même mais en ce midi de juin, il était là, toujours passionné. En août prochain, pour la 89ème édition, nous ne pouvons absolument pas savoir à quoi ressemblera l’équipe EI au Mans. La pandémie décidera. Une seule chose est pourtant certaine, Claude ne sera pas là… Mais l’aventure se poursuivra. Il ne peut en être autrement. On ne s’arrêtera pas à 15 !