Alessandro Zanardi s’apprête à prendre part aux 24 Heures de Daytona (26/27 janvier). Il ne faut pas oublier que l’Italien a eu un grave accident au début des années 2000 lors d’une manche de CART au Lausitzring (Allemagne) qui lui a fait perdre ses deux jambes.
Deux ans seulement après, il est de retour au volant d’une BMW 320i spécialement modifiée en ETCC (championnat d’Europe de Voiture de Tourisme) en 2003. Une preuve de plus de sa formidable force de caractère. “Quand je me suis réveillé et que j’ai réalisé que je n’avais plus de jambes, je ne me suis pas demandé : que vais-je faire sans jambes ? Au lieu de ça, j’ai pensé : ok, que dois-je faire pour pouvoir faire tout ce que je veux sans jambes” s’était alors dit Alex Zanardi peu de temps après son accident.
Depuis, il court pour BMW M Motorsport dans différentes séries, mais il a fallu adapter ses différentes voitures à son handicap. Au fil des années, la technologie aidant, les systèmes mis en place pour lui ont bien évolué. De la BMW 320i de 2003 à la BMW M8 GTE de 2019, petit tour d’horizon des différentes modifications apportées à ses voitures.
BMW 320i et BMW 320si – ETCC et WTCC (2003-2009)
Avant de reprendre la compétition en 2003, Alex Zanardi rencontre un certain scepticisme à l’égard de ses plans de retour. “Les gens avaient peur qu’il m’arrive quelque chose. Cependant, si je me casse une jambe, je n’ai besoin que d’un tournevis pour la réparer” explique-t-il avec un certain humour. Il trouve enfin le constructeur qui lui faut : BMW. «J’ai eu la chance qu’une entreprise fantastique comme BMW s’intéresse au projet. Ils voulaient vraiment faire quelque chose de plus que de simplement montrer à quel point leurs méthodes étaient techniquement avancées et que leurs voitures étaient bonnes.”
L’histoire est alors en marche et il débute donc avec la BMW 320i (BMW Motorsport et BMW Team Italy-Spain). “Au début, je pensais que je devrais tout faire de mes mains. Avec le premier système, je freinais avec une bague sur le volant. J’utilisais un autre anneau pour accélérer et actionnais la boîte de vitesses en H avec ma main droite. Mes doigts géraient l’embrayage par l’intermédiaire d’un bouton sur le levier de vitesses. C’était franchement trop. Quand je suis revenu au garage après le premier essai, j’ai dit aux gars : “J’ai trop à faire, je tourne avec les bras et les mains, mais si vous pouviez aussi m’installer un petit balai entre mes jambes, je pourrais alors aussi balayer le cockpit ! »
Il suggère alors d’utiliser ses jambes artificielles : “Les ingénieurs étaient un peu sceptiques, mais j’étais sûr que je pouvais appliquer assez de force à la pédale de frein si ma jambe artificielle y était attachée et je pouvais aussi utiliser mes hanches pour appliquer une pression vers le bas. Tout ce que nous avions à faire était de développer une pédale de frein à laquelle ma jambe artificielle pouvait être fixée en permanence. Cette solution s’est avérée très efficace. J’ai remarqué dès le premier essai que je pouvais non seulement appliquer la pression nécessaire, mais j’ai été surpris de voir à quel point je pouvais contrôler la pression et sentir la pédale de frein.”
Les modifications sur les BMW 320i et BMW 320si (2003-2009) : Pédale de frein modifiée et fixée à la jambe artificielle ; volant avec anneau d’accélération ; changement de vitesse par levier en H, actionnement à droite avec la main droite. Ce système a été utilisé ETCC de 2003 à 2004, puis de 2005 à 2009 (WTCC). Alex Zanardi a remporté quatre courses.
BMW Z4 GT3 – Blancpain GT Series (2014-2015)
Après quelques années concentrées sur la préparation des Jeux Paralympiques, Alessandro Zanardi annonce son retour à la compétition automobile en 2014. Il fait partie de l’équipe de Ravaglia en Blancpain GT Sprint Series dans une BMW Z4 GT3. “Nous avons transféré tout ce que nous avions développé pour la BMW 320i sur la BMW Z4 GT3. Tout a parfaitement fonctionné.”
L’une des rares différences était qu’il ne changeait plus ses vitesses à l’aide de la boîte de vitesses en H, mais par l’intermédiaire des palettes au volant. L’année suivante, il s’aligne aux 24 Heures de Spa 2015 aux côtés de Timo Glock et Bruno Spengler. La grande nouveauté est qu’il doit partager le cockpit avec d’autres pilotes. Les ingénieurs de BMW sont donc obligés de modifier la BMW Z4 GT3 pour lui permettre, mais aussi à ses coéquipiers non handicapés, de piloter la voiture.
“J’ai montré aux ingénieurs de Munich ma jambe artificielle qui est un tube creux et j’ai suggéré que nous pourrions remplacer la pédale de frein par un système dans lequel une sorte d’épingle serait glissée dans la prothèse”, rapporte l’Italien. “Ils ont adhéré à l’idée et ont développé pour moi une pédale de frein très fine qui se trouvait à l’extrême droite du pédalier. Timo et Bruno ont utilisé les pédales d’accélérateur et de frein normales au milieu du pédalier.”
Les deux pédales de frein ont été reliées et actionnées simultanément. La pédale d’embrayage a été complètement retirée et remplacée par un système d’embrayage à commande électronique. Il est contrôlé par deux palettes. Au lieu de la pédale d’embrayage, un repose-pied est installé à gauche du pédalier pour Zanardi. Cela a donné à son corps un soutien supplémentaire lors du freinage. Son volant est également complètement nouveau à Spa.
Les modifications sur la BMW Z4 GT3 GT4 – Spa 24 H (2015) : Nouvelle pédale de frein très fine ajoutée au boîtier de pédale et insérée dans la jambe prothétique comme une goupille ; volant avec anneau d’accélération ; changement de vitesses par palettes au volant ; système embrayage par câble avec palettes d’embrayage. Les trois hommes terminent la course à la 25e place.
BMW M6 GT3 (2016)
Lorsque Alex Zanardi fait ses débuts sur la BMW M6 GT3 en 2016, le système a été encore amélioré. L’actionneur d’embrayage a été remplacé par un embrayage centrifuge entièrement automatique développé par ZF. Celui-ci s’ouvre et se ferme automatiquement à un certain régime moteur et ne doit plus être commandé par lui. Le principal avantage du système est qu’il n’a plus besoin d’actionner un levier d’embrayage avec une de ses mains.
Le pilote italien est impressionné par l’embrayage centrifuge : “C’est étonnant comme ce mécanisme fonctionne bien. Cet embrayage est extrêmement fiable. L’usure est minime et il y a donc moins de problèmes avec cette solution qu’avec un embrayage standard. Depuis que nous l’avons installé dans la voiture, il a parfaitement fait son travail. Lorsque vous repartez après l’arrêt au stand, il est impossible de faire caler le moteur. De plus, peu importe que les pneus soient froids ou chauds. Chaque fois que vous démarrez, cet embrayage peut gérer la poignée – probablement mieux qu’un système standard.”
Les modifications sur la BMW M6 GT3 (2016) : Pédale de frein mince, similaire à celle des 24 Heures de Spa, volant avec anneau d’accélération, changement de vitesses par palettes au volant, embrayage centrifuge. Zanardi remporte une victoire lors de la course du dimanche de la finale du championnat GT italien au Mugello (Italie).
BMW M4 DTM et BMW M8 GTE (2018 et 2019)
“Le système que nous avions en place à ce moment-là m’a permis d’être rapide, même pour un certain nombre de tours. Mais pour être honnête, c’était vraiment difficile de rester assis dans la voiture aussi longtemps, d’être d’une grande aide pour mon équipe pendant toute la durée d’une course de 24 heures” dit Alex Zanardi. Comme il n’a pas de jambes, il lui manque des membres importants qui aident à refroidir le corps par la circulation sanguine. De plus, les fûts bien ajustés de ses jambes artificielles ne permettent pas la transpiration : “Chaque fois que je sortais de la voiture, j’étais complètement cuit.”
Il était clair qu’il serait capable de conduire beaucoup plus longtemps et de se sentir plus à l’aise dans la voiture sans ses prothèses. Il a alors discuté de ce sujet avec les ingénieurs de BMW Motorsport à Munich et ils ont mis au point un tout nouveau système qui permet à Alessandro de tout gérer avec ses bras et ses mains. La transmission moderne des voitures de course GT d’aujourd’hui et l’embrayage centrifuge ont ouvert de nouvelles possibilités. Il fait une apparition en DTM au volant de la BMW M4 DTM à Misano en août 2018. Tout cela n’avait qu’un seul but : une préparation en vue d’une participation aux 24 Heures de Daytona.
La pédale de frein a été remplacée par un levier de frein qu’il pousse vers l’avant avec son bras droit. Celui-ci est monté sur le tunnel de transmission et relié au frein. Alex Zanardi accélère à l’aide d’un anneau d’accélérateur sur le volant qu’il actionne principalement de la main gauche. Il peut changer de vitesse à l’aide d’une palette sur le volant. En même temps, un interrupteur est fixé au levier de frein avec lequel il peut passer d’un rapport à l’autre lors du freinage en virage.
Grâce au système de freinage à main de la BMW M8 GTE, les problèmes physiques auxquels Zanardi a dû faire face dans le passé ne sont plus un problème. “Si le règlement le permettait, je pourrais faire une course de 24 heures tout seul maintenant” dit-il en riant. “Je suis vraiment à l’aise dans la voiture sans mes jambes artificielles. C’est évidemment un peu plus compliqué parce que j’ai tellement à faire avec mes bras et mes mains, mais d’un point de vue physique, c’est largement mieux.”
Les modifications sur BMW M4 DTM et BMW M8 GTE (2018-2019) : levier de frein manuel pour le freinage ; volant avec anneau pour l’accélération ; rétrogradation par palette au volant, rétrogradation par bouton au levier de frein, embrayage centrifuge
Alex Zanardi et BMW M Motorsport ont donc contribué à changer la vision des gens sur les pilotes handicapés dans le sport automobile et ouvert de nouveaux horizons comme il le confirme : “Le chemin a été long, mais je crois que ce que nous avons accompli a également créé de nouvelles possibilités pour les autres. Personne ne demande plus si un pilote handicapé peut courir. Prenez Frédéric Sausset : il a été amputé des jambes et des bras et il a disputé les 24 Heures du Mans en 2016. Même chose pour Billy Monger. La seule chose que les gens veulent savoir aujourd’hui, c’est à quel point vous êtes bon en tant que pilote. Le handicap n’a pas d’importance, car ils savent que vous pouvez le surmonter avec des solutions spéciales.”
Photos : BMW Motorsport