Le Mans, un lieu toujours unique, même en avril…

Olivier Lorenzon nous a fait part de son expérience mancelle au mois d’avril, bien entendu pas en avril 2020. On ne doute pas une seconde que vous êtes nombreux à avoir ressenti un jour ce même sentiment d’être dans un lieu chargé d’histoire et d’avoir eu l’occasion de vivre ce rêve éveillé de 24 Heures du Mans, chacun à sa manière.

Vos récents articles à propos du circuit du Mans aux mois de février et mars m’ont aussi incité à partager ma propre expérience de ce lieu toujours unique, mais au mois d’avril cette fois-ci. Venant de Franche-Comté, il n’est pas aisé de se rendre régulièrement sur le circuit des 24H. Lorsqu’au mois de novembre, je reçu en cadeau d’anniversaire un baptême de pilotage en prototype Pescarolo sur le circuit Bugatti, la question ne se posait donc plus ! Rendez-vous est donc pris au Mans un dimanche d’avril avant de poursuivre par une semaine de vacances dans l’ouest ! 

J’arrive donc avec ma compagne le samedi, la veille du baptême. Immédiatement et comme un pèlerinage, notre voiture se dirige vers la portion ouverte à la circulation du circuit des 24H ! L’émotion est toujours particulière quand on arrive au Tertre Rouge, on y est, au même endroit que les protos et les GT qui s’élancent dans les Hunaudières ! Je prends donc plaisir à décrire ce circuit à ma passagère et découvre certains changements car je m’étais rendu seulement trois fois sur le circuit (deux fois en 2011 et une fois en 2015) : la forêt malheureusement incendiée, le rond point d’Arnage et son échappatoire… Nous nous faisons même déboité rapidement par l’extérieur par une Peugeot 206 à l’approche d’Indianapolis alors que nous étions à 90 km/h… pas de doute, nous sommes bien sur le grand circuit ! 

Une fois notre « tour de qualification » terminé… la prochaine étape passe par le musée des 24 Heures. Toujours un plaisir de se plonger dans l’histoire automobile et de constater l’évolution des voitures qui ont foulé le grand circuit. Et toujours impressionnant de comprendre comme elles sont conçues, pointues sur le plan aérodynamique, basses et collées au sol. Aussi bien une Matra de 1974 qu’une Audi de 2013 ! En tant que collectionneur j’ai aussi été fasciné par le nombre de modèles réduits qui sont présentés en vitrine (avec des plateaux entiers en miniatures), et par des dioramas plein de détails : le rêve ! Notre première partie de ce week-end manceau s’achève sous la pluie par un passage par le centre-ville pour admirer quelques empreintes de pilotes et encore se plonger un peu plus dans l’atmosphère de la course…

Le lendemain matin commence par un soulagement, il ne pleut plus et le ciel est bleu ! Voir cette pluie tomber me rendait nerveux avec la peur de ne pas profiter pleinement de l’expérience voire de partir à la faute !
J’arrive alors sur le circuit et la pression monte petit à petit, le ciel est bien bleu mais la piste est toujours humide. Un motard tourne fort avec un passager dans son dos… le grondement de la moto raisonne sous le toit des grandes tribunes vides et les prototypes Pescarolo sont alignés dans les stands : une fois de plus pas de doute, c’est maintenant le jour J ! Je prends quelques minutes dans la tribune des stands pour m’imprégner du décor qui se trouve autour de moi. C’est toujours un grand moment d’être ici et je repense à tous les moments de la course que j’ai vécus seulement à travers les médias,  malheureusement (je n’ai assisté que deux fois à la Journée Test). J’inspecte aussi le nouveau portique au dessus de la ligne de départ. Beaucoup de chanceux sont ici comme moi, soit pour rouler en tant que conducteur mais aussi pour des baptêmes passagers. Avec les accompagnants, une petite assistance s’est formée au pied du module sportif. On est loin des 250 000 personnes du mois de juin mais l’attraction est là. 

Tout commence par l’équipement qui nous est confié dans une salle juste au-dessus des stands : combinaison et bottines aux couleurs des 24H, comme les vrais ! Tous ces petits détails qui s’enchainent continuent de faire monter la pression, toujours un peu plus ! Pendant que les premiers baptêmes passagers débutent un peu plus bas, le briefing commence et l’instructeur partage ses conseils et consignes, principalement sur le fonctionnement de la barquette Pescarolo et notamment de ses palettes au volant. La lumière est aussi faite sur l’attitude à adopter en piste : chaque pilote en herbe aura un véritable pilote devant lui qui conduit une Porsche Panamera « leading car » pour montrer la trajectoire à suivre et les points de freinage à respecter. Mes maigres expériences sur circuit à l’occasion de baptêmes en Porsche Cayman et en Formule Renault me rassurent mais cette-fois cela n’a pas tout à fait la même saveur pour moi… Nous descendons enfin dans la ligne droite des stands pendant que les passagers finissent leurs tours. Le tout dans une atmosphère toujours bruyante alors que seulement une dizaine d’autos tournent. Le briefing se poursuit alors autour d’un prototype que nous allons conduire : nous y sommes, c’est imminent ! 

Les derniers passagers en terminent, visiblement ravis d’avoir été surement malmenés quelques secondes plus tôt. Cinq personnes rejoignent d’abord leurs protos, je n’en fait pas partie ce qui rajoute un peu plus d’impatience et d’excitation. Durant ces quelques minutes d’attente, je me retrouve équipé et casqué dans les stands, tentant de me décontracter avant mon tour. En réalité je suis dans une sorte de bulle et me sens de plus en plus dans la peau d’un pilote qui attend son relais. Dois-je m’échauffer avant de prendre le volant ? Dois-je me placer derrière la ligne blanche et courir remplacer mon coéquipier une fois la voiture immobilisée dans le box ? Ces petites pensées amusantes en forme de questions permettent de me détendre. Puis vient le moment tant attendu, on me désigne, j’enfile mes gants, on fixe le système hans à mon casque. Puis je m’approche et « descend » dans le prototype. Je suis attaché « comme il faut » par un instructeur et me voici prêt dans un prototype, dans les stands du circuit des 24 Heures du Mans et je serai aux commandes : Je prends une première claque. Puis ma première pensée est que ma position et plutôt inconfortable, je suis quasiment assis par terre. Les secondes commencent à défiler plus lentement… la Porsche « leading car » se place devant moi. Le signal du départ est donné, il faut appliquer les consignes : pompe à essence sur « on », enfoncer le bouton pour démarrer et… je cale… une fois… deux fois… la troisième est la bonne et la voiture s’élance en broutant quelque peu. On imagine mal à quel point le point de patinage de ces autos est difficile à trouver. La pédale d’embrayage sert uniquement à démarrer en première et à s’arrêter. 

Quoiqu’il en soit je suis bel et bien parti et me voilà déjà à l’approche du Dunlop, c’est dingue, j’y suis réellement : seconde claque. Les premières centaines de mètres je tente de comprendre un peu la voiture et de trouver les bonnes trajectoires et les bons points de freinage en suivant la Porsche. Mon sentiment d’inconfort a disparu, je suis totalement concentré sur le pilotage. Les virages du Bugatti s’enchainent et le premier passage dans la ligne droite des stands se profile : les tribunes se dressent à droite et à gauche, mon regard revient sur les LED qui défilent du vert au rouge sur le tableau de bord. Les rapports s’égrènent, je passe devant le podium, sous la nouvelle passerelle puis à côté de la tour Michelin. A près de 200 km/h il faut maintenant aller chercher tout à gauche avant de plonger à droite avant la courbe du Dunlop. Les trajectoires de la Panamera sont impressionnantes, dire que je dois les répéter ! Les freinages sont incroyables, j’arrive vite et le proto m’envoie littéralement vers l’extérieur du virage, il faut dire que je ne dois exploiter qu’un faible pourcentage du potentiel de freinage de la machine. Après tout c’est normal je suis à bord d’une voiture de course, ces sensations sont inhabituelles et je dois les dompter. Je rappelle que la piste est toujours humide, les passages sur les vibreurs me donnent quelques sueurs surtout que je sens de plus en plus le moteur chauffer dans mon dos ! Mais derrière certaines de ces sensations qui peuvent ne pas donner envie à certains je dois rappeler que le plaisir est énorme, je suis tout de même sur le Bugatti en train de piloter un proto ouvert Pescarolo ! Ces moments privilégiés sont inédits et au fil des virages et des accélérations je me lâche de plus en plus. Je me lance à la poursuite de cette Panamera emmenée par un pro. J’en prends plein les yeux et plus que ça, c’est tout le corps qui est en éveil. Malheureusement toutes les bonnes choses ont une fin et le clignotant de la Porsche m’indique qu’il faut retourner au stand. Je profite des derniers instants à allure réduite et je m’immobilise enfin, sans caler cette fois ! 

Je sors du proto au prix d’une nouvelle contorsion amusante. Mon instructeur me confie que ma « leading car » est repartie en piste pour faire « refroidir les freins » : alors est-ce une bonne ou une mauvaise conséquence de mon pilotage ? Je retire mon casque, transpirant alors que cela n’a duré que quelques minutes et que la météo n’était pas du tout à la canicule. Je me rends compte à quel point ces courses d’endurances doivent être physiques et que les pilotes sont avant tout des athlètes. Certains des pilotes chargés de réaliser les baptêmes passagers et d’emmener les « leading car » ne me sont pas inconnus et c’est un nouveau plaisir que d’échanger quelques mots avec l’un d’entre eux et de prendre une photo. Il faut alors rendre son équipement que j’aurais bien gardé pour revenir plus tard, pourquoi pas au mois de juin pour me faufiler entre les cordons de sécurité et grimper dans une LMP1! Plus sérieusement je quitte le circuit avec un souvenir qui me restera à jamais gravé. La légende du Mans a encore opérée, même si je n’en doutais pas un instant. J’ai roulé dans un proto sur le circuit du Mans ! 

Chacun se fera son propre avis sur ces stages de pilotage. Je n’ai qu’une seule chose à dire, si vous en avez l’occasion : essayez ! Voilà pour mon expérience du Mans en avril. A chaque fois que je viens au Mans l’expérience est différente et celle-ci plus que jamais ne déroge pas à cette règle. J’espère que ce récit vous aura permis de ressentir un peu les émotions que j’ai pu vivre ce jour-là. Merci pour votre lecture et merci à Endurance-Info de m’avoir faire découvrir le monde des courses d’endurance il y a de ça une dizaine d’années.