Suzuka marquait ma cinquième visite au championnat SUPER GT depuis 2013. Championnat phare au Japon, on ne peut pas dire que la série ait la même aura en Europe. Pourtant, le SUPER GT fait partie des championnats les plus relevés de la planète. Les GT500 n’ont de GT que le nom. Si vous n’avez jamais vu un meeting de vos yeux, vous ne pouvez pas comprendre et chaque visite à la série nipponne est l’occasion de prendre une grosse claque. On a le droit à du bruit, de la bagarre, des courses propres, un public nombreux et une communion entre les pilotes et les fans que l’on ne connaît pas (ou plus) en Europe.
Cela ne choque personne que des accidents graves surviennent régulièrement sur la Nordshleife alors que nous sommes stupéfaits de voir des autobus sur la piste en plein warm up sur les manches japonaises. Le Safari fait partie du spectacle et tout le monde est ravi. Imaginez des bus sur la piste le samedi matin sur la piste des 24 Heures du Mans en pleine répétition de la classique mancelle. Quand en Europe on peut vous virer comme un malpropre d’une voie des stands si vous n’avez pas le bon pass, le Japon organise des pit walks réservés aux enfants. Chez nous, vous pouvez être outrés de voir des grid girls tenir un panneau devant une voiture quand au pays du Soleil Levant, les filles signent quasiment autant d’autographes que les pilotes qu’elles suivent toute la saison. Plus d’une heure avant le début de l’ouverture du pit-walk, les fans font la queue dans le calme le plus absolu, tous alignés sans broncher et sans gruger comme on pourrait le faire chez nous. Les Japonais ont une chose que nous européens, nous avons oublié depuis bien longtemps : le respect. En France, on crache sur les forces de l’ordre, au Japon, elles ouvrent la piste.
Même si vous êtes journaliste, vous demandez la permission de traverser un stand. On vous répond systématiquement oui mais par respect vous demandez l’autorisation. On vous l’a déjà dit, Honda, Lexus et Nissan n’ont pas de structures gigantesques dans le paddock. Pas de structures à étages pour faire comprendre à son voisin que la mienne est plus grosse que la tienne. Au Japon, on met l’argent dans la voiture, le développement et la préparation. Trouvez moi une catégorie dans le monde où tous les pilotes sont payés pour faire leur métier. N’y voyez pas un eldorado car GTA, promoteur de la série, a su garder sa ligne. Le règlement stipule d’avoir au moins un pilote japonais dans chaque équipage mais les pilotes non-japonais sont bien intégrés. J’ai encore en mémoire la traversée d’un paddock en compagnie de Fred Makowiecki, arrêté tous les deux mètres pour une photo ou un autographe. Idem pour Bertrand Baguette. Quant à Ronnie Quintarelli, André Lotterer, Loïc Duval, Benoît Tréluyer et consorts, ils sont dans le cœur des japonais depuis bien longtemps. Seul journaliste européen aux 1000 km de Suzuka 2013, j’ai le souvenir d’un petit groupe de médias japonais qui sont venus me féliciter comme si j’avais gagné la course tout juste remportée par Fred Mako. D’une, ils étaient contents qu’un média hors du Japon s’intéresse au championnat et de deux qu’un français gagne dès sa première participation.
Quelques semaines avant mon dépucelage du SUPER GT en 2013, j’avais évoqué ma visite à Sébastien Philippe, dont le nom est resté très fort sur place, qui m’avait expliqué que j’allais prendre une claque. Pour être totalement honnête, je ne l’ai pas cru, pensant que j’allais assister simplement à une course GT. Finalement, c’était nettement en-dessous de ce que j’imaginais. La claque, je l’ai prise et je la prends à chaque visite. 45 000 spectateurs ont été recensés uniquement le dimanche à Suzuka et quand on voit la foule présente, on se dit très vite qu’on nous ment sur les chiffres de nos championnats.
Les trois marques présentes en GT500 se livrent une bagarre sans merci, tout comme les quatre manufacturiers pneumatiques. Michelin se sert du SUPER GT pour développer des solutions qui serviront plus tard au FIA WEC. C’est dire si l’expression laboratoire du laboratoire prend tout son sens. Le développement est possible entre les courses et ce développement vaut aussi pour les pneumatiques. Les Quintarelli, Caldarelli et autres de Oliveira n’ont pas fait carrière en Europe ? Peu importe, ils ont trouvé dans le SUPER GT de quoi s’exprimer pleinement et aucun des trois ne lâcherait son emploi pour un autre championnat. Beaucoup ont raillé la Nissan GT-R LM NISMO qui n’avait pas grand-chose de NISMO. La structure japonaise a très mal vécu cet épisode comme on a pu le constater fin 2016 lors d’une visite privée de l’usine. Quand on voit les entrailles de NISMO, croyez-moi qu’il y a ce qu’il faut pour faire une bonne LM P1. Vous imaginez voir une Nissan GT-R GT500 suivre le rythme des LM P1 non hybrides à Fuji ? Le législateur a réduit de 25% la charge aéro des autos cette année et pourtant la pole 2017 de Suzuka a pourtant battu tous les records.
Finalement, le principal défaut du SUPER GT est d’être très loin de notre vieille Europe pour suivre tous les meetings sur site.