Après l’Endurance chez Peugeot en LMP1 et Sébastien Loeb Racing en LMP2 et WTCC, Léo Thomas a rejoint les rangs de la Formula E au poste d’ingénieur chez Venturi avant d’intégrer les rangs de TECHEETATH. On ne vous apprendra rien en vous disant qu’une monoplace électrique a peu de choses en commun avec un prototype d’endurance. Malgré cela, nous sommes allés questionner Léo Thomas sur son rôle et surtout comment il voit les deux disciplines sur le plan de la préparation technique.
Est-ce que les deux disciplines sont comparables ?
« Les courses d’endurance demandent beaucoup de préparation mécanique, de fiabilisation et de roulage. Au final, la préparation n’est pas très dense. Il faut s’entraîner pour les ravitaillements. En Formula E, le déroulement du week-end est à l’image de la préparation. Le simulateur est primordial car il faut passer en revue les différents scénarios possibles de chaque course. Un événement Formula E est très condensé. Il n’y a pas la moindre place à l’improvisation. On fait en simulation tout ce que l’on ne peut pas faire sur la piste. Les choses sont bien plus poussées que ce que j’ai pu faire en Endurance, d’un point de vue logiciel et gestion des courses. Le détail compte énormément. »
Les choses ont évolué au fil des saisons ?
« La différence entre la première saison et maintenant est énorme. A titre de comparaison, on peut dire que l’année 1 s’apparentait à du GP2. Tout s’est professionnalisé en année 2, encore plus en année 3. Maintenant, le niveau de détail est très pointu. Dix ingénieurs composent une équipe d’exploitation et nous devrions passer à quinze dans un an. »
Le passage des pilotes sur simulateur est important ?
« Le simulateur permet aux pilotes d’aller dans le détail du détail car ça se joue au mètre près sur tout. Il faut que tout devienne naturel pour le pilote qui doit être préparé à tout. Il doit se focaliser uniquement sur son pilotage sur le week-end de course. Nos pilotes arrivent avec bien plus de certitudes qu’en Endurance. »
En Endurance, vous pouvez vous préparer sur les circuits, ce qui n’est pas le cas en Formula E. Est-ce un problème ?
« Les équipes ‘constructeurs’ ont le droit à 15 jours d’essais pour la saison suivante. Un team ‘client’ n’a pas le droit de rouler, ce qui, pour nous, est forcément pénalisant. Les deux disciplines sont de toute façon très différentes. En Endurance, la gestion de la performance se gère sur le long terme avec un impact de l’équipe qui est plus faible. Sur une course longue, on peut rattraper une petite erreur. Les courses de Formula E sont très courtes, sans BOP et où le moindre détail permet d’aller plus vite. Les catégories GT peuvent être frustrantes à cause d’un équilibre des performances. »
Vous prenez autant de plaisir en Formula E que lorsque vous étiez en LMP1 ?
« L’Endurance m’a beaucoup plu et je ne dis pas que je n’y retournerais pas un jour dans un contexte d’un programme d’usine s’il y a de la bagarre en piste. La trajectoire de la Formula E est très importante. Le coût maîtrisé n’est pas le même que pour les équipes privées en Endurance. Le règlement du châssis unique est très bien fait. »
Les pilotes d’Endurance semblent se plaire en Formula E ?
« André Lotterer est le parfait exemple du pilote qui s’est vite acclimaté. Quand il est arrivé, il a dû passer une semaine sur simulateur alors que, chez Audi, il n’y passait qu’une journée. André était un peu surpris de cela, mais au bout du compte, il était demandeur pour en faire plus. Il a beaucoup de talent, mais il n’était pas devant dès la première course. Pour lui, c’est un super challenge. Il faut faire un “reset” complet du sport auto. Le challenge est différent sachant que les pilotes ne sont pas demandeurs de 50 chevaux supplémentaires. Il ne faut pas oublier que les pilotes roulent sur des tracés urbains où les murs sont proches. »
Faut-il avoir brillé en monoplace pour être devant en Formula ? Un jeune talent comme Thomas Laurent, à qui tout réussi, aurait-il sa place même s’il n’a pas d’expérience en monoplace ?
« En Formula E, un bon pilote qui n’a pas la bonne voiture ne gagne pas, un pilote moins bon qui a la bonne voiture ne gagne pas non plus. Pour briller en Formula E, il faut au moins trois ingrédients : un cerveau, un talent brut, savoir piloter différents types d’autos. La conduite d’une Formula E est différente de tout le reste. Les autos ont peu d’appui, une puissance assez faible comparée à un prototype. Il faut rouler entre des murs, ce qui oblige à comprendre le mode d’emploi. Un Thomas Laurent n’a pas mis longtemps à gravir les échelons du karting au LMP1, alors pourquoi pas réussir en Formula E… »