Juin 1967 : FORD versus FERRARI, ou encore la course du siècle, l’affrontement entre l’artisan italien et la grosse firme américaine et on pourrait citer bien d’autres clichés de l’époque.
Pour cette année, FERRARI a construit la sublime P4 mais un V12 de 450 CV contre un 7L de 490 CV avec un couple de camion, sur un circuit à haute vitesse avec peu de virage sélectifs (à l’inverse d’aujourd’hui), ça n’a pas fait le poids.
Des équipages pas assez homogènes, une stratégie de course assez conservatrice et quelques ennuis mécaniques (en particulier de transmission pour les P3/P4, talon d’Achille des protos italiens de l’époque) ont fait le reste.
J’ai 16 ans et le virus de la course automobile me tient depuis l’âge de 12/13 ans. Nous habitions à l’époque à Tours, à 75 km du Mans et mon père m’avait amené pour la première fois au circuit en 1964.Depuis, chaque année, c’était l’extase (essais et course) au moins de Juin…
Il est un peu plus de minuit : mon père est parti dormir dans la voiture mais moi je ne veux pas en perdre une miette…
Je suis dans la descente du tertre rouge, en bord de piste côté de la chapelle. Soudain, un choc violent, avec des gerbes d’étincelles et des débris de plastique qui volent : C’est Mario ANDRETTI qui, reparti des stands avec sa Mark IV et des plaquettes de frein neuves, non mises en température, vient de détruire au freinage du premier « S » l’avant de sa voiture contre les fascines côté droit, en barrant en partie la piste.
Quelques secondes plus tard, nouveau bruit de choc et de frottement d’une carrosserie en plastique sur les fascines (A l’époque, des butées de terre tenues par des palissades en bois) : C’est Roger MAC CLUSQUEY et sa mark III qui vient de taper en essayant d’éviter l’épave de la voiture d’ANDRETTI, et environ 10 nouvelles secondes et c’est Jo SCHLESSER qui accidente dans les mêmes conditions, la mark III de FORD France. 3 FORD au tapis en moins de 40 secondes et j’ai encore aujourd’hui dans la tête le bruit du frottement du plastique en train d’exploser, comme du papier que l’on froisse …
Il est maintenant 3 heures du matin et il fait plutôt frisquet. Je suis à l’intérieur de la courbe DUNLOP endroit très spectaculaire ,qui se prenait à l’époque à haute vitesse (270/280 km/h) et là soudain, je reconnais mon idole dont je suis les courses de F1 dans L’EQUIPE (le journal) : c’est lui, c’est Dan GURNEY en combinaison de pilote avec par-dessus un blouson matelassé (le même que l’on peut voir sur les images du podium à l’arrivée) qui serre dans ses bras et embrasse à bouche que veux-tu une belle jeune femme blonde (l’attachée de presse de l’écurie PORSCHE qui deviendra sa femme), tout en regardant passer les voitures.
Ce n’est que bien plus tard que j’apprendrai que vers 3 heures du matin, AJ FOYT au volant de la FORD victorieuse s’était arrêté normalement pour ravitailler et passer le volant à son coéquipier mais avait dû repartir pour un nouveau relais, personne dans le stand FORD ne sachant où se trouvait Dan GURNEY…