Les 24 Heures du Mans approchent à grands pas et nous allons débuter la publication de vos récits personnels sur votre passion de la course. Une histoire sera publiée quotidiennement. Premier épisode en ce 24 mai avec les 24 Heures du Mans vues par… Cousin Hub.
Le sujet du Bac de Français 2019 : “Pourquoi vous aimez les 24 Heures du Mans ?”. Vous avez 4 heures…
4 heures pour le Mans ??? Mais je ne sais pas faire.
J’ai 50 ans cette année, et je vais faire mon possible pour vous expliquer pourquoi depuis 30 ans, je consacre la semaine #24 à ma passion : les 24 Heures du Mans autos. Non, je ne suis pas raciste envers les motards. Je n’ai tout simplement jamais trouvé mon intérêt pour les motos !! Je ne sais absolument pas pourquoi. Pas de vibrations. Pas de passion. Rien, zéro le calme plat…
A l’opposé, un simple logo 24H du Mans à la TV, sur un magazine, sur une affiche, etc… attire mon regard comme un aimant et mobilise mon attention. Hein, de quoi est-ce que ça parle ?? Si je ne sais pas LE POURQUOI, je vais vous expliquer le COMMENT.
Alors on remonte le temps.
Pop pop pop pop… 1969, naissance du p’tit bonhomme dans un coin des Côtes-du-Nord (comme cela s’appelait à l’époque) au sein d’une famille de maraicher. Le monde des patates, des oignons et des carottes est bien loin des pistes de sports mécaniques. Y’a bien le tracteur, mais non, on oublie. Dans notre rue du bout du monde, il y a une famille de mordus de sport mécanique. D’ailleurs le père est commissaire à l’ACO de St Brieuc et je me rappelle qu’il a officié au Mans dans les années 75-80’s.
Mais à l’époque, le petit CousinHub n’en a que pour le football et particulièrement les coupes du monde en Argentine (1978) puis en Espagne (1982) et au Mexique (1986).
Fin des 70’s. Je suis encore en primaire. Je travaille plutôt bien et pour me récompenser, j’ai le droit, de temps à temps de mettre une BD dans le caddy lorsque Mère nous emmène au supermarché du coin. La série qui a mes faveurs s’appelle “les 4 as”. Pour ceux qui connaissent pas, ça parle des aventures de 4 jeunes dans le vent Doc, Bouffi, Plastic et Dina. Y’a un chien aussi mais je ne me rappelle plus le nom. Ces 4 jeunes vivent en coloc’. Un genre de FRIENDS avant l’heure !!! Et parmi les nombreuses aventures, il y a un album que je relie en boucle. Et devinez le thème … le sport automobile. Mais c’est juste un album !!
Le déclic, il vient en février 1979. J’ai dix ans. Le parrain de mon frangin qui vit à l’autre bout de la France est passé à la maison. On n’a pas dû le voir depuis 4 ou 5 ans. Autant vous dire que mon frère ne se rappelle pas de son dernier cadeau !!! Mais pour rattraper le coup, le parrain arrive les bras chargés de cadeaux !!! Wahou la chance. Et dans le tas, il y a un Michel Vaillant (La trahison de Steve Warson) et un Julie Wood (Bol d’or).
Heureusement pour moi, mon frangin n’aime pas lire, ce qui n’est pas mon cas. Les BD restent donc dans un coin de notre chambre et je m’empresse de les dévorer…. A partir de là, fini les albums des 4 As. Désormais, lorsque j’aurai droit à une BD, ça sera un Michel Vaillant.
Le voisin passionné de sport automobile m’emmène de temps à autres sur des courses locales. Et je l’entends souvent me dire : “Ouhai mais ça c’est rien à côté des 24 Heures du Mans !” cette petite phase raisonnera longtemps dans ma tête.
Mais bien évidemment, en cette première moitié des 80’s, c’est foot, foot et re-foot. Je joue dans le club de mon village et ça me prend tous les week-ends.
A cette époque aussi, je récupère auprès de père d’un copain le journal l’Argus. Seule la partie résultats automobile m’intéresse et je dévore et découpe les articles consacrés à la Formule 1 mais aussi au sport automobile français. Et sans jamais avoir vu un meeting du Championnat de France, je connais presque toutes les formules de promotion : Formule Ford, mais aussi, Coupe R5, Coupe de l’Avenir, Formule Renault, Formule 3, Formule 2 et bien sûr Formule 1. Je sais ce qu’est une Arc, une Geri, une Serem ou une Marcadier engagée en Coupe de l’Avenir. Des noms (connus ou pas) résonnent dans ma tête : Gilles Lempereur, Gilles Duqueine, Alain Lamoureux etc…
La Formule 1 devient alors une véritable passion. J’ai le droit, lorsque les bulletins scolaires sont bons de regarder les grand prix de formule 1 à la TV le dimanche après-midi… après Starsky & Hutch.
Les 24 Heures du Mans ? Je connais un petit peu parce que l’Argus en parle 15 jours par an. Alors pour assouvir ma soif de connaissance, je découvre des revues chez le marchand de journaux de la ville voisine : Auto Hebdo, Echappement et en 1982 Grand Prix International.
Avec GPI, j’en prends plein les yeux et je découvre l’endurance nord-américaine et européenne. Daytona, Miami, Road Atlanta, Riverside, Mid-Ohio, mais aussi, Monza, Spa, Silverstone, Brands Hatch, Fuji et Kyalami sont des lieux qui résonnent dans mes lectures. Très vite, je sais reconnaitre une Jaguar XJR5, une Porsche 935, une March 83G, une Lola T600 sans parler des Porsche 956 Lancia LC2, Rondeau M382, Ford C100 ou même GRID S2.
Je n’ai aucune idée du bruit de ces voitures mais “dieu qu’elles sont belles”. Et si on met les Michel Vaillant par-dessus tout cela, le sport-automobile commence à prendre beaucoup de place dans ma chambre. D’autant plus que j’ai même “inventé” un jeu type de plateau type jeu de l’oie et je m’organise des dizaines de championnat : Indicart, F1, F2, F3 Europe, F3 France, F.Renault, F. Ford, Coupe de L’avenir, Coupe R5, etc… Heureusement, depuis peu j’ai ma chambre pour moi tout seul. J’ai été amusé quand quelques années plus tard j’ai découvert le jeu de plateau FORMULE DE !!! Et bien sûr j’avais fait une version WEC et donc 24H du Mans. L’ennui c’est qu’une course d’endurance durait en moyenne entre 6 et 14 heures… Je n’étais pas le bienvenu sur la grande table de la salle à manger
Mais comme mes parents ne sont ni Crésus ni Rockfeller, je n’ai pas les moyens de me rendre sur les circuits. D’autant plus que autour de Saint Brieuc, dans le 22, y’a ….. rien question circuit !
C’est le fameux voisin passionné de sport auto qui va faire faire grandir doucement une petite mélodie à l’intérieur du gamin. Tout d’abord avec des sorties comme le Rallye d’Armor (autour de saint Brieuc) au début des 80’s. Mais aussi la course de côte de Saint Gouéno ou le 2CV cross de Dinan en 1984.
Les sorties sont champêtres. On pique-nique. Et chose extraordinaire, je suis au contact presque direct de la piste à côté de monsieur mon voisin. Je me rappelle même être préposé au drapeau jaune sur le talus intérieur d’un virage sur le circuit de Dinan (2CV). J’ai-je pense – peine 13 ans.
Je sais que Monsieur le voisin m’emmènerait bien au Mans avec lui, mais les parents ne sont absolument pas d’accord.
“C’est dangereux et ça fait du bruit”, dit ma mère. “C’est noir de monde, notre bonhomme va se perdre là-dedans. On l’a déjà perdu 3 heures durant à la Foire Agricole de Rennes” répond mon père. Et en cœur tous les deux : “et puis y’a école. Passe ton BEPC d’abord”…. Puis quelles années plus tard : “Bin nan y’a le bac de français…. Puis le bac général”.
Bref, la passion est là. Mais elle se limite à la télé, les jours de grand-prix et aux lectures de magazines et de bandes-dessinées.
Juin 1987, année du bac. Bien qu’ayant le permis en poche, je n’ai toujours pas le feu vert paternel. De toute façon le voisin-commissaire a déménagé entre-temps depuis 3 ou 4 ans. Un drame familial a aussi détruit sa passion pour le sport mécanique.
Moi, à force de lectures, depuis 1984, je suis en mode Le Mans dès la mi-mai de chaque année. Et pendant que certains se passionnent pour les suédois Stefan Edberg et Mats Wilander, pour Yannick Noah et Henri Leconte ou pour Boris “boom boom” Becker ou Ivan Lendl, chez moi c’est Andretti, Bell, Brundle, Dorchy, Lammers, Pescarolo, Raphanel, Stuck, Warwick, Wollek etc… qui sont mes vedettes. Je vais suivre la victoire de la Porsche #17 à la télévision.
Le bac en poche. “I’M FREE”
Peu importe ce qui sera. En juin 1988, je serai pour la première fois sur le circuit.
Et mieux encore, dans ma promo à l’IUT de Lorient, y’a une petite délégation sarthoise… Ayant appris mon envie XXL, une des “Rillettes” originaire de Ruaudin se propose d’héberger l’expédition de 4 copains décidés à découvrir ce monument de l’automobile. On arrive le mercredi pour la première séance d’essais. Les affaires sont à peine débarquées sur la pelouse du pavillon de Ruaudin qu’on saute dans la R16 (véridique), direction le circuit. Premier contact avec la ligne droite des stands…. et grande claque dans la figure. VLAN. Le bruit. VLAN les couleurs. VLAN, la vitesse. Et RE-VLAN les odeurs. Je suis dans mon jardin. Mes copains sont étonnés que je sache reconnaitre une Porsche, d’une Jaguar, d’une Nissan, d’une Toyata ou une Spice d’une Tiga ou d’une Argo !!! Très vite je sais aussi reconnaitre le coup de turbo (pffuttt, pffutt) lors de la montée des vitesses des Porsche …
Je suis dans mon jardin ! C’est encore plus fort que ce que j’espérais et ce n’est que les essais. Rebelote le jeudi et même accélération du palpitant. Rhaaaaaaaaa qu’est-ce que c’est bon.
Pour la course, la météo est au beau fixe, on pourra dormir sur le circuit. On choisit un endroit entre le Karting et le Raccordement, sur les talus extérieurs, bien en pente pour en rater le moins possible, à 10m à peine de la piste !!! Pendant toute la semaine, j’ai refusé de quitter le muret des tribunes ou la main courante des enceintes générales, au grand dam de mes copains qui voulaient faire les boutiques ou se siffler un peu de jus de houblon…
Et la course. Mon dieu quelle course. J’ai pratiquement appris le GOD SAVE THE QUEEN dans la tribune face aux stands… Quel pied. Avec le bruit, je ne capte pas tous les évènements, tous les changements car on n’entend pas la voie du speaker. Alors régulièrement je demande aux “englishes” qui ont l’oreille collé à un petit poste FM. La BBC commente en intégralité la course. Donc les anglais me donnent les classements et c’est parmi eux que je vais vivre cette première arrivée. Et comble du bonheur, Jaguar ENFIN terrasse PORSCHE. Bin dis-donc pour une première, mon père Hubert, tu fais fort.
Le dimanche soir, serré dans la R15 du copain, on rentre sur Lorient.
Tant que je pourrai, je sais où je serai chaque année lors de cette fameuse 24ème semaine.
En 30 ans, des anecdotes, y’en a eu des bonnes et des mauvaises.
En 1992, j’ai déserté l’armée. Enfin officiellement j’ai oublié de demander une permission de 4 jours à mon maréchal des logis chef !! L’homme généreux m’a couvert parce que 3 mois avant je lui avais dit que j’y serai peu importe les conséquences.
En 1995, je fais la connaissance du patron de FPEE par le biais du boulot. Durant la nuit des 24H, il m’invite dans le stand Courage et dans le motorhome. On se retrouve à manger des pâtes en pleine nuit à coté de Mario Andretti au sortir d’un relais avant de passer dans les mains du kiné. L’Américain est pas trop causant. Il a fait une erreur quelques heures plus tôt et la Courage court après les McLaren plus à l’aise sur le mouillé. J’ai eu l’appareil photo autour du coup pendant tout ce temps et j’ai pas osé faire une seule photo. Ni dans le stand, ni dans le motorhome…. Mais j’ai tout ça gravé dans mon neurone.
En 1996, je me suis fait voler mes clefs de voiture et mon téléphone portable, au moment de l’arrivée en face des stands. Je ne m’en rends pas compte. Je suis avec des amis du Mans. Ce n’est qu’arrivé à la voiture que je découvre le problème… Oups… Heureusement, le portefeuille était dans le sac de l’appareil photo. On fait chemin arrière parking rouge jusqu’à la ligne droite des stands et derrière la tribune Dunlop, une copine ramasse un truc qui brille au sol… C’est un sifflet et au bout il y a mes clefs de voitures. J’ai fait quelques arbitrages de volley au cours de la saison et pour ne pas chercher ce p***** de sifflet, je l’ai accroché sur mon trousseau de clefs. Bin sans cela, je me demande comment j’aurais pu rentrer en Haute Normandie. Je n’ai jamais eu de nouvelles du portable.
En 2000 j’ai pris une prune XXL, pris par la patrouille lors de l’aller…
En 2002, je me suis fait vider la voiture dès le mercredi soir, avec toutes mes affaires dedans (sauf les appareils photos qui étaient avec moi). J’ai plus un slip de rechange. Plus de brosse à dents… alors passage par la casse supermarché mais pas au rayon bière ou whisky. Le retour se fera sans autoradio avec une portière maintenue avec des ficelles !!! Bien long le retour.
J’ai longtemps fait les 24H en solitaire, puis j’ai converti un ami motard qui a partagé mes dix dernières participations.
Depuis 15 ans j’arrive le mercredi matin et je ne quitte Le Mans que le lundi matin.
Avec l’avènement d’Internet, je retrouve chaque année MA TRIBU 24 heures. Après 51 semaines de contacts virtuels, on passe en mode réel pour 5 jours. Grace à des sites comme Endurance Info, Endurance 24, MotorLegend, IMSA.com etc.. je reste maintenant connecté 365 jours sur 365. Avec le temps la passion pour la F1 a littéralement disparu…
J’espère un jour aller aux 6 Heures de Spa et surtout en Floride aux 24H de Daytona ou aux 12H de Sebring. J’aurai adoré faire le Super Sebring cette année IMSA et WEC, quel pied !!
Je collectionne ce que je trouve – dans la limite de mes moyens quand même – sur l’Endurance entre 1980 et aujourd’hui. Malgré un anglais poussif, j’achète quelques livres en anglais sur l’IMSA, Le Mans, Porsche 956-962, Gordon Spice, etc… Les anglais disaient en 1988 que “les 24 Heures du Mans étaient la course la plus célèbre d’Angleterre, dommage qu’elle ait lieu en France” pour dire que la passion du Mans chez nos amis d’outre-manche est XXL.
On trouve pratiquement plus de livres sur les Sport-Prototype dans la langue de Shakespeare (quentin SPURRING, john STARKEY, ian BRIGGS) que dans la langue de Molière (michel BONTE, françois HUREL et bien sûr monsieur jean-marc TEISSEDRE).
Il y a 10 ans environ, à une buvette du village, j’ai rencontré un petit monsieur de + ou – 80 balais, le samedi soir vers 23h. On a fait la causette pendant 2h. Il était tout seul. Il avait garé son Kangoo sur un parking et allait s’y dormir pendant 6 ou 7 heures. Il n’était pas revenu sur le circuit depuis 20 ans. Il trouvait le site très changé, tribunes, village, “forêt” ( !) mais il prenait beaucoup de plaisir. Quand on est reparti chacun de son coté, je me suis dit : je voudrai être comme ça dans 40 piges… libre pendant 4 jours au paradis.
Bin. ça fait 6 pages que je vous bassine… Même au bac de Français, j’ai pas souvenir d’en avoir écrit autant. Et pourtant on n’a même pas parlé de photos, ni du duvet de 1989 et d’encore mois des 12624 anecdotes.
Merci parce que grâce à votre article dans EI, je suis encore rentré dans le fin fond de ma bulle 24. Celle qui correspond tellement bien.
Encore quelques dodos et je serai de retour à Rillett’Land !!!
Allez, ce soir on se couche tôt. On ferme les yeux. On est appuyé contre le petit muret à la sortie du S de la Forêt. On entend la Mazda 787B de 1991 qui doit être en train d’en finir avec la ligne droite des stands et qui s’attaque à la chicane avant la passerelle Dunlop. En face, les odeurs de merguez vous rappelle qu’on doit pas être loin de treize heure et qu’il reste plus que 3 heures de course…. Et rien n’est joué entre Mercedes et Mazda !!!
Comme tous les soirs, je m’endors au pays -pas si imaginaire- de Rillet’Land. Chutttttt