Avant que vous nous posiez la question, c’est bien Laurent Gaudin, le manager général Blancpain GT Series Endurance et des Total 24 Heures de Spa qui nous a fait part aujourd’hui-même de son histoire avec les 24 Heures du Mans. On oppose souvent (à tort car les produits sont différents) SRO et ACO mais beaucoup de choses ramènent les passionnés vers Le Mans.
Le Mans fut à l’origine du choix de ma carrière professionnelle….
J’ai toujours eu par rapport aux 24 Heures du Mans une fascination certaine…. et une fascination qui un soir au Tertre Rouge m’a poussé à dire : « un jour je serais de l’autre coté… »
L’histoire est simple, ma famille étant plongée dans les chevaux de course jusqu’au cou, il y avait dans le cadre des 24 Heures une réunion hippique, l’hippodrome était accessible par les Hunaudières. Il n’était pas rare que nous y participions. Donc, la famille se réunissait et on enchainait sur les essais du jeudi soir…
Mes premières 24 Heures, c’était en 1980 avec la victoire de Jean Rondeau…
J’aimais le Mans parce qu’il y avait une diversité incroyable de voitures, on pouvait voir se côtoyer les Porsche 936 officielles et les petits préparateurs comme celui qui engageait une 928S.
C’était un mélanges des genres, de budget, de niveaux de pilotages ou de préparation. Une magie qu’il faut bien dire on ne retrouve hélas plus du tout aujourd’hui.
Je nourrissais une grande passion pour toutes ces voitures qui ne pouvaient pas gagner, des voitures hors normes, des voitures que l’histoire à oublié. Ainsi au début des années 80, on retrouvait sur la piste des protos, des IMSA et différents groupes. J’aimais suivre les Porsche 924, 944, 928, 934, mais aussi les Camaro et surtout les BB512, les Lancia Beta Monte Carlo….
La 935 était un monstre. J’avais aussi été bluffé par la reconstruction d’une 917, en 1981 si ma mémoire est bonne. A l’époque, on pouvait faire beaucoup de choses au Mans.
Il y avait un aspect particulier des 24 Heures. C’était là que les constructeurs français se heurtaient aux usines. Il y avait aussi les WM Peugeot, les Rondeau, les Cougar, les De Cadenet, puis dans les années 90 les Venturi ou les Alpine. Il ne faut pas oublier bien entendu les Peugeot, dont celle de mon collègue et cible favorite Eric Hélary.
Pour la plupart des lecteurs, j’imagine que ces marques ne veulent rien dire mais allez sur le web pour lire des histoires fascinantes. A cette époque, le sport automobile était politiquement correct et une fois encore la diversité des formes, des couleurs et des sons étaient exceptionnelles.
En 1988, j’ai sauté le pas. Je travaillais alors pour Promocourse International, la boite de jean François Rageys qui avait le vent en poupe et disposait d’une logistique de communication exceptionnelle pour l’époque. Elle avait été choisie par Jaguar Silk Cut. Ce fut donc mes premières 24 Heures dans les coulisses. C’était encore plus dingue, la dimension humaine et les moyens étaient incroyables et j’arborais avec fierté le blouson Jaguar. On avait gagné cette année-là !
J’ai refait l’épreuve en 89 toujours chez Jaguar, puis chez Honda en 1994 toujours dans la communication chez Promocourse.
J’ai ensuite intégré la FFSA et j’ai été chargé par le président Régis de monter l’opération Chrysler Viper Equipe de France avec entre autres mon compère du moment Christophe Passier. Cette semaine fut pour le moins agitée avec le montage de l’opération, mais aussi l’inauguration de la Filière FFSA. L’expérience fut hélas de courte durée et même de très courte durée….puisque la Viper a été prise dans un orage. La Viper bleue blanche et rouge ne fera pas plus d’un tour….
Je me souviens être assis à coté du Président dans le camion de la FFSA et de lui dire 3 minutes après le départ : “Président la voiture est dehors c’est terminé. Un grand moment de solitude.
Surpis par un orage qui avait rendu la piste tres glissante, David Terrien n’avait pu éviter les voitures en perdition avant de percuter le rail et d’essayer de rentrer sur 3 roues, et ce contre l’avis des commissaires. Il s’était planté dans le bac à l’entrée des stands pendant plus de 45 minutes. Nous hurlions derrière les rails pour l’aider. Il a rejoint le stand et les mécaniciens de ORECA se sont précipités pour désosser la voiture. J’avais été promu ramasseur des kilos de graviers que l’américaine avait stocké dans sa carrosserie composite. Après 30 minutes, je me souviens là encore du geste de Hugues de Chaunac à qui l’ingénieur indiquait que le châssis était trop touché pour repartir.
Une chape de plomb c’est lors abattu sur le team et la FFSA. Il a fallu fermer le rideau et je dois bien avouer que c’était une expérience humaine difficile…
Ce fut ma dernière participation aux 24 Heures et j’étais désormais de l’autre côté de la barrière. Invité à de nombreuses reprises, j’ai toujours refusé car faire le touriste n’est pas dans mon caractère. J’ai aussi suivi la course à la TV….ou la légende est d’ailleurs plus ou moins bien traitée. J’ai aimé la phase GT1 bien sûr, de même que le retour des Alpine de Philippe Sinault pour lequel j’ai le même respect que Jean Rondeau ou Yves Courage.
En attendant que peut-être un jour je revienne aux 24 Heures, je me promène souvent dans ma mémoire dans les anciens stands, le village aux odeurs de frites et de saucisses, près du motel des pilotes ou à la messe au Virage de La Chapelle le dimanche matin. Je revois entres autres les Américains avec leur Nissan 300 ZX ou les voitures stock cars . Les japonaises et les Mazda RX7, les Italiens et leur Ferrari 333 SP, les Allemands et leurs différentes versions de Porsche, les Anglais avec leurs Lotus ou leur Bentley. Autant de technologies et d’horizons différents…