On peut répondre à la question posée dans le titre dès la première phrase en vous disant que non les consignes d’équipe ne font pas partie du sport. Modifier artificiellement le déroulé d’une course est stratégique mais n’a rien de sportif. Le dossier est remis sur la table après que Porsche LMP Team n’ait jamais caché son intention de figer les positions depuis le stand. On l’a vu à Fuji en 2015, puis plus récemment lors des trois derniers rendez-vous FIA WEC, dont le week-end dernier à Austin. Les consignes restent une tactique sportive.
Le principe même de tout sport est d’être le meilleur et de battre son adversaire le plus loyalement possible. C’est le cas en sport automobile où vous êtes là pour monter sur la plus haute marche du podium, mais aussi pour obéir aux ordres de votre supérieur sans broncher quand on vous le demande.
Les 6 Heures de COTA ont vu une nouvelle fois la mise en application des consignes d’équipe. La Porsche #1 s’en allait vers un premier succès de l’année au Texas, mais on a demandé à la #2, mieux placée au championnat, de prendre la tête à quelques tours de l’arrivée pour compter finalement 0.276s d’avance sous le damier. Cela fait trois courses consécutives que le trio de la #1 doit se contenter d’une 2e place. De quoi faire rager les fans d’une discipline qui a pour objectif de donner le meilleur de soi-même jusqu’à l’arrivée.
Contrairement à d’autres disciplines où on élude le sujet, Porsche LMP Team assume clairement son choix, comme l’avait expliqué à Mexico Andreas Seidl, team principal de Porsche : “C’est un sport d’équipe indépendamment des positions. Il a toujours été clair que la priorité était donnée au championnat et nous continuerons à agir de la sorte. Je ferai tout ce qu’il est possible de faire sous ma responsabilité dans la limite réglementaire pour nous assurer les deux championnats.” Au moins les choses sont claires…
Inutile tout de même de faire les vierges effarouchées car les consignes d’équipe existent jusqu’en Formule 1. Est-ce que le règlement interdit les consignes d’équipe ? La réponse est non. Est-ce que les consignes d’équipes sont critiquables ? La réponse est oui. Ces consignes existent pourtant depuis la nuit des temps. Ferrari a pris en son temps une amende de 100 000 euros pour avoir eu recours à ces consignes. Toto Wolff, patron de Mercedes F1, a tranché en juin dernier en laissant ses pilotes s’exprimer.
Avec seulement deux constructeurs LM P1 en piste cette année et une nette domination de Porsche depuis Le Mans, les courses deviennent plutôt ennuyeuses. Si au moins Porsche laissait s’exprimer ses pilotes, cela rajouterait du piment. C’est un peu comme si un arrière droit au football s’interdisait de marquer un but alors qu’il n’est pas attaquant. A contrario, Andreas Seidl a forcément des comptes à rendre et on le voit mal aller s’expliquer devant le Board de Porsche qu’il n’a pas tranché quand il en avait l’occasion si Porsche devait perdre le titre. Imaginez aussi que les deux Porsche s’accrochent et que le titre s’envole. Pas sûr que les gens aient le même discours. Il y a donc deux poids et deux mesures.
A Austin, les pilotes Ferrari n’ont pas entendu parler de consignes d’équipe en s’échangeant les positions à plusieurs reprises sans la moindre concession. Du racing ! Voilà ce qu’on veut et ce qu’on demande. On doit déjà faire face à un nivellement des performances dans une catégorie GTE pourtant emmenée par les constructeurs. Dépenser autant d’argent pour développer la meilleure auto possible avant de se voir museler a de quoi faire pester. Chaque constructeur connaît pourtant le postulat de départ.
Au-delà des consignes d’équipe, depuis que Porsche a annoncé son départ précipité du LM P1, la cote de la marque allemande a du plomb dans l’aile parmi les fans. Même si la présence de Porsche a été bien plus courte que celle d’Audi, on doute fortement que l’accueil à Bahrain soit le même qu’en 2016 lors du départ d’Audi. Porsche, marque sportive prestigieuse s’il en est, qui quitte son terrain de jeu favori pour rejoindre un championnat électrique. Ce départ prématuré a obligé le championnat à revoir ses plans futurs dans l’urgence. On ne peut pas dire que l’épilogue 2016 ait été bien vu en mettant sur la touche Marc Lieb et Romain Dumas, pourtant vainqueurs des 24 Heures du Mans et tous deux ‘World Champions’. Quand on pense à ce que les deux ont apporté à la marque. Porsche a regretté l’absence de concurrence, sauf que vu le budget dépensé, personne n’avait les reins assez solides pour venir en affrontement direct.
Quand vous payez votre baquet, vous avez de quoi contester les consignes d’équipe. C’est moins le cas quand vous êtes payé même si on en connaît qui n’ont eu que faire des ordres. Comment leur en vouloir ? En cyclisme, il est clairement établi que vous devez tout faire pour protéger votre leader et même vous sacrifier en montagne s’il le faut. Idem au Dakar si vous avez le rôle de porteur d’eau. Par chance, on ne nous a pas dit en début d’année que la #1 devait soutenir la #2.
Vaillante Rebellion n’a eu que faire des consignes d’équipe sachant que le team anglo-suisse joue le titre LM P2. Les deux ORECA 07 ont terminé 2e et 3e avec un écart de 3.7s et il aurait été très facile de faire la même chose que Porsche, c’est-à-dire d’inverser les positions pour ramener 3 points de plus au championnat à l’équipage de la #31, mieux placé au général.
Interdire les consignes d’équipe reste compliqué car il y a tant de moyens pour faire ralentir une voiture. Si vous embauchez un pilote pour ses compétences, c’est que vous avez confiance dans son talent, alors laissez-le s’exprimer et que le meilleur gagne…