Les Total 24 Heures de Spa resteront à coup sûr dans les annales, et ce pour plusieurs raisons. Entre une édition automnale, l’absence de public et une course palpitante jusqu’au damier, 2020 restera un grand cru sur la piste. En revanche, on ne sait pas quel crédit donner aux chronos réalisés en essais avec des pilotes autorisés à sortir des limites de la piste comme ils le souhaitaient. Les limites de la piste restent un cancer du sport auto. Explications…
Dès les essais, il était prévu que seul le virage 3 (Raidillon) soit contrôlé avec un vibreur comme partie intégrante de la piste. Le plan initial était de pénaliser de 2 secondes chaque sortie des limites, le reste du circuit étant placé en ‘open bar’. Sans public et sans retransmission télévisée, les essais libres n’ont pas fait polémique. En revanche, dès les essais pré-qualificatifs, tout le monde a bien pris conscience de la situation avec une séance digne d’un jeu vidéo. C’était à celui qui se rapprochait le plus des murs pour gagner du temps.
En agissant de la sorte, tout était faussé : la longueur du circuit, la BOP, les chronos. Pire, on a frôlé le drame lors des essais de nuit quand Dries Vanthoor s’est retrouvé au ralenti en bord de piste avec une Lamborghini qui est passée pleine balle sur sa droite. Le joker était utilisé.
Le matin de la course, la direction de course a informé les concurrents que les pilotes allaient devoir respecter les limites de la piste, que 12 personnes supplémentaires avaient été appelées pour surveiller et pénaliser les contrevenants. Avec une majorité de course disputée de nuit sur un circuit éclairé partiellement, pas simple de surveiller. Finalement, très peu de pénalités ont été infligées pour le non-respect des limites de la piste. Il faut aussi penser aux pilotes en slicks sur une piste très glissante qui ont certainement eu plus de mal à rester entre les lignes.
Cela fait des années que ce problème des limites de la piste gangrène le sport auto à cause de la Formule 1. Combien de virages historiques ont été défigurés ? La tendance est d’avoir des dégagements asphaltés qui font penser à tout sauf à un circuit. On a beaucoup parlé de Spa le week-end dernier mais il ne faut pas oublier qu’au même moment en Formule 1 à Portimao, 125 chronos ont été annulés lors des essais du vendredi pour non-respect des limites de la piste. Le tracé portugais est arrivé en cours d’année pour recevoir la F1 à cause de la situation sanitaire.
Si vous donnez un peu d’air aux pilotes, ils vont prendre tout ce qu’ils peuvent. C’est comme si vous dites à un enfant de 8 ans : ‘tu vois le bocal de bonbons, tu peux en prendre deux par jour, pas un de plus.’ Il va vous dire oui et au final il va en prendre quatre dès le premier jour. Un autre exemple ? Sur une autoroute limitée à 130 km/h, combien mettent le régulateur de vitesse à 130 km/h ? Soyons honnête, 80% le mettent à 135 km/h. 5 km/h en plus, c’est toujours ça de pris et ni vu ni connu…
Avant de taper sur les directeurs de course, il faudrait déjà aller voir les fédérations qui ont demandé tous ces aménagements asphaltés pour la F1. La F1 demande de l’asphalte et la moto des graviers. Spa en est l’exemple parfait avec de nouveaux travaux pour permettre le retour de la moto. Cinq virages vont avoir droit à des bacs : La Source, le Raidillon, Blanchimont, Les Combes et Stavelot. Les normes pour l’auto et la moto sont différentes, ce que l’on peut comprendre.
Une fois qu’on a dit cela, on ne règle pas les limites de la piste sur tous les circuits, notamment le Paul Ricard où les pénalités sont nombreuses. En 2020, on est capable d’avoir plus de 2000 satellites en orbite mais pas de contrôler des voitures qui sortent de la piste. La question est de savoir si on veut se donner la peine de trouver une solution. La réponse est non ! Différentes actions ont été menées à ce sujet mais aucune n’est vraiment sortie du chapeau. Pourtant, on sait contrôler le conducteur qui sur la route a mis son régulateur à 140 km/h au lieu de 130. Le système de caméras en place à Magny-Cours semble fonctionner. Est-ce que l’on peut mettre des capteurs dans le sol pour mieux contrôler ?
En attendant, les circuits ont mis des pansements avec des vibreurs et des ‘bananes’ très cassantes pour les voitures sans pour autant régler le problème. Contrôler les limites de la piste à l’oeil est assez subjectif surtout sur une course de 24 heures disputée majoritairement de nuit. Toutes les infractions n’ont pas pu être constatées.
Les images des essais des Total 24 Heures de Spa ont plus fait penser à un jeu vidéo où tout était permis mais là pas de remise à zéro. Des pilotes nous ont confié avoir respecté autant que possible les limites de la piste mais les chronos étaient évidemment loin de ceux des hommes de tête.
On a fait rouler des Group C dans les rues de Miami, des LMP1 dans les rues d’Adelaide et des GT1 à San Luis. Des circuits que la génération Z ne connaîtra pas. Les circuits américains, en mettant COTA de côté, ont encore un vrai cachet d’authenticité et qui ne laissent pas place à la moindre sortie des limites de la piste sous peine de terminer dans le mur. Pour en revenir à Spa, passer le Raidillon soudé reste un exercice réservé aux mecs qui en ont dans la combinaison, limite de la piste ou pas.
Et le non-respect des drapeaux bleus pour rester dans le tour du leader, on en parle ?