Le rapprochement des championnats DTM et SUPER GT pourrait bien à terme devenir un Championnat du Monde, qu’il soit labellisé FIA ou pas. Le seul pilote qui connaît parfaitement les deux séries est Loïc Duval. De 2006 à 2012, le Français a écumé les pelotons du SUPER GT et Super Formula avec deux titres à la clé au pays du soleil levant. Depuis 2017, on retrouve le pilote officiel Audi en DTM. Entre l’Allemagne et le Japon, le cœur du Champion du Monde d’Endurance de la FIA balance. Le Chartrain était du déplacement sur les deux exhibitions mises en place à Hockenheim et Motegi.
On dit souvent que les courses de SUPER GT sont souvent plus douces qu’en Europe. C’est aussi votre avis ?
« Au Japon, les courses sont généralement très, très serrées. En Europe, il n’est pas rare que vous touchiez la voiture de votre rival dans une bataille portière contre portière et en dépassant. Ce type de course avec contact est par tradition interdit au Japon. Si vous le faites, vous serez de toute façon pénalisé dans la majorité des cas. Cela rend les courses de SUPER GT différentes, mais pas forcément plus tranquilles. C’est peut-être la meilleure façon de dire : au Japon, la course est plus douce qu’en Europe. »
Les circuits sont différents de l’Europe ?
« Les pistes japonaises sont différentes de ce que l’on peut connaître en Europe. A l’exception de Fuji, elles sont construites selon une méthode assez ancienne. Dans la majorité des cas, les zones de dégagement sont moins nombreuses et plus étroites qu’en Europe. De plus, contrairement à l’Europe, ils ne sont pas asphaltés, mais en gazon ou avec des graviers. Dès qu’un pilote est trop rapide dans un secteur, il risque d’endommager sa voiture bien plus au Japon. Pour être plus clair, le pilote paie très cher des erreurs de conduite et cela coûte cher, voire même très cher. »
L’adaptation à la culture japonaise est facile ?
« Être pilote de course ou n’importe quel autre type de travail provoque un choc culturel pour un Européen qui va travailler au Japon. La barrière de la langue est problématique car peu de japonais parlent anglais, et encore moins le français, l’allemand ou d’autres langues européennes. Pourquoi n’ai-je pas appris le japonais ? Parce que cela aurait signifié devoir suivre des cours régulièrement durant une longue période et je n’avais tout simplement pas le temps. Lorsque j’ai débuté au Japon, j’échangeais quelques mots d’anglais avec les équipes en Super Formula et SUPER GT. Nous avons aussi souvent parlé avec nos mains et nos pieds. Les choses ont fonctionné car les Japonais sont d’une bonne aide quand il s’agit d’échanger avec des étrangers. Ils veulent vous comprendre et que vous vous sentiez à l’aise. A cet égard, comme dans beaucoup d’autres domaines, ils sont absolument perfectionnistes. Dans une équipe de course, si vous rencontrez des problèmes avec la voiture, on vous posera des questions jusqu’à ce que la compréhension soit parfaite jusqu’au moindre détail afin de trouver une solution. Pour les pilotes japonais venant courir en Europe, la situation n’est pas certainement pas évidente non plus. »
Les fans sont eux aussi exceptionnels…
« Je ne vis plus au Japon depuis 2012 et je m’y rends une fois ou deux par an. Cette année, j’ai assisté au GP de Formule 1 pour une chaîne de télévision française. Dès l’entrée du circuit, les fans m’ont reconnu. Ils m’ont demandé beaucoup d’autographes, de signer des photos de l’époque où j’étais champion de Super Formula et de SUPER GT au Japon. A Suzuka, il y avait même une tribune où les spectateurs brandissaient une banderole à mon nom en m’encourageant. Les Japonais sont sans aucun doute les meilleurs fans de sport automobile au monde. Ils sont très nombreux et il faut se frayer un chemin à travers d’importants groupes de fans. Il est bon d’être apprécié pour le travail que vous faites. Dès que vous rencontrez les fans en dehors du circuit, ils respectent votre vie privée et ils ne vous dérangeront pas. C’est de cette façon qu’ils traitent tous les pilotes, même les superstars comme Fernando Alonso ou Lewis Hamilton. »
La culture japonaise est tout de même spéciale…
« J’ai immédiatement aimé la culture japonaise. Avant de venir au Japon, je connaissais très peu le monde asiatique et j’étais sceptique. Mais le Japon a été une surprise totalement positive : propreté, ponctualité, gestes amicaux. J’ai d’abord vécu un an à Gotemba, près du Mont Fuji, puis cinq ans à Tokyo. Ce qui m’a particulièrement impressionné en tant que Français amateur de bonne cuisine, c’est le fait qu’aucune ville n’a plus de restaurants étoilés Michelin que Tokyo. J’ai passé beaucoup de temps avec André Lotterer qui a vécu au Japon à Tokyo pendant de nombreuses années. Il a aussi beaucoup apprécié son séjour au Japon. Voyager au pays du soleil levant est une autre expérience particulière pour moi car c’est nettement plus facile que de voyager en Europe. Les trains par exemple : les gares, les quais, les heures de départ et le prix des billets restent inchangés pendant de très nombreuses années. Donc, en tant qu’étranger, vous pouvez facilement trouver votre chemin et vous sentir en sécurité. De plus, au Japon, tout le monde est ponctuel, vraiment ponctuel. »
Il faut aussi s’accoutumer aux tremblements de terre…
« Quelqu’un comme moi qui vient du centre de la France ne connaît les tremblements de terre qu’à la télévision. Lorsque j’ai vécu mon premier tremblement de terre au Japon, j’ai été totalement choqué. Mes ingénieurs et mécaniciens m’ont dit : « oui c’est un tremblement de terre, et alors ? » Et ils ont poursuivi leurs activités dans le garage d’une manière normale. Pour les Japonais, il est normal que leurs bâtiments tremblent de temps en temps. Cependant, le grand tremblement de terre de 2011, au cours duquel beaucoup de personnes ont été tuées et la centrale nucléaire de Fukushima gravement endommagée, reste mon souvenir le plus terrifiant au Japon. Ma femme, qui était enceinte, et moi-même étions au milieu de la rue quand cela a débuté. Nous ne pouvions plus entendre que les sifflements des câbles électriques arrachés qui percutaient les poteaux. Durant un instant, j’ai pensé que le sol s’arrachait sous nos pieds. Après cela, nous avons abandonné notre appartement à Tokyo pour déménager en Europe. »
Vous êtes forcément ravi de ce rapprochement entre DTM et SUPER GT…
« Je suis extrêmement enthousiaste par les deux courses communes en 2019. Ce sera vraiment cool, surtout au Japon. Je peux déjà promettre à tous mes collègues du DTM que ce sera génial, une nouvelle expérience vraiment extraordinaire. Et inversement, cela s’appliquera à tous les pilotes japonais de SUPER GT qui se rendront en Europe pour la première fois en 2019. »