Italien né en Normandie, Lucien Monté fait partie des figures incontournables des différents paddocks à travers le monde. L’un des premiers compagnons de route de Jean Rondeau possède une expérience colossale du sport automobile. A 64 ans, Lucien Monté reste très actif avec un poste de délégué technique chez Renault Sport, sans oublier un rôle dans le tout nouveau championnat FRD LMP3 Series en Chine. Le Sarthois d’adoption a remonté le temps avec nous sur sa carrière en sport automobile.
Comment a débuté l’aventure ?
“Mes parents sont arrivés en France en 1929 et ils se sont arrêtés en Normandie à Saint-Lô. Pierre Yver, qui compte 22 départs au Mans, m’a mis le pied à l’étrier. Il a fait passer une annonce dans le magazine Echappement. Pierre cherchait un mécanicien pour la fin de saison 1974. A cette époque, je travaillais au Port de Caen. Le 6 septembre 1974, je suis allé le retrouver en autostop à Monza pour la Formule Renault Europe. Il y a eu ensuite le Trophée British Leyland où roulait Jean Rondeau.”
C’est de là qu’est partie l’aventure avec Jean Rondeau ?
“Je l’ai rencontré par ce biais. En juillet 1975, Jean est venu à Saint-Lô où il a pris toutes les mesures de la Martini MK14. Il s’est inspiré des dimensions pour son premier prototype. Jean cherchait du personnel pour l’accompagner dans cette formidable aventure qui n’en n’était qu’à ses balbutiements. Le début s’est fait via une association où étaient présents le père, le grand-père et l’oncle de Vincent Beaumesnil, l’actuel directeur des sports de l’ACO. Le père de Vincent connaissait du monde et c’est ainsi que Jean a fait la connaissance de Charles James qui dirigeait les papiers peints Inaltera.”
Les débuts de l’histoire Inaltera restent un grand moment ?
“C’était un magnifique challenge. Nous sommes arrivés aux 24 Heures du Mans 1976 avec un prototype qui portait le nom du commanditaire principal. C’était quelque chose de révolutionnaire. Certains médias ne voulaient pas citer le nom de l’auto car ils trouvaient que cela s’apparentait à de la publicité gratuite. Il a fallu tout faire, du dessin à la conception. Par chance, nous avions Henri Pescarolo et Jean-Pierre Beltoise au volant. Difficile de rêver meilleur équipage pour débuter dans le grand bain du Mans. Pour la petite histoire, les moteurs du Mans étaient ramenés chez Williams pour être utilisés en F1.”
L’époque était totalement différente de ce que l’on voit aujourd’hui…
“Il n’y avait pas de championnat. Seul Le Mans était au programme de l’année, ce qui interdisait de se louper. En 1977, nous sommes allés à Daytona pour les 24 Heures qui se sont avérées être une catastrophe. L’année suivante, nous sommes tous bénévoles pour construire la M378/SKF. Je travaillais à l’Institut Français du Pétrole à Paris et je revenais chaque week-end au Mans. On se battait contre la WM dans la catégorie GTP et nous avons gagné la classe avant de s’imposer deux ans plus tard.”
En 1980, l’année de la victoire, il y a eu un bel accueil au plus haut niveau de l’Etat…
“Nous étions huit et les huit ont été reçus par le président Giscard d’Estaing à l’Elysée. Joël Le Theule, originaire de Sablé-sur-Sarthe, était à l’époque ministre des Transports. Il a beaucoup aidé Jean. Nous avons même été reçus à la Garden Party de l’Elysée. En 1980, il y avait des primes, de l’ordre de 22 millions de centimes avec un classement tous les six heures. Rondeau a gagné Le Mans mais il n’avait rien à vendre. Contrairement à Porsche, on ne vendait rien, et ce même si on avait décroché le titre mondial en 1982 avec la M382.”
La suite a été plus compliquée ?
“En 1983, les Concessionnaires Ford nous ont soutenu mais le choix du 3.9 litres était une erreur. Ils ont tous cassé. Les deux dernières participations de Jean n’étaient pas sur ses propres voitures mais bien sur une Porsche 962C et une WM. Jean était pressenti pour faire rouler les Lancia Martini. Des discussions ont eu lieu avec Cesare Fiorio mais le projet a capoté. Jean avait cette force de fédérer en prenant le meilleur de chacun.”
Le Mans vous a vite séduit ?
“J’ai déjà été séduit par le fait de passer de table à dessin à l’atelier pour la mise en pratique. Jean m’a envoyé en formation dans différents endroits. Je m’occupais de la boîte de vitesses et des portes moyeux. Avant de venir au Mans, cette course n’était pas si mythique que cela pour moi. J’étais plus marqué par Jacky Ickx qu’Henri Pescarolo. J’étais venu une seule fois en spectateur en 1970 et j’avais trouvé ça ennuyant (rire).”
Après l’épopée Rondeau, il a fallu trouver d’autres challenges…
“Il y a eu ensuite l’aventure France Proto Team en Championnat du Monde d’Endurance avec Pescarolo, Ferté, Thuner et Copelli. Ensuite, Max Welti a fait appel à mes services pour rejoindre le programme Sauber. En course, je m’occupais de la roue arrière droite sur l’auto de Schlesser/Baldi, mais aussi du train arrière droit. J’ai retrouvé la même ambiance que chez Rondeau. Peter Sauber était un petit constructeur, un peu à l’image de Jean Rondeau. J’ai disputé Le Mans en 1991 mais l’auto a abandonné après 21 heures.”
Vous avez officié dans d’autres équipes ?
“Il y a eu Venturi grâce à Stéphane Ratel, Bugatti, Synergie avec l’engagement des premières Dodge Viper, Del Bello, Alpa avec Nicolas Minassian, Graff, l’Argo avec Jean-Luc Roy, Larbre Compétition, Courage Compétition, ROC, SMG, Paul Belmondo Racing, PSI Experience, Trading Performance, Hope Pole Vision, Agusta.”
Donc toutes les années depuis 1976 ?
“Je n’étais pas présent en 2011 et ce sera également le cas cette année.”
Pourquoi ne pas avoir monté votre propre structure ?
“Il faut beaucoup de budget pour cela. Monter une équipe tout seul n’a aucun sens. Il faut être plusieurs. C’est ce que nous a inculqué Jean Rondeau…”