Il parait qu’au XXIe siècle, on ne roule plus sur circuit sous l’eau. C’est du moins l’avis de fans qui souhaiteraient qu’on roule coûte que coûte. Est-ce que les choses évoluent dans le bon sens ? Les avis sont partagés. Dans les années 80/90, un artisan pouvait construire son prototype, le mettre sur la piste et tenter l’aventure des 24 Heures du Mans. Cette époque est révolue tout comme celle où on laissait les pilotes s’exprimer en piste, et ce peu importe les conditions météorologiques.
Marc Rostan, 12 participations aux 24 Heures du Mans, était le week-end dernier aux 24 Heures de Spa sur la BMW M6 GT3/Boutsen Ginion Racing. En 1995, le Parisien pilotait sous la pluie une WR. Malgré un abandon précoce sur sortie de piste de sa WR, Marc Rostan garde le souvenir d’une édition 1995 pour le moins compliquée. De quoi faire avec lui une comparaison avec “l’ancien temps” même si, à 55 ans, Marc Rostan est loin de faire partie des anciens combattants des circuits.
Quel est votre regard sur la sortie du drapeau rouge à Spa ?
“Je devais prendre mon relais juste avant la sortie du drapeau rouge, ce qui fait que je ne n’étais pas en piste dans les pires conditions. Sur le principe, un drapeau rouge pour cause de pluie me choque un peu. J’ai le souvenir d’une course à Silverstone en LMP2 où je ne pouvais pas suivre le safety-car. C’est la première fois en 32 ans de compétition que je vois une course à laquelle je participe interrompue par la pluie.”
Vous comprenez tout de même la décision ?
“Je suis mitigé. Si c’est pour éviter d’envoyer des pilotes au casse pipe, alors ok. La casse coûte beaucoup d’argent. Sur le plan sportif, c’est dommage. On sait de toute façon qu’à Spa il y a de l’eau. Maintenant, dès qu’il y a quelque chose, on sort le safety-car. On a généré une nouvelle ère de sport automobile. Les aléas de la météo font partie du charme de la course. Pour notre équipage, on faisait la course à l’arrière en passant notre temps à remonter et là, la remontée a été entachée.”
Les 24 Heures de Spa restent une épreuve à part ?
“SRO est victime de son succès et ça me plaît. Les enjeux montent, les constructeurs ne sont pas là pour faire de la figuration. Spa reste la seule épreuve en Europe où le public peut approcher les autos sur une course avec un niveau de compétitivité très élevé.”
Est-ce que les Am ont encore leur place à Spa ?
“Oui même si tout dépend du Am. Un Am qui a beaucoup d’argent et qui vient s’amuser ne va pas prendre de plaisir. En revanche, un Am qui a débuté sa carrière il y a longtemps, qui a pu être dans le passé un semi-pro, va prendre du plaisir. Ce qui ne va pas, ce sont les Silver qui sont de faux Am. Pour un Am, pouvoir se situer face aux Pros est vraiment sympa.”
Cette édition vous a rappelé Le Mans 1995 ?
“Il a plu quasiment toute la course. Avec la WR, on ne voyait rien à 300 km/h. Il y avait un mur d’eau. Dans les Hunaudières, tu levais le pied quand tu entendais le moteur des McLaren qui diminuait au freinage. Là, tu te demandes ce que tu fais là mais personne ne voulait arrêter la course. A l’époque, on ne sortait le safety-car que pour un accident. Si en 1995 un pilote n’a pas eu peur à un moment ou à un autre, qu’on me le présente.”
Il n’y a plus de danger en sport auto ?
“Avant que tout le monde casse tout, on préfère arrêter, ce qui sur le fond n’est pas idiot. Cependant, le sport automobile doit garder son côté danger. Il y a toujours le pour et le contre sachant que le but n’est pas de tuer quelqu’un. Avant, on se foutait du spectacle en dehors de la course. Maintenant, on veut que ce soit une fête. Les codes ont changé. Ce drapeau rouge ne m’a pas vraiment surpris. On ne peut pas nier que personne ne prend de plaisir à rouler dans ces conditions mais l’après-course laisse un goût amer.”
Est-ce que les voitures actuelles sont faites pour rouler dans de telles conditions ?
“Les autos sont toutes très proches, le spectacle est génial en piste. Il y a de plus en plus d’aéro sur les voitures, ce qui fait qu’elles ne sont pas vraiment adaptées pour la pluie. La question à se poser est de savoir si on veut garder le sport auto tel qu’il est. Soit on ne s’occupe pas de la météo et on roule, soit on fait comme en NASCAR et on ne roule pas quand il pleut. Quelle que soit la décision, il y aura des pour et des contre.”
Selon vous, une course de 24 heures doit durer 24 heures ?
“Je suis d’accord avec les propos de Romain Dumas sur le sujet. Une course de 24 heures doit durer 24 heures. La nouvelle génération n’est pas dans le même moule. Ce n’est pas un problème de sport auto mais bien de génération. Les autos sont de plus en plus faciles à piloter. Si tu as du talent, tu n’as pas besoin de t’acharner à travailler.”
Vous avez rencontré des soucis en piste dans le trafic ?
“Personnellement, je ne tiens pas compte de la règle comme quoi si un Pro touche un Am, c’est le Pro qui est pénalisé. C’est trop facile… Là aussi, c’est une question de génération. Mon souci en piste n’est pas avec les Pros qui dans l’ensemble respectent bien les Am. Ce n’est pas forcément le cas de pilotes Silver qui veulent à tout prix se montrer. Certains Silver ont la pression de montrer qu’ils sont rapides. Je ne comprends pas qu’on mette Pro-Am ou Am sur les autos. En Pro-Am, le pilote qui est derrière ne sait pas tout de suite si c’est le Pro ou le Am dans la voiture. En Am, on sait que c’est un gentleman au volant. Dès qu’on est rattrapé, on se prend de suite les appels de feux à répétition, ce qui n’est pas spécialement agréable.”