Une fois la Ford GT dans sa version GT3 bien en place (lien), Martin Bartek avait des ambitions bien plus élevées pour la GT américaine. Le 6 avril 2009, le patron de Matech Concepts levait le voile sur la Ford GT GT1 au Paul Ricard en compagnie de Stéphane Ratel. L’homme d’affaires suisse a été le premier (avec Nissan) à rejoindre le nouveau championnat World GT1 qui allait débuter en 2010.
La saison 2009 servait de mise au point de l’auto qui débutait en compétition à Silverstone avec Thomas Mutsch et Thomas Biagi sur une Ford/Matech, la seconde étant alignée par Marc VDS Racing Team pour Bas Leinders et Renaud Kuppens. Les débuts étaient prometteurs avec une 8e et une 10e place dès le meeting britannique. Marc VDS est rentré à quatre reprises dans les points et Matech GT Racing deux fois.
Avec le lancement du World GT1 en 2010, Martin Bartek voulait être prêt à affronter la concurrence. “Matech GT Racing est un team privé qui dispose de moyens limités”, confiait Martin Bartek à Endurance-Info en avril 2010. “La Ford GT GT1 est née en moins de deux mois et notre but était d’apprendre en 2009 face aux GT1 d’ancienne génération. Nous avons roulé avec une simple extrapolation du modèle GT3. L’auto était sous-motorisée et seul le châssis était extraordinaire. Nos ingénieurs ont travaillé trois mois pour faire évoluer l’auto. A un moment, il a fallu arrêter les recherches car cela ne servait plus à rien compte tenu de la BOP. A l’automne, les moules ont été produits d’après tout le travail fait par ordinateur. Tout ceci n’aurait pu être possible sans le travail aéro de Enrique Scalabroni, qui a notamment travaillé pour Ferrari F1. Les moteurs viennent quant à eux directement de chez Roush. Notre nouvelle auto est bien au niveau du Cx et nous avons fait divers tests en soufflerie ainsi que des tests CFD pour analyser les fluides aéro.”
Pour la première saison du World GT1, Matech GT Racing a fait rouler des pilotes de la trempe de Romain Grosjean, Richard Westbrook, Nicolas Prost, Nicolas Armindo, Neel Jani et Thomas Mutsch. Le team suisse faisait confiance à un équipage féminin sur sa seconde auto avec Cyndie Allemann, Rahel Frey et Natacha Gachnang mais un accident de cette dernière à Abu Dhabi dès l’ouverture de la saison a mis à mal les espoirs de cet équipage. En parallèle, Marc VDS Racing Team alignait deux Ford GT. En fin de saison, Thomas Mutsch terminait vice-champion et Ford prenait la 3e place du championnat Constructeurs.
Une autre idée germait dans la tête de Martin Bartek : mettre la Ford GT au départ des 24 Heures du Mans ! Pour cela, trois Ford GT étaient alignées aux 1000 km de Spa, deux pour Matech, une pour Marc VDS. C’est cette dernière qui s’est imposée en GT1 grâce à Leinders/Palttala/de Doncker. “Spa était un test grandeur nature”, expliquait Martin Bartek. “Nous n’avions pas fait le moindre test d’endurance.” Les trois Ford GT étaient au départ des 24 Heures du Mans pour le plus grand plaisir du patron de Matech : “C’est le must du must ! Beaucoup de pression vont reposer sur nos épaules. Je sais toute l’histoire de Ford au Mans et l’héritage laissé par cette auto. Je veux être à la hauteur de l’événement et cela me pousse à m’ôter de la pression. Je ne me fais aucun doute sur le fait que la Ford GT est attendue et que c’est un plaisir pour beaucoup que de la voir rouler au Mans. C’est en plus une belle voiture qui attire l’œil.” Si les trois Ford GT ont brillé en essais, aucune n’a vu le damier (casse moteur pour les deux).
Malgré la satisfaction d’avoir mis trois Ford GT au Mans, Martin Bartek quittait la Sarthe un brin déçu avec la fin de l’éligibilité des GT1 : “Cette annonce est étrange car nous devons avoir une réunion de concertation le 28 juin prochain (déclaration faite le 10 juin, ndlr) entre les différentes parties. L’objectif est de parler de l’avenir du GT et pas seulement du GT1.” Pour Matech, il n’était pas question à cette époque de transformer la Ford GT en GT2 : “Ma politique a toujours été claire. La décision est irrévocable et il est hors de question de développer une Ford GT pour le GT2. Soit le législateur accepte l’auto comme elle est, soit il la refuse. Je sais que son gabarit n’est pas conforme pour le GT2 mais je veux bien que l’auto actuelle soit modifiée au niveau technique, pour qu’elle soit au niveau de performance des GT2.”
Finalement, après réflexion, Martin Bartek décidait de faire machine arrière en développant une version GT2 de sa Ford GT : “J’ai pris cette annonce comme un coup de poignard dans le dos. Depuis, il y a eu des discussions avec l’ACO et je comprends mieux pourquoi ils ont fait ce choix. Sur le long terme, avoir une seule catégorie GT n’est pas forcément mauvais et je pense que cela va amener plus de diversité. Une chose est sûre, nous n’avons pas les moyens de développer une toute nouvelle auto et des négociations ont été entamées avec le législateur. Il a fallu faire des compromis et adapter notre auto à cette catégorie LMGT.”
L’intérêt pour cette version GT2 ne s’est pas fait mentir avec quatre pré-commandes dès l’annonce du projet et un total de dix autos construites, pas une de plus.
Ce nouveau challenge ne faisait peur en rien au patron de Matech : “Ce nouveau défi ne nous fait pas peur. En GT1, nous roulons contre Nissan, qui est proche de l’usine. Je n’ai ni peur ni crainte d’affronter les plus grands. Les deux ventes de la version GT1 ne couvrent pas les frais de développement. Je ne peux plus en vendre et il faut aussi penser que la situation économique a joué un rôle non négligeable. Si je veux couvrir les frais, il faut un nouveau défi et voilà aussi pourquoi nous arrivons en LMGT.”
Les premières livraisons devaient intervenir fin 2010 pour un engagement en Europe et aux Etats-Unis. Le prix de vente de la Ford GT Spec-GT2 était de 500 000 euros.
On sait ce qu’il est advenu de la suite des événements avec le décès de Martin Bartek. Stéphane Ratel a beaucoup travaillé avec l’homme d’affaires suisse : “Le décès de Martin est le drame de ma vie professionnelle. Sa disparition m’a beaucoup touché. C’était quelqu’un qui avait une passion débordante.”