Mathias Kipp, directeur des ventes de Dunlop Motorsport, vit une belle saison 2019. S’appuyant sur de bonnes équipes en ELMS, Dunlop vient de remporter la dernière épreuve disputée avant les 24 Heures du Mans, les 4 Heures de Monza, avec G-Drive Racing. Il est revenu pour nous sur la nouvelle catégorie LMP1, la bataille qui fait rage entre Michelin et Dunlop en LMP2 et aborde le sujet des 24 Heures du Mans où la marque équipera prés de la moité de la grille LMP2.
Vous ne figurez pas en LMP1. Êtes-vous intéressé pour entrer dans cette catégorie ? Avez-vous des projets ?
« C’est une catégorie que nous observons très clairement, mais à l’heure actuelle, nous n’avons de projet d’y rentrer ou de ne pas y rentrer ! La position du règlement aujourd’hui n’est pas claire pour nous. Il a été mis sur la table, il y a déjà un an, que cette nouvelle catégorie pourrait devenir monomarque au niveau des pneumatiques. Ce n’est pas encore figé dans le marbre car cela ne fait partie du règlement qui a été diffusé au mois de décembre dernier. C’est important pour les manufacturiers car la stratégie de développement à moyen et long terme y est attachée. En fonction de la tournure que le promoteur va prendre, nous nous positionnerons ou pas. »
Hypercar, GTE +, DPi, qu’est ce que cela pourrait changer pour vous ?
« Très clairement, rien du tout ! Que ce soit du GTE +, DPi ou Hypercar, cela ne change pas grand chose. C’est plus la catégorie reine en général qui nous intéresserait. Nous saurons nous adapter aux choix proposés, mais le plus important est de savoir sur quel pied danser et dans quelle direction partir. »
Lequel vous intéresse le plus ?
« Concernant la position de Dunlop, nous n’avons pas de préférence. Ce n’est pas à nous de donner une direction ! L’idée générale présentée par l’ACO, c’est à dire la carrosserie d’une voiture qui ressemble à celle de tous les jours, nous la soutenons à 300%, ça a beaucoup de sens ! Maintenant sur quelle plateforme, à eux de choisir. »
Si le choix tend vers pour l’Hypercar, est ce que des choses pourraient être répercutées sur les pneus Dunlop de la voiture de monsieur tout le monde ?
« Tout à fait et à deux niveaux : du point de vue technique et d’un point de vue marketing surement. Nous aurions tout intérêt à le faire. »
En quoi la bagarre actuelle et le rapprochement en termes de qualité de gomme de Michelin en LMP2 en ELMS sont-ils bons pour vous ?
« Nous sommes très contents de la compétition en ELMS cette année. Cela ne nous simplifie pas la vie, je ne vais pas le cacher, mais cela démontre l’intérêt d’avoir deux manufacturiers pneumatiques impliqués dans la même compétition. Il est très difficile cette année de prédire qui va remporter l’ELMS. Il y a de très bonnes forces en présence, il y a une bonne répartition entre notre concurrent et nous du point de vue écuries et qualités de ces dernières. Cela peut être soit Michelin ou Dunlop qui l’emporte au final, c’est donc une source de motivation supplémentaire pour nous. Cela nous évite, d’une certaine façon, de nous reposer sur nos lauriers. Michelin n’a pas délaissé cette catégorie LMP2 et l’approche qu’ils ont en Amérique du Nord a poussé dans ce sens là. C’est très bon pour la compétition entre nous. Quand on regarde les championnats monomarque en sport automobile, le facteur pneu joue très peu. Nous ne voulons pas nous laisser battre, nous travaillons dur et nous sommes déjà en phase de développement pour les gommes de la saison WEC qui débutera en septembre. »
En quoi le passage de Panis-Barthez Compétition de Michelin à Dunlop est-il une bonne chose pour vous ?
« C’est clairement une bonne chose pour nous du point de vue compréhension et intégration de données de châssis. Panis-Barthez Compétition est une équipe très professionnelle qui connaît très bien le châssis Ligier car ils l’ont depuis leur début. Ils étaient fidèles depuis leur arrivée à notre concurrent, nous avons depuis trouvé un accord, dont un accord de développement qui nous permet d’avoir une très bonne base de travail pour développer nos pneus encore plus en corrélation avec le châssis Ligier. Il faut rappeler que nos produits sont destinés à tous les châssis. »
Les 24 Heures du Mans approchent. Que pouvez-vous dire sur les chiffres Dunlop ?
« Nous allons équiper neuf autos aux 24 Heures du Mans 2019, essentiellement en LMP2, sur les 20 présentes. Cela va demander une cinquantaine de personnes de Dunlop sur place. Ils se répartissent, en gros, entre 10 monteurs, 10 ingénieurs techniques et une dizaine de personnes du management et de l’administration. Nous allons emmener entre 3000 et 3200 pneus pour la Journée Test et les 24 Heures du Mans, avec possibilité de réapprovisionnement si nécessaire. Cela représente neuf camions de stockage et trois autres plus réservés à administration (bureaux) et à la partie technique, ce qui nous fait un total de 12. »
En quoi le circuit des 24 Heures du Mans est-il spécial en termes de pneumatiques ?
« L’un des éléments les plus importants du tracé du Mans est qu’il n’est utilisé qu’au moment des 24 Heures du Mans. Cela veut dire que pour nous, manufacturier pneumatiques, nous n’avons pas la possibilité de tester nos gommes sur ce circuit dans le courant de l’année. Nous devons donc trouver des tracés qui s’en approchent avec des traits aérodynamiques similaires (grandes lignes droites, peu de charge aéro, peu de virages mais quelques uns rapides), comme on a pu le voir dernièrement avec les différents essais d’équipes à Monza et à Spa. Par contre, l’asphalte, nous ne pouvons pas y toucher dans le courant de l’année, c’est ça la grosse particularité du Mans. En dehors de la partie Bugatti, 90% du tracé n’est jamais utilisé. Nous devons donc développer des pneus sur une année ou d’une année sur l’autre, qui doivent être figés sur une période donnée, la référence du Mans est alors toujours difficile à trouver. Il est compliqué de les adapter pour le Mans parce que c’est un tracé qui change beaucoup en fonction des revêtements dont la plupart sont routiers. »
Le tracé est-il plus exigeant pour les pneus que ceux rencontrés toute la saison ?
“Non, il est même moins abrasif que d’autres circuits. Il est moins contraignant au niveau des forces latérales sur le pneu. Par contre, en force verticale, il l’est plus dans la mesure où la pression aérodynamique est plus importante au niveau des enveloppes. Il dégrade moins que certains tracés, nous avons, par le passé, été en mesure de faire cinq relais avec le même train de pneus en LMP2. Cependant, comme je l’ai dit, Le Mans est un circuit atypique !»