Matthieu Bonardel (Michelin) : “Toute situation de crise génère des innovations”

Avec 54 des 59 autos des 24 Heures du Mans équipées de gommes Michelin, la firme clermontoise est bien occupée cette semaine sur le circuit du Mans. Les équipes dispose d’une gamme avec trois crans de gomme différents : soft, medium et hard. Pour assurer le service pneumatique optimal dans le strict respect des gestes barrières et des règles sanitaires, Michelin a construit une structure de 2 300 m2 à l’arrière du paddock et a emmené 11 000 pneus prêts à prendre la piste. Ainsi, Michelin assure à ses partenaires sécurité et performance par toutes les conditions météorologiques.

L’équipe de Michelin sur place est composée de 50 Conseillers Techniques d’Ecurie et ingénieurs, et de 64 monteurs. Matthieu Bonardel, directeur de Michelin Motorsport, nous a expliqué le dispositif manceau pour cette édition exceptionnelle des 24 Heures du Mans avec en prime quelques informations sur le futur de Michelin dans la nouvelle catégorie reine de l’Endurance.

Michelin Motorsport a dû faire face à un nouveau challenge pour être ici ?

“En réalité, on peut parler de plusieurs challenges. Il y a tout d’abord eu le challenge industriel. L’usine s’est arrêtée deux mois durant le confinement. Fin mai, personne ne pouvait dire avec certitude si les 24 Heures du Mans allaient avoir lieu. Finalement, les compétitions ont été remises dans un temps très court avec deux mois de production en moins. Dès le départ, on a vu que ça aurait du mal à passer. Par chance, Sebring a été annulé et il a plu à Spa.”

Le challenge est aussi humain ?

“Nous n’avons jamais eu autant d’autos aux 24 Heures du Mans (54/59, ndlr). Il faut mettre des personnes pour gérer tout cela. Chaque année, nous nous faisons aider par une vingtaine de personnes venant des Etats-Unis et d’Asie. Cela n’a pas pu être possible cette année comme il n’a pas été possible de faire appel aux techniciens travaillant en MotoGP et WRC. Au début, nous avions 1/3 du personnel avec plus d’autos. Il a donc été décidé de faire un appel à des volontaires en interne. On a tout réorganisé et formé le personnel car certaines personnes n’avaient jamais fait de terrain. Sur place, il y a toujours quelqu’un pour répondre aux questions.”

Sur place, le personnel travaille dans une bulle ?

“Le virus a forcément changé l’organisation. Depuis Spa, des bulles ont été mises en place. Nous avons préparé des protocoles spécifiques pour se passer les informations sans aller dans les stands où nous avons pourtant un technicien. Les équipes n’approchent pas les monteurs qui eux-mêmes sont séparés. C’est un peu à l’image d’un bateau où tout est cloisonné. S’il y a un problème, il ne faut pas que le bateau coule. S’il n’y a pas de montage de pneus, il n’y a pas de course. Si on perd huit personnes, il faut être en mesure de pouvoir en récupérer huit autres. Le staff de Michelin au Mans est de 120 personnes sans compter la dizaine en place à Clermont-Ferrand.”

Vous allez conserver certains processus en place ?

“Toute situation de crise génère des innovations. On verra plus tard les limites de ce qui a été mis en place. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne reviendra pas comme avant. La situation actuelle nous force à être intelligent et on se rend compte qu’on peut garder une partie de ce qu’on a.”

Michelin travaille toujours sur la technologie hydrogène avec l’ACO ? Les pneus pour les ‘Le Mans Hypercar’ sont prêts ?

“Nous sommes partenaires de Mission H24. A l’heure actuelle, nous sommes sur la première phase de la partie pile avec Symbio. Je pense que d’ici 12 à 18 mois nous pourrons attaquer la partie pneumatique. On ne peut pas attendre l’hydrogène pour avoir les pneus biosourcés et la nouvelle catégorie Le Mans Hypercar va nous aider pour cela. La première année, nous allons jouer sur la performance et la longévité. Des choses plus précises sur les pneus pluie seront mises en place. Je pense que nous verrons des choses plus concrètes en année 2 comme la suppression des armoires chauffantes, l’utilisation de la technologie anti-crevaison et les capteurs dans les pneus comme en Formula E. Pour le moment, nous avons un pneu virtuel sur une auto virtuelle. Il faut maintenant un pilote pour nous donner son ressenti. Nous sommes en situation de pouvoir livrer pour Sebring 2021. Nous sommes sur deux familles avec d’un côté Toyota, de l’autre Glickenhaus et ByKolles.”

@Michelin