Benoît Tréluyer, qui compte trois victoires aux 24 Heures du Mans avec ses coéquipiers Audi Sport Marcel Fässler et André Lotterer, aime la symbolique des chiffres. Né un 7 décembre à Alençon, pilote de l’Audi R18 n°7, le Français évoque les sept grands frissons que lui procure tous les ans la classique sarthoise. Voyage au septième ciel pour un pilote qui ne compte qu’un abandon en 12 participations.
Le circuit
C’est un monument ! Au Mans, on entre littéralement dans une autre dimension. C’est le circuit de la démesure, à cause de sa longueur et des vitesses que l’on y atteint. Chaque virage est unique et possède son propre caractère, sa propre saga ! La courbe Dunlop, le Tertre Rouge, Arnage, Indianapolis, les chicanes Ford, etc. sont plus que des virages : ils sont la légende du Mans. Et que dire des Hunaudières, la plus célèbre ligne droite au monde, qui reste la signature du tracé. C’est elle qui a donné au Mans ses lettres de noblesse !
Le paddock
Unique, mais peut-être devrions-nous plutôt parler d’un village. Dans le paddock du Mans, on y dort, on y mange, on y travaille, et on peut même y faire ses courses. Une fois que l’on franchit le mur d’enceinte du circuit, on arrive dans un monde parallèle, une petite ville avec ses rues, ses restaurants, son service d’ordre, ses hôtels même. Tous les ans, je prends possession de mon bungalow le week-end qui précède l’épreuve et je m’y installe avec mon épouse Mélanie et mon fils Jules. Tous les soirs, nous sommes en famille. Le Mans, c’est aussi un mode vie !
Le départ
Un instant toujours très particulier au Mans. Je l’ai vécu depuis le cockpit comme en dehors, et je dois avouer que je suis hyper fan du départ dans le garage, avec l’équipe. Le tour de formation, la musique qui va crescendo lorsque les voitures arrivent aux chicanes Ford. À chaque fois, j’ai la chair de poule. J’adore vivre ce moment en spectateur ; c’est quelque chose de très fort. Une fois tous les concurrents passés, tu n’entends plus rien. Les trois minutes qui suivent sont interminables. Puis les voitures reviennent et bouclent leur premier tour. Là, c’est vraiment parti pour 24 heures.
Les « S » Porsche
Des virages que tu ne retrouves nulle part ailleurs. Niveau sensations, c’est inégalable. Une bonne voiture au Mans, c’est un savant dosage entre finesse pour aller vite en ligne droite et appui pour ne pas être arrêté dans les virages. La ligne est ténue. Nous évoluons sur un fil à des vitesses folles, et les « S » Porsche sont le juge de paix ! À chaque fois que l’on s’y engouffre, c’est le pied intégral. J’adore cette partie du circuit, qui me rappelle à chaque tour pourquoi je fais ce métier. La première fois que je les ai négociés au volant d’une LMP1, c’était avec une Pescarolo. J’étais intérieurement assez fier de mon passage, jusqu’au moment où j’ai regardé dans mon rétro et constaté qu’une GT me suivait. J’avais complètement sous-estimé les capacités de l’auto. Dans les « S » Porsche, plus tu vas vite et plus tu as de l’adhérence, c’est juste fantastique. Mais attention, il ne faut pas se laisser griser car l’erreur se paie cash. Les murs sont proches, surtout à l’extérieur du deuxième « S ».
Le public
Il y a une connexion, presqu’une connivence avec lui. C’est quelque chose de spécifique au Mans. Paradoxe ultime, la foule est immense mais proche à la fois. Entre la Journée Test, les essais, la Parade des Pilotes, et la course, tu vas croiser certaines personnes plusieurs fois, des visages vont finir par devenir familiers. Cela n’arrive nulle part ailleurs. Le fait de rester une semaine sur place crée un vrai échange sans que cela paraisse factice, gadget ou dénué d’authenticité. Au Mans, tu vis des choses extraordinaires au vrai sens du terme. Et puis, pour moi, c’est toujours un peu spécial, car je suis proche d’Alençon où je suis né et ai grandi.
Les proches
Chaque année, je revois la famille, les amis, les anciens partenaires. Au fil des ans, Le Mans est devenu une période de retrouvailles ! Quelque chose de très intime et de très fort que j’attends avec impatience. C’est également le printemps, la période la plus sympa dans la région, et l’on trouve toujours le temps de regrouper tout le monde autour d’un barbecue. Pour moi, ce sont tous ces petits bonheurs qui font aussi la grandeur de l’épreuve.
Le podium
C’est ma Septième Merveille ! Il est d’autant plus fabuleux qu’il est difficile à atteindre. J’ai eu la chance d’y accéder un certain nombre de fois, six sur onze participations, je crois. Pas toujours à la première place, évidemment. La victoire, elle, c’est la cerise sur le gâteau. Quand on t’appelle en dernier, c’est juste magique. Tu arrives et tu vois cette marée humaine à perte de vue. Ça donne des frissons, et le vertige. À chaque fois, je cherche la fin de la vague mais ne la trouve pas. Cette déferlante de bonheur, j’espère la voir cette année encore du haut de ce promontoire prodigieux. C’est le septième ciel !