Pour la première fois, un équipage 100% féminin évolue en European Le Mans Series. Il est constitué de Rahel Frey, Michelle Gatting et Manuela Gostner. Elles ont en charge la Ferrari 488 GTE #83 de Kessel Racing dans ce championnat, mais elles seront aussi au départ des 24 Heures du Mans. Nous avons rencontré Michèle Mouton qui préside la commission FIA Women in Motorsport sur la grille de départ des 4H du Castellet. Elle avait fait le déplacement pour les soutenir. Cathy Muller était également présente.
Comment est né le projet de cet équipage 100% féminin en ELMS ?
« Il a été lancé par les opportunités, par les occasions et la rencontre avec Kessel Racing. La Commission FIA Women in Motorsport travaille depuis 10 ans pour arriver à promouvoir la place des femmes dans notre sport et essayer d’ouvrir des portes qui donneront aux filles des chances égales de démontrer qu’elles ont le talent nécessaire pour concourir au plus haut niveau. Notre mission est de les mettre dans de bonnes conditions, dans de bonnes équipes car c’est la seule façon, LA seule, d’arriver à ce que les filles puissent prouver qu’elles sont capables. Depuis l’année dernière, nous avons créé ce pole de filles potentiellement capables d’évoluer à haut niveau. Une fois que vous savez que vous les avez à haut niveau, il faut leur trouver la possibilité de participer. La rencontre avec Ronnie Kessel s’est faite naturellement après ça. Nous sommes tombés sur des gens fantastiques. Ils montrent qu’avec de très très bonnes conditions, avec des filles qui marchent bien, on peut faire de bons résultats comme elles l’ont déjà prouvé ce week-end aux 4 Heures du Castellet où elles terminent 2e. Auparavant les 12 Heures d’Abu Dhabi avaient été une séance d’essais pour voir (sur une 488 GT3 alignée par Kessel Racing, 6e au général, 2e en Pro-Am) car moi je viens du Rallye (Michèle Mouton a été vice-championne du monde des rallyes en 1982 sur une Audi Quattro S1, ndlr). Le circuit, c’est autre chose, ce sont trois différentes personnes pour une même auto. Là, les filles ne se connaissaient pas, mais ils ont vu que la mayonnaise prenait bien. Derrière est né le Projet des 24 Heures du Mans ! »
L’Endurance était un choix voulu ?
« Tout à fait ! Sur les circuits, il y a le coté sprint et le coté endurance. Nous avons d’autres projets comme « Girls on Track » qui a commencé l’année dernière avec l’aide de la communauté européenne de la FIA. On s’attaque à des jeunes filles de 13 à 18 ans pour qu’elles puissent avoir l’occasion de s’entraîner sur du karting et de montrer que le sport automobile est accessible. Nous travaillons donc sur deux niveaux : la base de la pyramide jusqu’en haut. Il y a l’endurance d’un coté et le karting de l’autre, cette filière pouvant aller et découcher jusqu’en Formule 1. Cela devrait, là, prendre plus de temps, mais nous avons déjà des filles comme Tatiana Calderon qui marche très bien. Nous espérons qu’en F2 (chez BWT Arden, elle est aussi pilote d’essais pour Alfa Romeo Sauber en F1, ndlr), elle aura les bonnes conditions pour prouver qu’elle est capable d’aller plus haut. »
Vous commencez déjà à sentir un certain engouement autour de ce projet Endurance ?
« Oui. Il y a surtout un engouement interne entre l’équipe et l’équipage. Il y a trois facteurs importants : l’écurie, l’équipage et il vous faut l’argent. Quand tout est réuni cela peut faire de belles choses ! »
L’équipage a-t-il des objectifs définis ou le but est d’apprendre, de progresser ?
« C’est de progresser car c’est comme cela qu’elles vont pouvoir se rapprocher du sommet. Il ne faut pas se tromper c’est tout ! Quand on fait partie d’une équipe, il y a des caractères et des motivations différents. Il faut arriver à ce que tout ça fasse un seul bloc et c’est ça qui rend le sport magique. »
La cerise sur le gâteau de ce projet seront les 24 Heures du Mans. Comment voyez vous ça au niveau pression, engouement, course, etc… ?
« Il est déjà clair que c’est bien que les féminines suscitent de plus en plus d’intérêt sachant qu’être au Mans est difficile. Je sais ce que c’est que Le Mans. Il y aura bien entendu une pression supplémentaire, mais au niveau de la course, ce n’est en fait que ce qu’elles vont faire tout au long des courses ELMS, mais avec six fois plus de temps. Le travail reste le même, il faudra se concentrer, elles devront rester unies et donner le maximum de ce qu’elles peuvent tout en pensant aux coéquipières qui prendront les relais suivants, c’est-à-dire de ne pas abîmer la voiture. Il y a tout un travail passionnant à faire derrière.»
Vous comptez une participation aux 24 Heures du Mans en 1975 déjà avec un équipage purement féminin (sur une Moynet en 1975 en compagnie de Christine Dacremont et Mariane Hoepfner terminant à une très belle 21e place et une victoire en 2.0 litres). De quoi vous rappelez-vous ?
« Je me rappelle que cette année là il pleuvait. Je ne voulais pas m’arrêter pour changer les gommes car, en pneus slicks, j’arrivais à rattraper toutes les voitures plus puissantes qui étaient devant moi. Je me faisais « engueueler » car je ne repassais pas par les stands. Je me souviens aussi de l’arrivée car c’est moi qui aie eu le plaisir de passer sous le drapeau à damiers. Ce fut un moment magique de voir tous ces spectateurs arriver sur la piste. C’était grandiose ! »
Pour plus d’informations, voici une vidéo de Michèle Mouton à l’issue des 4 Heures du Castellet ELMS.