Ma première expérience en endurance, cela commence à remonter, c’était lors des essais du mercredi des 24 Heures du Mans 1982.
J’étais étudiant et en stage en entreprise à Tours. Comme tous les week-ends, je rentrais chez papa, maman à 400 km de là, j’ai profité du fait que Le Mans n’est qu’à 100 km de Tours pour aller voir ces belles machines. Je suis sorti vers 17h de mon travail et direction Tours. Pas d’autoroute à l’époque, que de la nationale, avec ma Dyane orange. Et cette nationale arrive directement à Mulsanne où j’ai passé la fin d’après-midi et la soirée.
La première partie des essais avait débuté. De mon premier poste d’observation, je voyais la fin de la ligne droite des Hunaudières, le virage de Mulsanne (alors à angle droit) et le début de la relance vers Indianapolis. Personne n’était foncièrement à l’attaque. Les protos arrivaient fort. Les Lancia LC1 (barquette) faisaient minus face aux Porsche 956, mais elle freinait un poil plus tard. Je n’ai jamais aimé les Porsche 935. C’était bien confirmé ce soir-là. Une voiture qui fait lourde, pas d’une stabilité à toute épreuve avec un bruit rauque, ouais, bof ! Les nouvelles Ford C100 étaient belles mais visiblement pas au top. Celle que j’ai préférée, c’était la Mirage M12 de la famille Andretti, vraiment très belle avec ses roues arrières carénées et sa longue queue. En termes de bruit, les Ferrari 512 BB donnaient de la voix dans les tours. Je pouvais suivre facilement leur miaulement après le virage de Mulsanne. Les BWM M1 étaient aussi dans le ton ! La palme de la mocheté, c’était les March et les Lola T 610, des squales à 4 roues.
Deux évènements m’ont particulièrement marqué pendant ces quelques heures passées à Mulsanne.
Tout d’abord, ce fut pendant l’interruption entre les deux séances. J’avais apporté à manger avec moi et j’étais parti le long de la ligne droite vers Indianapolis et je m’étais installé sur l’herbe près du circuit. Au bout de quelques instants, j’entends des bruits de moteur. Ce devait être des voitures pour la presse j’ai supposé. Elles ont fait deux tours. Alors que je finissais de dîner, un autre bruit, je tourne la tête. Mince, une Rolls. Le gars m’a vu et m’a fait signe de la main. Avec ma fourchette pleine, c’était un peu compliqué pour moi… Pas grave, au tour suivant, je me lèverai et lui rendrai son salut… sauf qu’il n’y a pas eu de tour suivant !
Le deuxième est plus sportif. A la reprise, les premiers temps ont commencé à tomber. Et voilà la Mirage avec Mario Andretti, maintenant visiblement à l’attaque à la sortie de Mulsanne. Je décide de retourner à mon premier point d’observation, d’autant que dans les haut-parleurs, le speaker indiquait que la Mirage améliorait ses temps. J’arrive juste à temps pour la voir débouler des Hunaudières. Il était vraiment à fond. De la soirée, je n’ai pas vu un passage aussi rapide. Il retarde son freinage et… Heureusement qu’il n’y avait pas de voiture à côté, la voiture bougeait dans tous les sens. La première fois, je me suis dit, il va prendre l’échappatoire. Que nenni ! et la montée en régime qui a suivi montrait clairement qu’il ne trainait pas. Nouvelle amélioration. Nouvelle arrivée à Mulsanne. Quelle vitesse dans la ligne droite et… bis repetita. Très impressionnant ; hélas le temps n’était pas fabuleux par rapport aux meilleurs des Porsche mais vu le guidonnage, ce n’était pas très étonnant. J’ai eu le droit à un troisième passage avant son retour au stand. Quel souvenir !
J’ai quitté Mulsanne avant la fin de la dernière séance d’essais à la nuit tombée, je travaillais le lendemain matin. Mais ce M. Andretti m’avait encore impressionné.
Pour la petite histoire, cette Mirage n’a même pas pu prendre la piste le samedi, disqualifiée pour une sombre histoire juste avant le départ de circuit de refroidissement non conforme ce jour-là (mais pas en début de semaine lors des vérifications) !
L’histoire de cette Mirage est ICI, des videos sur cette auto ICI…