Nicolas Minassian est le directeur sportif de l’écurie IDEC Sport. Il a tout vécu ce week-end : le douloureux avec la destruction de l’ORECA 07 #28 le samedi matin, le bon avec la solidarité de l’équipe pour la reconstruire et une 6e place finale qui vient clôturer une superbe aventure humaine. Il est revenu sur la chronologie des événements pour nous…
Paul-Loup Chatin a été victime d’une violente sortie de route samedi matin, lors de la deuxième séance d’essais libres, au sommet du Raidillon. La voiture a été sérieusement endommagée et le châssis a été déclaré « hors d’usage ». Privée d’essais qualificatifs, mais toujours deuxième au championnat ELMS à neuf points de G-Drive Racing, l’équipe a dû trouver une solution.
Cet événement a animé le paddock samedi, de visites d’écuries en coups de fil à droite et à gauche pour trouver une coque disponible, le salut est venu d’Allemagne. IDEC Sport a en effet loué un châssis à l’équipe SPS automotive-performance. « Dès qu’on a su que Paul-Loup allait bien et qu’il était ok pour repartir, on a cherché une solution que nous avons trouvée samedi soir à 18 h 30 pour une coque. Nous avons calculé notre logistique, le temps que cela allait prendre pour démonter la voiture, ramener la nouvelle voiture, mettre le moteur que nous avions, compléter l’auto avec ce qu’il nous restait. Avec Fred Ducastel et Nicolas Brisseau, nous sommes allés chercher la voiture. Nous avons pris la camionnette d’IDEC Sport, la remorque qu’Inter Europol nous a gracieusement prêtée, et sommes partis tous les trois. Nous avons fait l’aller retour, huit heures au total, soit 800 kilomètres. Nous avons conduit à tour de rôle pour la fatigue, nous étions là-bas à minuit trente et de retour à 5 h 15 sur le circuit de Spa-Francorchamps. »
« Toute l’équipe était là, à nous attendre. Ils n’ont dormi que quelques heures. Il faisait nuit, le paddock était complètement vide. On a mis la remorque dans la pitlane et on a déchargé la voiture. Les mécaniciens l’ont ensuite mise dans le stand. Pendant que nous étions sur la route, ils avaient préparé, entre 18 heures et minuit, la boîte de vitesses, les trains, le moteur (pas celui des essais mais un autre récupéré auprès de Gibson, ndlr), les huiles, les faisceaux électriques, l’outillage, pour qu’on puisse tout monter dès que la voiture serait là. Quand nous sommes arrivés, c’était comme un légo. Tout était tellement bien organisé que nous n’avons mis que six heures pour tout assembler…A 11 h 30, la voiture était remontée, démarrée, chauffée. On a mis le même set-up que nous avions aux essais et avons passé le contrôle technique avec succès. »
Quelques minutes donc avant le début de la procédure de départ, l’ORECA 07 #28 est prête. Paul-Loup monte dans la voiture et s’élance pour rejoindre la grille mais… « On a rencontré un problème de capteur d’accélérateur. La voiture s’est mise en mode secours et Paul-Loup a bouclé son tour au ralenti, réussissant à rejoindre quand même la grille. On a vraiment eu une frayeur avec ce problème de calibrage, Cela a été immédiatement solutionné par les systémistes d’IDEC Sport et les gens de Gibson qui nous ont bien aidés tout au long du week-end. On a démarré l’auto pour le tour de formation, tout était OK. »
« On a dit à Paul-Loup, qui après son crash remontait pour la première fois dans la voiture, de ne pas se faire mal. Il a eu un gros accident, à un endroit pareil, quelques semaines après le drame du jeune Anthoine Hubert dans ce virage. C’est toujours délicat, mais il a été très bon sur ses relais. Il a été professionnel comme d’habitude. En toute objectivité, il fait partie des meilleurs pilotes du plateau ELMS. Paul Lafargue, encore une fois, a été bluffant. Tout au long de la semaine, c’est quelqu’un qui travaille comme un fou avec son père, Patrice. Pilote, ce n’est pas son métier, il est juste talentueux, il fait moins d’efforts que certains pour aller vite. Memo (Rojas) a fait son travail comme d’habitude. Il s’est fait rattraper à la fin car nous manquions de vitesse de pointe. Nous avions fait une voiture qui allait vite, mais il en manquait un peu. Ce n’est pas parce qu’elle a été refaite qu’elle allait moins vite, c’est juste qu’en fin d’épreuve, ce n’était pas la meilleure pour ce moment là. Nous avons cependant fait une voiture qui a roulé pendant 4 heures sans s’arrêter, sans aucun souci, rien ! »
Les trois pilotes font vraiment une belle course. Remonté à la 2e place grâce à Paul-Loup Chatin déchaîné, Paul Lafargue et Memo Rojas continuent le travail, mais un Full Course Yellow juste après un changement de pilote leur fait perdre beaucoup de temps. L’ORECA 07 #28 franchit la ligne d’arrivée à la 6e place. Autre bonne nouvelle pour IDEC Sport, G-Drive Racing n’a pu faire mieux que 4e. L’équipe russe arrivera au Portugal en leader avec 93 points contre 80 pour les Français. Tout reste encore à faire donc ! « Avec tout ce qui nous est arrivé, nous terminons 6e et sommes toujours en lutte pour le championnat. Avec la victoire à Silverstone, la belle aventure humaine de Spa, on va arriver rebooster. Il y a vraiment un beau groupe. On veut toujours plus au niveau du résultat d’une course, mais je suis vraiment content et fier de voir cette équipe d’IDEC Sport avec cet esprit solidaire et cette envie de ne rien lâcher. On aurait dit un nid d’abeille très bien organisé, c’était beau de voir une écurie aussi soudée Je me suis régalé à les regarder travailler et ils ont réussi : nous avions une voiture pour faire ces 4 Heures de Spa. Je fais un métier où je ne compte pas les heures, où je fais des trucs de fou, je n’ai pas dormi depuis samedi matin, mais je suis juste heureux de faire cela. »
En dehors de la solidarité affichée par l’équipe, Nicolas Minassian tenait à conclure sur l’esprit qui anime le paddock ELMS. « Toutes les équipes ont été très solidaires. Elles nous ont toutes proposé de nous aider, que ce soit DragonSpeed, Inter Europol Competition, Graff, TDS via G-Drive Racing. L’ACO a été aussi hyper compréhensif, les responsables de l’ELMS aussi. Je trouve que c’est un beau paddock ! »