Dix ans après sa violente sortie en CART, Nicolas Minassian s’est fait une autre grosse frayeur, cette fois-ci au volant de la Peugeot 908. Alors qu’il était en essais sur le circuit Paul Ricard, la LMP1 est partie en l’air pour terminer sa course sur… l’aérodrome. Un vol plané comme il en existe peu. De quoi bien tester la solidité du prototype français.
Bruno Famin, alors en charge du programme chez Peugeot, avait de suite dédouané le pilote : “Nicolas n’a pas fait de faute. Il est passé comme d’habitude, sauf que la voiture est partie en tête-à-queue. Après, tout est question d’interprétations. Mais il n’y a pas eu de défaillance sur l’auto, c’est sûr.” Une chose est certaine, la 908 était chiffon après la sortie. Trois mois plus tard, le Marseillais montait sur la 3e marche du podium des 24 Heures du Mans en compagnie de Stéphane Sarrazin et Franck Montagny.
Même s’il n’y a pas de vidéo officielle de l’accident du Paul Ricard, cette sortie avait beaucoup fait parler à l’époque…
“Dans cet accident, je me souviens de tout. Peugeot Sport faisait un test d’endurance au Paul Ricard avec la 90X. Je crois me souvenir qu’ORECA était là aussi avec la 908 et Olivier Panis. Nous roulions depuis plusieurs heures avec une auto assez vive de l’arrière équipée du nouveau kit aéro Le Mans.”
Vous n’étiez pas le premier à prendre le volant ?
“Steph (Sarrazin) a débuté le test d’endurance et, comme d’habitude, il a roulé à bloc. Je suis monté pour rouler… à bloc. J’étais dans mon deuxième relais sur un circuit qui avait la configuration S de la Verrerie qui permettait de rester à pleine charge plus longtemps. J’étais à environ 300 km/h quand l’auto m’a lâché. Elle est partie d’un coup.”
Elle a décollé ?
“L”air est passé en-dessous et elle s’est mise à l’envers. Entre le point de décollage et l’atterrissage, il y a eu 184 mètres. Je me suis retrouvé à l’envers dans la voiture. Tu ne sens plus les roues ni aucun frottement. Ce n’est plus l’environnement que tu connais, ce qui fait très peur.”
Dans une telle situation, la seule chose à faire est d’attendre…
“J’ai mis les deux mains contre mon corps en me disant que ça allait taper fort. Je suis parti sur le toit, rebondi en l’air et j’ai découpé le muret du circuit pour terminer sur l’aérodrome. C’est d’ailleurs l’aérodrome qui a prévenu le circuit qu’une voiture était échouée.”
Vous avez été blessé ?
“J’avais le souffle coupé à cause de la peur. Je n’arrivais plus à respirer avec des douleurs aux côtes. Je suis sorti de la voiture, j’ai grimpé le muret et je me suis assis sur la voie de sécurité. L’ambulance est arrivée dans la foulée. C’est là que je vois arriver les autres pilotes complètement affolés.”
Une grosse frayeur tout de même…
“Quand tu es en l’air, tu ne sais plus du tout où tu es. Quand ça t’arrive au sol, tu peux essayer de tenter quelque chose pour ralentir la violence de l’impact. Je pense que c’est la même hantise qu’un accident d’avion. Tu sais que ça va taper, mais tu ne sais pas quand. Par chance, la Peugeot 908 était une voiture très solide. Quand j’ai vu la tête des autres, ils me regardaient comme si j’étais un survivant.”
Vous avez mis du temps avant de rouler à nouveau ?
“La sortie a eu lieu en février et le début de saison était en mai à Spa. Les côtes ont mis du temps à se remettre en place. Je n’étais pas aussi bien préparé que les autres pilotes.”
Il y avait de l’appréhension ?
“Juste les deux ou trois premiers tours. La passion passe au-dessus de beaucoup de choses. Je suis tellement mordu de course automobile qu’il faudrait m’enlever des morceaux pour ne plus piloter. J’ai vu la vidéo de sécurité et tu penses que ce qui est arrivé n’est pas vrai. C’est comme une feuille de papier qui vole.”