Pilote éclectique s’il en est, Nicolas Minassian est un pilote on ne peut plus complet. Depuis le début des années 90, le Marseillais roule un maximum toujours avec le même plaisir. Son sourire fait toujours plaisir à voir. Entre CART et les 500 Miles d’Indianapolis, la F3000, des essais en F1, l’ASCAR, le V8 Supercars et un sacré CV en Endurance avec cinq années passées chez Peugeot, Minass fait partie des pointures de l’Endurance. Ses débuts aux 24 Heures du Mans remontent à 1994 et on l’a retrouvé en Sarthe jusqu’en 2016. Dès qu’il le peut, Nico n’hésite pas à reprendre le volant chez IDEC Sport. Retour dans le passé avec Nicolas Minassian…
“Je ne pensais pas venir aux 24 Heures du Mans. J’étais encore dans un cocon monoplace. Je n’avais que ça en tête. Au début des années 90, je roulais en Renault Clio Cup pour un team basé à Téloché avant d’intégrer les rangs de Synergie Automobile où officiait Lucien Monté. L’équipe se trouvait à Changé. Une fois de plus, c’était proche du Mans. En 1994, je pilotais en F3 et Lucien m’a dit que tout était prêt pour rouler au Mans avec Patrick Bourdais et Olivier Couvreur sur une Alpa. Je me suis dit : “c’est une voiture de course, alors allons-y.” L’auto était en réalité une ancienne Sauber reconditionnée. C’était parti pour l’aventure du Mans. Lorsque je suis arrivé sur place, j’ai eu un choc. Rien ne ressemblait à ce que je connaissais du Bugatti. C’est une fois sur place que l’on réalise l’ampleur de l’évènement. On pouvait encore se promener et approcher les autos. Avant de venir au Mans, je suivais la course à distance mais j’étais loin de m’imaginer une telle chose. On ne réalise que quand on est sur place. L’Alpa était tout sauf une auto fiable. Il fallait pomper au niveau des freins en arrivant dans la chicane. On cassait des transmissions à répétition. L’équipe allait les souder à Changé avant de les ramener ici. C’était un peu la galère mais j’en garde de bons souvenirs. Je suis content d’avoir connu cette époque. En repartant, j’étais piqué du Mans.
“Je pense que ma première participation m’a fait progressé. Sitôt la course terminée, je suis revenu en F3 avec un podium à la clé. J’ai vite pensé que c’était une course d’hommes. Dès le début j’ai adhéré à l’Endurance. La seule chose que je ne voulais pas partager, c’était le roulage (rire). J’étais tellement bien en piste. Selon moi, c’est le plus beau circuit du monde. Il y a tellement de variétés. Malheureusement, je n’y ai pas roulé jusqu’à 2000 à cause de contrats ou de clashs.
“Mon retour au Mans a pu se faire grâce à Hugues de Chaunac avec la Reynard Mopar. Je n’ai pas eu de mal à dire oui sachant en plus que j’avais déjà une haute estime de Hugues à cette époque. En plus, je roulais avec Yannick Dalmas et Jean-Philippe Belloc. Là je me suis dit : “wow”. J’ai toujours pris le côté positif des choses. J’étais comme qui dirait pilote officiel Chrysler. J’ai énormément appris de Yannick : l’écoute, la patience, la sérénité. Il fallait faire attention à l’auto. Avec dix ans de moins, j’ai pensé que j’allais vite le battre. En réalité, j’ai vite été calmé car je ne l’ai jamais battu. Malheureusement, la course a tourné très court. C’est là aussi que j’ai compris que Le Mans c’était autre chose. C’était encore une belle leçon. Je devais revenir en 2001 mais il y a eu le Champ Car et j’ai disputé Indy 500. Je pouvais ensuite faire la Formula Nippon et le SUPER GT mais j’ai préféré revenir en Europe. Pierre Dieudonné m’a alors appelé pour rouler chez ORECA avec Stéphane Sarrazin et Franck Montagny sur une Dallara. Là, c’était autre chose. Le seul souci a été de brider le moteur pour la course afin d’éviter la casse. Nous étions les meilleurs derrière les Audi. Au Mans, plus tu vas vite, plus la pression est là. Le Mans, ce n’est pas uniquement toi, mais toute une équipe. Tu ne roules pas que pour toi. Chaque année, tu prends une leçon. En 2002, je termine mon premier Le Mans à la 6ème place. A l’issue de cette course, j’ai appelé tout le monde pour rouler.
“Je suis ensuite arrivé chez Henri Pescarolo que je connaissais depuis la Filière. Henri et Hugues ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour aider les pilotes français. Ils savent mettre la pression dans le bon sens du terme. Tu es là et surtout tu écoutes. Avec Henri, il faut aller vite sans casser l’auto. J’ai aussi beaucoup appris de Claude Gallopin qui est un ingénieur incroyable, comme avec Eric Hélary qui m’a bien aidé sur le plan du setup. A partir de 2003, j’ai plutôt bien roulé au Mans.
“Pour l’édition 2004, j’ai appelé tout le monde, même Audi qui n’avait pas de place. J’ai alors pris contact avec Ian Bickerton pour qu’il me fasse faire dix tours dans la DBA. J’ai été le plus rapide en test et trois jours plus tard, j’étais confirmé pour la saison ELMS avec un retour chez Pescarolo pour Le Mans. Creation Autosportif était un team fabuleux. J’ai eu la chance de rouler avec Jamie Campbell-Walter qui était aussi quelqu’un de très rapide et un coéquipier parfait qui partageait tout. En 2005, j’ai quand même disputé Le Mans avec Campbell-Walter et Wallace.
“Place ensuite à l’époque Peugeot. Je ne suis pas un pilote qui aime gratter mais j’aime bien faire savoir que je suis là au cas où… J’ai appelé Jean-Pierre Nicolas avec qui le courant est bien passé; Serge Saulnier est arrivé dans l’échiquier et dès la mi 2006, j’ai su que j’allais rouler pour Peugeot. Tu étais là pour te battre pour la victoire et gagner Le Mans. J’aime la pression, les départs et les bagarres. La pression me stimule. L’aventure Peugeot reste inoubliable. J’ai eu la chance de faire beaucoup de développement et de roulage. Avec eux, c’était de l’endurance comme du sprint. Tu viens pour gagner et détruire tout le monde. C’était clairement le message. La 908 était avionnesque. Le châssis était au-dessus de tout. Tu pouvais rouler en 3.20 en très peu de temps. La première année, c’était un petit team, la deuxième le double et la troisième le triple. Mon seul regret est de ne pas avoir pu gagner Le Mans. 2008 était pour nous mais Audi a été tout simplement parfait. Deux ans plus tard, on mène avec deux tours d’avance et on casse le moteur. Il y avait une vraie camaraderie dans l’équipe.
“Toujours en 2010, nous étions assez facilement en tête. Franck roulait après moi, ce qui fait que l’on se voyait peu. Je sors de l’auto, je regarde mon téléphone et il s’était pris en photo comme il sait le faire sans se prendre la tête. Avec Stéphane, on regarde et on se marre tant que l’on pouvait. Dans la foulée, on regarde l’écran et on voit Franck en panne sur le circuit. C’est cela aussi Le Mans. Des anecdotes avec eux, j’en ai un tas. Peugeot fait le doublé au Petit Le Mans. On part arroser la course sur le circuit au bar d’une célèbre boisson qui roule en FIA WEC. Après quelques téquila, on vient nous chercher pour faire un discours devant des invités. Personne n’en menait large mais je dois dire qu’on a eu beaucoup de mal et pas sûr que les invités aient compris ce que l’on disait (rires). Il y a aussi les 1000 km de Spa. Avec Stéphane, on se chauffe et il me dit : “je te parie que je suis le premier à passer le Raidillon à fond”. Il part et je regarde la télémétrie. Bingo, plus de 300 km/h. Pas le choix de faire moins bien. C’était comme cela partout. Une fois, on fait du sport et on s’est amusé à voir lequel resterait le plus longtemps sous l”eau. On a bien failli y rester. Avec Stéphane, on se connaît depuis près de 30 ans. C’est un vrai ami et un pilote extraordinaire. Une autre fois, alors que nous étions en essais à Spa avec Peugeot, je faisais des essais de neutralisation, ce qui me donnait mal au coeur à force de zigzaguer tout le temps pour garder les pneus en température. Je remonte dans l’auto et j’ai eu droit au petit sac que l’on a dans les avions pour vomir (rires). Moins tu te prends la tête, plus tu vas vite.
“Je n’ai pas l’intention de dire un jour que je vais arrêter le sport automobile. Je ne veux pas le faire car c’est ma passion. Ne pas se prendre la tête et se faire plaisir. Après l’aventure Dome Pescarolo, j’ai pris des contacts pour rouler en LM P2. Chaque année, je prends du plaisir et l’essentiel est bien là.”