Suite de notre entretien avec Norman Nato, pilote Rebellion Racing, en LMP1 en WEC. Il est revient sur l’annonce de la fin du programme de son écurie, la catégorie LMDh et Mission H24, le prototype à Hydrogène.
Vous venez d’arriver chez Rebellion Racing et l’aventure de cette équipe s’arrête. Quel est votre regard ? Êtes-vous déçu ?
« C’est une déception, oui, car je venais d’être intégré au programme de l’écurie. Cependant, cela fait 13 ans que Rebellion est en Endurance. Ils ont aidé beaucoup de pilotes, investi dans de beaux programmes. Avoir des gens comme Alexandre Pesci qui investit et qui se fait plaisir en sport auto, c’est génial, on ne peut que sincèrement le remercier. Cette année, grâce à Rebellion, cela permet d’avoir une équipe supplémentaire, de faire durer un peu le suspens car, au niveau des points, tout peut encore arriver ! Peut-être que s’il n’y avait pas eu Rebellion, il n’y aurait peut être pas eu de championnat. Donc merci à eux d’avoir été présent pendant des années. Maintenant, pour ma part, cela ne change pas énormément de choses car je n’avais un contrat que d’un an, s’arrêtant après Le Mans ! De toute façon, avec le nouveau règlement, nous ne pouvions plus faire rouler la voiture actuelle l’an prochain. Il n’y avait pas de programme prévu avant 2022 car il y a eu cette annonce avec Peugeot. Donc officiellement, pour moi, cela ne changeait pas grand-chose. J’ai été surpris de ce retrait, je trouve cela dommage car il y avait peut être moyen, avec cette année de transition jusqu’à 2022, de faire encore un programme ensemble, mais ils ont décidé de prendre une autre voie, c’est comme cela ! »
Quel est votre regard sur la nouvelle catégorie LMDh ? Une belle opportunité pour vous ?
« Je trouve cela super et avoir la possibilité de disputer Le Mans, Daytona et Sebring est une très bonne chose. On avait déjà eu quelques informations au mois de janvier et les équipes IMSA ont vite montré leur intérêt pour Le Mans. C’est top. Et nous, avec les caisses européennes, avoir la possibilité de rouler chez eux, c’est génial. Je sais que la situation est difficile en ce moment, mais je pense que ce LMDh va relancer le championnat et que cela va amener des constructeurs. Peugeot a déjà annoncé qu’ils revenaient dans la catégorie reine, mais cela ne va pas s’arrêter là car d’autres vont arriver. On a vu l’intérêt d’une marque comme Porsche dernièrement. Cela va complètement relancer l’Endurance avec de belles batailles, des baquets supplémentaires proposés à des pilotes. En ce moment, avoir une place chez un constructeur est difficile car, sur la grille, ils ne sont pas nombreux, juste Toyota en LMP1. Le retour de grandes marques serait une bonne chose pour le show, les spectateurs et les pilotes. Pour ma part, cette catégorie arrive au bon moment. Dans mon cursus, je n’ai jamais trop eu la chance d’arriver dans le bon timing, dans la bonne catégorie, dans la bonne équipe. Là, j’espère que le LMDh peut être le tournant de ma carrière. Je souhaite, comme d’autres pilotes, que cela prenne la bonne voie car j’ai bon espoir que, d’ici deux ans, ce soit un très beau championnat et un très beau Le Mans avec cinq ou six constructeurs en LMP1 ! »
Regardez-vous aussi l’ELMS ?
« Oui, tout à fait. J’ai adoré y rouler en 2018 (vice-champion avec Racing Engineering, ndlr). Je trouve que c’est un très bon championnat, il y a un très bon niveau. L’écart entre chaque voiture est minime ce qui fait que les courses sont très disputées. L’objectif était, en début d’année, de faire l’ELMS dans de bonnes conditions, c’est-à-dire avec un top team. J’étais en discussion avec quelques équipes, mais cela s’est arrêté. Depuis, avec le Coronavirus, la situation économique n’est plus la même, ce n’est pas simple. Cela fait trois ans que je n’amène pas de budget, que je suis rémunéré. Ce n’est pas facile de trouver ce genre de baquet en LMP2. Par contre, faire comme j’ai fait avec G-Drive Racing l’an dernier, c’est-à-dire faire quelques piges, c’est avec plaisir (il avait pallié à l’absence de Jean-Eric Vergne au Castellet et à Monza, remportant cette dernière). Si l’opportunité se présente, ils savent que je suis prêt ! On va voir maintenant avec la reprise, mais avec ces nouveaux calendriers, il va y avoir des clashs. Je suis partant car quand on voit le plateau ELMS 2020, le championnat s’annonce très relevé. Et même pourquoi pas refaire de l’IMSA, du GT avec le GT World Challenge Europe dans de bonnes conditions. Donc oui, je serais prêt à le faire et avec grand plaisir ! »
Vous êtes aussi impliqué dans le projet Hydrogène de l’ACO. Comment les contacts se sont faits ?
« Cela faisait déjà un moment que je suivais ce projet qui est de longue date. La voiture roule depuis un certain temps, mais pas à un niveau de performance extraordinaire qui nécessite d’avoir un pilote « de course » pour la développer. Au départ, c’était juste la mettre sur une ligne droite, faire des allers retours et voir comment tout fonctionnait. Olivier Lombard a fait un super travail là-dessus car il a été le premier à ‘débugger’ tout le système. Quand l’auto a atteint un certain niveau de performance où on peut vraiment commencer à travailler, à faire du développement, j’ai été contacté il y a un an et demi. Il y a un petit coup d’arrêt là avec la Covid-19 car nous avions un gros programme de développement prévu en début d’année. Ce matin, j’étais en contact avec le team-manager, mais on a bon espoir qu’une journée de roulage ait lieu en juin. C’est un projet dans lequel je suis bien, je suis content d’y avoir été impliqué dès le début. Le bon exemple, c’est la Formula E. Au départ, beaucoup de gens rigolaient, n’y croyaient pas et maintenant quand on voit l’ampleur que le championnat a pris et le nombre de constructeurs présents… L’Hydrogène, c’est la même chose, je pense que cette technologie sera le futur dans la vie de tous les jours. Elle peut aussi prendre une part importante dans le sport auto donc je suis au début du projet, je développe la voiture aujourd’hui, je ne peux pas être mieux placé au niveau de cette nouvelle technologie. »
Après deux apparitions à Spa et à Portimão en 2019, on la reverra sur un meeting en 2020 ?
« Nous avions pour objectif de l’aligner en course en fin d’année comme, par exemple, sur un meeting de Michelin Le Mans Cup. Avec cette coupure due au virus, il y a encore pas mal de développement qui doit être mis en place sur la voiture et tester. On la verra en piste, c’est certain comme on l’a fait en 2019. Après difficile de savoir si on la verra en course. Si on se sent prêt, très bien, mais on ne veut pas précipiter les choses. Entre Spa 2018 et Spa 2019, nous avons gagné sept secondes. Je pense que l’on va la voir de plus en plus. »
Quelles sont les sensations au volant ?
« C’est un mix Proto / GT car c’est quand même une voiture qui est très lourde. C’est justement autour du poids que se concentre notre développement. Avant, ce n’était pas l’objectif n°1, le principal étant que la voiture fonctionne. Le but est maintenant de la rendre performante et le poids va être la cible n°1. Ils ont déjà travaillé dessus, gagnant quelques centaines de kilos. En termes de pilotage, la voiture fait quand même un petit bruit et cela ressemble à la Formula E. On entend le bruit des pneus, il y a aussi un petit sifflement, on entend quand on touche le vibreur. C’est vrai qu’au début c’est assez bizarre de ne pas avoir de bruit, mais on est concentré sur ce que l’on a à faire et, à un moment, on oublie ce paramètre. Cela ne m’empêche pas d’aimer le bruit et le sport auto comme il est aujourd’hui aussi (rire). Tout évolue, donc à un moment ou un autre, il va falloir s’adapter. Au volant, ne pas avoir de bruit ne me dérange pas plus que cela et j’arrive à me faire plaisir avec cette auto car j’aime la technique, j’aime comprendre et là je suis servi car il y a beaucoup de manipulations à faire quand on est au volant. Il reste beaucoup de choses à explorer, le but est de montrer que cette technologie peut et va fonctionner. »