Olivier Lombard est désormais pilote développeur du prototype hydrogène de Mission H24 dont le nom de code est LMPH2G. L’ancien vainqueur des 24 Heures du Mans 2011 en LMP2 (sur la Zytek Z11SN de Greaves Motorsport avec Karim Ojjeh et Tom Kimber-Smith) était à Spa il y a deux semaines pour les premiers tours de tours en compétition de la voiture. Il partageait alors le baquet avec Norman Nato.
Comment êtes vous arrivé dans ce projet ?
« Cela fait déjà six ans que je suis impliqué, c’est-à-dire depuis les tout premiers tours de roues de l’ancienne voiture de Green GT. Je suis arrivé dans ce projet grâce à Jean-Michel Bouresche qui est le directeur Général de l’équipe H24Racing. J’avais déjà fait des essais avec son écurie au Mans en Formula Le Mans puis j’avais disputé une course avec eux. C’est comme cela que j’ai noué les contacts avec lui. Un jour, il m’a appelé en me disant qu’il y avait une entreprise, Green GT, il m’y a placé pour pouvoir commencer à développer l’ancienne auto et je suis resté. J’ai depuis réalisé tout le développement de la voiture actuelle issue d’une collaboration entre Green GT et H24 qui a commencé en février 2018 avec une présentation officielle ici à Spa en septembre de la même année. Je peux dire que je commence à avoir pas mal d’expérience avec l’hydrogène. »
Est-ce quelque chose qui vous occupe beaucoup ou est-ce du coup par coup au niveau des essais ?
« Cela dépend surtout des périodes. Par exemple, en 2018, nous avons eu quelques quatre à cinq jours d’essais par mois et à des endroits différents. Nous avons donc beaucoup roulé à ce moment là car nous avions beaucoup de choses à tester. On s’est aussi concentré à faire des essais sur des circuits différents comme Estoril, Barcelone et un autre circuit en Espagne. Le but était d’avoir des configurations différentes, on roulait une fois par mois. C’est donc assez prenant avec les préparations, les débriefings et les essais, ainsi que les déplacements. »
Que pouvez-vous nous dire sur la voiture ?
« Il s’agit donc d’une voiture propulsée électriquement et qui fonctionne à l’hydrogène. Elle est sur une base de prototype et l’idée est de faire une voiture de course performante qui n’a pas besoin de se recharger pendant des heures. L’hydrogène était la seule solution. Le principe est très simple : c’est une réaction électrochimique. D’une côté, on a l’oxygène, de l’autre l’hydrogène, tout cela à haute pression et cela produit de l’électricité. Nous la récupérons et elle va au moteur. C’est comme cela que cela fait avancer la voiture, en produisant de l’énergie. Au contraire d’une voiture à batteries qu’il faut tout le temps recharger, on met de l’hydrogène grâce à la station mobile et c’est reparti, la pile à combustible fait son boulot, c’est à dire fournir de l’électricité à la batterie et au moteur ! Le but de cette voiture et de ce projet est donc de promouvoir cette technologie et de pouvoir faire les 24 Heures du Mans en 2024. »
Vous avez connu le thermique, vous avez même remporté les 24 Heures du Mans en LMP2. Quels sont les différences avec l’hydrogène ?
« J’étais habitué au thermique, il y a eu un petit temps d’adaptation au début. L’une des différences majeures, selon moi, est de devoir gérer son énergie, un peu comme en Formule E. On ne peut pas se permettre de se dire que sur un tour, je vais tout donner, y aller à fond. A chaque tour, on est obligé de gérer. Il faut donc penser à ce que l’on va récupérer, ce que va nous fournir la pile à combustible et ce qu’on va consommer à chaque tour. Maintenir cet équilibre tout en essayant d’aller chercher la performance est la clé. Ensuite, cela reste un prototype, donc il n’y a pas de grandes différences au niveau du comportement. »
Et l’absence de bruit ?
« Il y a du bruit à l’intérieur parce que, pour envoyer de l’air dans la pile à combustible, nous avons un compresseur qui tourne à 110 ou 120 000 tours. »
Quelles sont les sensations au niveau pilotage ? Prenez-vous du plaisir ?
« Oui, ça va. Cela reste un châssis de prototype donc c’est assez performant. Le souci est que la voiture actuelle est lourde, on est à plus de 1400 kilos. Nous allons bientôt avoir des évolutions qui vont nous permettre de perdre des centaines de kilos. Du côté des pilotes, nous attendons cela avec impatience. En attendant, on doit gérer tout le temps ce poids dans la voiture et, à Spa, c’est chaud ! »
Est-ce trop tôt pour penser prendre part à des courses ?
« Je ne pense pas ! Même s’il y a un manque de performance, il n’y a que la course pour pouvoir booster un développement. Si on arrivait à faire une course de deux heures sans problème, ça serait déjà une victoire énorme. Il ne faut pas oublier que c’est une technologie toute récente. »
Vous venez de disputer deux séances d’essais libres à Spa dans le cadre de la Michelin Le Mans Cup. Quels enseignement en tirez-vous ?
« Qu’on aimerait aller plus vite (rire) ! Le sentiment général en descendant de la voiture est que l’on a vraiment envie que cela progresse pour pouvoir se dire que l’on va aller chercher les autres concurrents devant nous. Quand je les vois me doubler, cela me booste pour qu’on travaille encore plus pour récupérer la différence en performance que l’on a par rapport aux LMP3 et GT3. »
Le fait de venir ravitailler à une station mobile, est-ce particulier ?
« Oui, ça l’est ! J’ai toujours été habitué à ravitailler dans des stands traditionnels, un coup d’essence, des pneus et ça repart. Là, il fallait faire tout un circuit dans le paddock pour ravitailler. D’habitude, cela nous prend bien plus de temps pour faire le plein d’hydrogène car nous n’avons pas de station mobile comme à Spa. Ici, on a fait un pas important car on recharge les réservoirs assez vite et de manière importante. Le dernier ravitaillement que l’on a fait en essais libres 2, c’était moins de cinq minutes. Pour sept à huit tours à Spa, c’est quand même pas mal ! »
Disputer les 24 Heures du Mans 2024 est l’objectif, mais est-ce vraiment réalisable ou est-ce un peu optimiste ?
« C’est faisable, mais tout dépendra des investissements futurs. Au niveau des évolutions, nous savons où elles se situent, après cela dépendra des moyens qu’il va falloir mettre. Pour moi, 2024 est une échéance tout à fait réalisable. »
On a pour le moment l’hybride en LMP1, l’électrique en Formula E et l’hydrogène avec la LMPH2G. Pensez-vous que c’est l’avenir ?
« Tout à fait et surtout l’hydrogène. La batterie peut convenir sur des petits circuits comme ceux empruntés par la Formule E. Ils ont tout compris, ils l’utilisent dans des endroits pertinents comme les villes. Après, sur un grand tracé comme Spa, ce serait impossible. C’est là que l’hydrogène est intéressant et encore plus sur des courses d’endurance car la technologie est vraiment mise à l’épreuve. Si on arrive à être au Mans en 2024, il est clair que cette technologie sera ensuite utilisée dans des voitures de route de monsieur tout le monde, je l’espère en tout cas. »
Etes-vous focalisé sur ce programme ou pensez-vous à rouler dans d’autres championnats ?
« Pour le moment, je ne fais que ça, mais j’aimerais bien essayer de trouver un volant pour l’année prochaine. Cela me permettrait de me remettre dans le rythme de course. J’avoue que cela me manque un peu. Faire du développement est assez particulier comme format et il me manque du roulage en conditions de course. C’est ce que je vais aller chercher cet hiver, pourquoi ne pas faire du LMP3… »