En ce 1er janvier 2021, on ne va pas vous annoncer que Ferrari sera au départ des 24 Heures du Mans 2023 dans la nouvelle catégorie Le Mans Hypercar. On peut juste vous dire que ça travaille du côté de Maranello pour venir enfin se battre pour la victoire au général aux 24 Heures du Mans. Alors Hypercar ou LMDh ? La dernière victoire de la marque italienne remonte à 1965 avec Masten Gregory et Jochen Rindt. Bien sûr, il y a eu de nombreux succès en GTE ces dernières années mais pas pour le scratch. Les F40 et 333 SP n’ont pas brillé en terre sarthoise.
Deux options sont possibles : Hypercar qui signifierait pas de programme aux Etats-Unis ou LMDh sur un châssis qui ne serait pas badgé Ferrari mais qui permettrait de rouler des deux côtés de l’Atlantique à moindre coût. Si la catégorie GTE venait à disparaître à l’horizon 2024, on voit mal Ferrari rester en dehors du coup. Vous allez nous dire que ça fait une décennie qu’on vous dit que Ferrari va arriver dans la catégorie reine et vous avez raison. Ferrari au Mans, l’Arlésienne ?
Le 13 juin 2009, Luca di Montezemolo, patron de Ferrari, donne le départ des 24 Heures du Mans où sont engagées pas moins de dix Ferrari 430. Stefano Domenicali, alors à la tête de Ferrari F1, est lui aussi du déplacement. Même Fernando Alonso, qui allait piloter pour Ferrari en 2010, devait faire le déplacement. “La Formule 1 reste la priorité”, s’était contenté de déclarer Luca di Montezemolo.
Il faut attendre 2012 pour voir dans nos colonnes une possible arrivée de Ferrari au Mans. Le 25 mai 2012, James Glickenhaus annonce qu’il verrait bien sa P4/5, issue d’une Ferrari 430 GT2, sur la piste mancelle. James Glickenhaus tenait tout de même à préciser les choses : « Si nous arrivons à trouver les partenaires nécessaires pour financer le projet, il ira à son terme. Une chose est sûre, c’est une initiative totalement privée. Ferrari n’est impliqué en rien dans le programme. En revanche, il n’est pas exclu qu’un autre constructeur soit de la partie. » Pour voir Ferrari dans la catégorie reine, il faudra encore attendre.
Quelques jours avant Noël 2013, le sujet revient sur la table lors du dîner de fin de saison à Maranello, toujours via Luca di Montezemolo : « Poursuivre le développement en GT du transfert de technologie aux voitures de route a toujours été partie intégrante de notre activité. Nous avons gagné avec la 458 GTE, mais j’aime aussi l’idée de rouler au Mans dans la catégorie la plus élevée : qui sait, peut-être qu’un jour nous pourrons revenir et gagner, dire merci et revenir à la maison. Nous devrions peut-être prendre cette option en considération de façon sérieuse. »
Le patron de Ferrari avait précisé ses propos dans la foulée : « Même si les 24 Heures du Mans représentent un défi passionnant, ce n’est pas un objectif immédiat pour nous. Peut-être que nous pourrons en parler de nouveau dans trois ou quatre ans. » Un article du magazine allemand Auto Motor Und Sport indiquait une possible arrivée de Ferrari en LMP1 dès 2015. Encore raté…
En juin 2014, Fernando Alonso est chargé de donner le départ des 24 Heures du Mans. De quoi relancer les plus folles rumeurs. Le 4 juin 2014, Endurance-Info publiait un article indiquant l’intérêt de Ferrari pour la catégorie reine du fait de l’intérêt technologique du LMP1 et de la diminution du personnel en Formule 1. Quelques mois plus tôt, Fernando Alonso avait été pris en flagrant délit d’espionnage de l’Audi R18 e-tron quattro lors de la soirée FIA. Le couperet tombe le 14 juin avec une déclaration de Luca di Montezemolo dans le Wall Street Journal : « Bien sûr, nous ne pourrons pas être présent en Endurance et en Formule 1. Ce n’est pas possible. » Le patron évoquait une possible arrivée en 2020, soit six ans plus tard. Pourtant, le déploiement de moyens au Mans Classic de Ferrari en 2014 aurait pu laisser penser que quelque chose se tramait. Toujours raté…
« Il n’est pas prévu d’arriver en LMP1 à court terme » nous confiait-on chez Ferrari en octobre 2014. « L’Endurance tenait à cœur de Luca di Montezemolo. A l’heure actuelle, la Formule 1 occupe beaucoup de ressources. Pour rajouter un programme aussi important que le LMP1, il faudrait mettre en place une nouvelle structure dédiée. Cependant, l’intérêt est là, c’est certain. »
La suite a été plus calme au niveau des rumeurs même si Ferrari a utilisé à plusieurs reprises l’argument de l’Endurance en guise de mécontentement des règles en Formule 1. Il aura fallu attendre l’arrivée de la catégorie Le Mans Hypercar pour que les rumeurs reviennent. « Franchement, nous avons face à nous un moment stratégique important car avoir la même plateforme pour le WEC et l’IMSA est une bonne opportunité », déclarait Antonello Coletta en février 2020. « Mais nous devons comprendre exactement les nouvelles règles sportives et techniques. Dans la foulée de Sebring, nous aurons tout ce qu’il faut devant nous pour décider si nous avons une chance de fabriquer une voiture ou non. Bien entendu, pour Ferrari, il est important d’avoir une ligne directe avec les voitures de route. Par définition, l’endurance est l’occasion d’avoir un lien direct, comme la 458, la 488 et toutes nos voitures du passé. Maintenant, oui, les prototypes sont des voitures différentes, mais cela dépend de ce que nous pouvons mettre sur la voiture. Oui, ok, il y a le moteur, mais les autres solutions ne sont pas complètement claires. »
Le patron de la compétition GT chez Ferrari n’écartait aucune hypothèse dans la foulée de la validation de la plateforme LMDh : « Le problème le plus important suite à cette annonce est la différence de coût entre le LMDh et l’Hypercar. Le budget dont nous avons besoin pour faire une saison en LMDh sera plus ou moins le même que le GTE. C’est parfait pour nous car l’Hypercar est plus cher. Mais dans d’autres domaines, est-ce que l’Hypercar pourra rouler à Daytona ? Ce n’est pas sûr… Si vous prenez toutes les pièces de la DPi, les coûts seront bas car ce sont les mêmes freins, le même système hybride, la même suspension. Mais cela pourrait être l’occasion de fabriquer un châssis. Mais nous ne savons pas si cela est possible car nous savons que la voiture des Etats-Unis peut aller au Mans mais nous ne savons pas si l’Hypercar européenne pourra aller aux Etats-Unis. C’est une autre question sur la table. »
En mai dernier, Mattia Binotto, qui dirige Ferrari F1, expliquait que l’Endurance et l’IndyCar faisaient partie des pistes à l’étude. Deux mois plus tard, Ferrari confirmait le début d’une analyse technique avec une proposition qui devait être faite au conseil d’administration fin 2020.
Entre LMH et LMDh, Ferrari réfléchissait encore à ce qui serait le mieux pour le constructeur de Maranello, comme le déclarait Coletta l’été dernier : « Nous évaluons les avantages et les inconvénients. Il y a eu des changements dans les spécifications techniques des deux configurations. Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour dire laquelle sera la plus attractive. Evidemment, Ferrari est un constructeur, donc ce serait préférable de produire entièrement la voiture, mais il n’en demeure pas moins que c’est trop tôt pour dire quelque chose de définitif. »
Si Ferrari choisissait la voie du LMH, ce serait alors avec son propre châssis et non en faisant appel à un prestataire externe : « Si Ferrari décide de fabriquer une voiture LMH, il serait très étrange de prendre un châssis ailleurs. Sinon, cela signifierait courir dans la configuration LMDh où le châssis est produit par l’un des quatre fabricants sélectionnés. Si Ferrari devait prendre la direction du LMH, alors ce serait pour construire la voiture car la marque a les moyens, les compétences et la technologie pour le faire. »
Les visuels de Ferrari pour la catégorie Le Mans Hypercar ont germé dans la tête de beaucoup de designers. Espérons que le virtuel cède maintenant sa place au réel. Si jusqu’à maintenant Ferrari a raté le coche, les choses pourraient bien changer…