C’est au soir d’une Pole Position acquise sur les pentes de l’Eifel que nous avons rencontré Pascal Vasselon, le directeur technique de Toyota Motorsport. Une Pole un peu surprenante sur un circuit du Nürburgring qui, techniquement, ne convient a priori pas à la Toyota : « Nous travaillons toujours en vue d’aller chercher la Pole mais sur ce circuit, nous ne nous y attendions pas forcément. C’est une piste d’accélération-freinage principalement sur laquelle nos deux systèmes KERS récupèrent beaucoup trop d’énergie par rapport à celle que nous avons le droit de restituer. Nous sommes donc obligés d’en restreindre le fonctionnement ce qui nous pose à la fois des problèmes d’équilibre de la voiture et de température des freins. Ces derniers sont conçus et dimensionnés pour fonctionner avec la récupération d’énergie nominale. Lorsque nous diminuons celle-ci, ils vivent des moments difficiles… Dans le cas de Porsche, nous pensons que cela les aide au contraire car ils peuvent utiliser le KERS au maximum de ses possibilités et réduire ainsi l’apport de la récupération d’énergie sur les gaz de combustion. Ce qui améliore également le rendement de leur moteur thermique. »
Pour autant, la Pole ne constitue pas réellement un signe annonciateur de quoi que ce soit. « Cela prouve quelque chose mais ça ne nous donne pas réellement de clé de compréhension de ce qu’il va se passer en course… Si l’on se basait uniquement sur les essais libres, nous aurions pu penser que nous aurions été derrière or nous sommes devant donc il est vraiment très difficile d’extrapoler sur ce qu’il va advenir en course. » De même, il ne faudra pas au soir de celle-ci, penser avoir des indices quant au déroulement de la fin de saison. « Nous aurons quelques données que nous pourrons extrapoler, c’est certain. Mais cette piste est vraiment trop à notre désavantage pour que nous puissions en tirer des conclusions définitives. »
Avec les rumeurs concernant un possible départ de Porsche à la fin de la saison, Pascal nous a confirmé que Toyota restait fermement engagé en 2018 dans les conditions connues à ce jour. « Evidemment, nous préférerions avoir de la concurrence et ce ne serait pas bon que Porsche s’en aille. Qu’adviendrait-il au niveau de nos décideurs si la situation actuelle changeait ? Je n’en sais rien. Pour l’instant, ce ne sont que des rumeurs encore récentes, ce n’est pas un fait avéré et il est donc encore prématuré pour nous de réfléchir aux conséquences. Mais si la rumeur dit vrai, ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle… » Même le fait de poursuivre le développement de la technologie n’aurait pas beaucoup de sens en l’absence d’’adversaire « car on ne sait vraiment à quel niveau on se situe que lorsque l’on se confronte à un adversaire. Mais nous pensons ou espérons que Peugeot va réellement s’engager à l’avenir donc cela pourrait motiver notre présence. Cependant, il est vraiment difficile de parler de cela à l’heure actuelle car ce n’est qu’un amoncellement d’hypothèses. »
Le règlement 2020 annoncé récemment se doit de permettre une ouverture à de nouveaux constructeurs « sinon, nous aurions fait un mauvais travail en commission. » De nombreux doutes ont été émis quant au fait que ce règlement permette de réelles économies budgétaires. « Mais notre position chez Toyota a toujours été de dire qu’avant de s’occuper des problèmes de budget, il fallait en premier lieu s’occuper de maintenir un véritable intérêt technologique. Il est fondamental pour nous que le WEC nous permette de démontrer la validité de technologies cohérentes avec la voiture de tous les jours. Si nous vidons le WEC de cet aspect, pour nous, cela deviendra de toute façon trop cher. Nous en avons besoin. Mais une fois le cadre technologique défini, nous souhaitons effectivement diminuer les coûts le plus possible. C’est un équilibre difficile mais nous devons y parvenir. »
Dans ce but, le système de recharge rapide des batteries annoncé dans le règlement 2020 serait probablement commun à tous les constructeurs afin d’en réduire le coût. « Ce kilomètre parcouru en tout électrique nous permettra probablement de montrer en piste, les voitures de course électriques les plus rapides du moment. Cela n’ira pas sans nous poser quelques problèmes notamment de refroidissement car il y a un monde entre parcourir, comme aujourd’hui, quelques centaines de mètres dans les stands à 80 km/h et abattre un kilomètre sur un rythme de course. Mais c’est un challenge technique intéressant pour un ingénieur ! Notre service hybride est ravi de devoir se pencher sur un tel problème. Cela nous obligera à développer des technologies qui seront réellement en phase avec les contraintes de la voiture de série. »
Cette recharge rapide ne passera pas par un changement de batteries « car cela ne constituerait pas un message positif pour les plug-ins hybrides. Non, il s’agira bien d’un système externe de recharge rapide qui ne prendra que quelques secondes. Il reste à bien définir les conditions de sécurité pour ce ravitaillement électrique. Mais on ne parle là que de 5 à 6 secondes de recharge probablement, en fonction de la charge restante lorsque nous rentrerons aux stands. Je ne dirai pas que la compétition a besoin de ce challenge mais c’est très cohérent de ce qu’il se prépare pour la voiture de Monsieur Toutlemonde. Nous sommes très satisfaits de la direction qu’a prise l’ACO avec le règlement 2020. »
Dans une deuxième partie de cette interview, nous reviendrons en détail sur les dernières 24 Heures du Mans si douloureuses pour Toyota.