Pascal Witmeur : “Au Mans, j’étais comme un enfant dans Michel Vaillant”

Véritable trublion des circuits avec au minimum cinq idées à la seconde, Pascal Witmeur a forcément des anecdotes à raconter sur ses participations aux 24 Heures du Mans. Réussir à mettre une monoplace aux couleurs de Plastic Bertrand, faire venir Jermaine Jackson, le frère de qui vous savez, au Mans, disputer les 24 Heures de Spa au volant d’un Peugeot 806 ou participer au Dakar sur une Fiat Panda avec Plastic Bertrand n’est pas donné à tout le monde. Avec sept participations aux 24 Heures du Mans, dont quatre sur Rondeau, le pilote belge a toujours joué la carte de l’innovation pour être au départ. L’une des figures les plus attachantes du paddock est revenu avec nous sur ses Le Mans avant de suivre cette année Dries Vanthoor et Stéphane Lémeret, tous deux rookies belges aux 24 Heures du Mans.

#240 BMW RACING AGAINST CANCER (BEL) BMW Z4 GT3 PASCAL WITMEUR (BEL) MARC DUEZ (BEL)

Les 24 Heures du Mans ont toujours été un objectif ?

« Depuis mes débuts en compétition, j’ai toujours voulu rouler au Mans et même avant. Dès ma jeunesse, Le Mans m’excitait. Pour moi, cette course était synonyme de Michel Vaillant. A l’époque, il y avait beaucoup de belges au départ et plusieurs heures de la course étaient diffusées à la télévision. »

Tout a débuté en 1982 ?

« J’ai eu l’opportunité de rouler chez Christian Bussi sur une Rondeau avec la marque de chaussures Kickers comme partenaire. Je n’avais jamais roulé avec une auto équipée d’un moteur Cosworth. Mon premier tour était en 4.18 mn, le deuxième en 4.08 mn et le troisième en 3.58 mn. Dès mon arrivée au Mans, j’ai été conquis par l’ambiance de cette course. J’étais comme un enfant dans Michel Vaillant. Kickers n’avait pas vocation à aller au Mans. Je gérais le budget communication de Kickers Belgique dans une agence de publicité. Avec l’équivalent de 20 000 euros, nous sommes allés au Mans. Je me souviens qu’on avait cassé un embrayage. De colère, Christian Bussi avait jeté une pièce dans le stand. On a mis au moins 30 minutes pour la retrouver. L’embrayage était mort et il a fallu la pousser pour pouvoir partir des stands. Malheureusement, le feu à la sortie était rouge. J’ai alors commencé à zigzaguer pour gagner du temps (rire). Une sacrée bonne ambiance cette année-là. Christian m’a ensuite fait rouler aux 1000 km de Spa plus tard dans l’année. »

Il y a eu ensuite l’histoire de la tombola…

« La deuxième année, j’ai roulé à nouveau pour Christian Bussi. Ensuite, j’ai rejoint Jean-Philippe Grand, toujours sur une Rondeau. Avec Jean-Paul Libert, mon coéquipier belge, nous avons mis en place une tombola en achetant un encart publicitaire dans Auto Hebdo. Le but était d’organiser un tirage au sort durant une soirée festive en Belgique. Léon Zitrone est venu lui-même effectuer le tirage du sort. Le vainqueur gagnait ses couleurs sur l’auto au Mans, le deuxième aux 1000 km de Spa et le troisième avait son nom sur les combinaisons. On a bien failli remporter la catégorie C2 mais nous avons dû lever le pied pour ne pas dépasser le quota de carburant alloué. Au final, nous avons pris la 2e place derrière une Lola T616. »

Aller au Mans en 1986 avec une BMW M1 n’était pas un pari trop risqué ?

« Absolument pas car nous avons remporté le Groupe B. C’était l’ancienne BMW M1 Procar de Nelson Piquet. L’auto était vendue à l’issue de la course et son prix dépendait forcément du résultat final. Il y avait un prix si on gagnait, un autre si on terminait et un autre si on abandonnait. Nous étions en tête et le joint de culasse a cédé. On pouvait tout de même gagner si on repartait pour un ultime tour. Jean-Paul Libert a alors repris la piste avec une auto pour le moins fumante. Il passe la ligne à 15h59 et se voit donc obligé de boucler un tour supplémentaire. On gagne, on monte sur le podium, on s’embrasse. J’entends alors que le directeur sportif est convoqué en direction de course. Nous avons été déclassés car le dernier tour a été réalisé avec un temps de trois fois supérieur à celui des essais. Nous avons donc gagné Le Mans un court instant. »

Place ensuite à Venturi puis Ferrari…

« Je suis revenu au Mans en 1994 grâce à Stéphane Ratel. A l’époque, je disputais le Venturi Trophy. Il y a eu ensuite la Ferrari 333SP où nous avons monté une opération aux couleurs de la Belgique. 1001 belges devaient s’acquitter de 600 euros. L’idée était de faire rouler un Flamand (Goossens), un Bruxellois (Bachelart) et un Ardennais (van de Poele). L’auto avait fait le meilleur temps des essais préliminaires. La présentation de l’auto a eu lieu en présence du Roi et de la Reine pour les 100 ans du RACB. Il y a eu un tirage au sort. Si une société l’emportait, elle pouvait inviter 100 personnes en avion au Mans. Si c’était un anonyme, il gagnait une Ferrari toute neuve et c’est ce qui est arrivé. »

Il y a eu l’aventure Jermaine Jackson. Comment peux t-on en arriver faire venir un des Jackson Five au Mans pour monter en passager d’une Rondeau ?

« A cette époque, je travaillais avec Plastic Bertrand et Jermaine Jackson était invité sur une émission de télévision. J’ai tenté le tout pour le tout en allant dans sa loge avec une idée en tête. Je savais qu’il avait des Ferrari et donc qu’il aimait les voitures. Je lui ai expliqué l’histoire de la tombola du Mans. Il a été séduit mais je pense qu’il n’avait rien compris à mon histoire. J’ai donc mis le tout par écrit sans avoir la moindre nouvelle de sa part. Alors que je n’y croyais plus, il est revenu vers moi en me disant qu’il voulait participer. Il a voulu acheter tous les billets pour être certain de gagner. On est devenu copains par la suite. Nous sommes venus au Mans en avion privé pour monter quelque chose avec Jean Rondeau. Un gros service d’ordre était là avec plusieurs voitures pour aller au circuit. On part du restaurant mais quand on arrive, pas de Jermaine Jackson. Tout le monde pensait qu’il était dans l’une des voitures mais ce n’était pas le cas. En fait, il était allé aux toilettes juste avant de partir et personne n’a contrôlé qu’il était bien dans une voiture. Il a dû prendre un taxi pour venir au circuit. »

Une fois de plus, vous aviez une idée en tête ?

« Je voulais engager une auto à l’image de la campagne Benetton. Jermaine était sensible à la lutte contre le racisme. L’idée était de mettre en place un équipage multiracial composé d’un blanc, d’un noir et d’un asiatique. Benetton USA était sur les rangs, tout comme Pepsi. Malheureusement, le projet n’est pas allé à son terme car les avocats des Jackson Five demandaient beaucoup trop d’argent. »