Stéphane Ratel, Pierre Fillon et Patrick Peter sont sur des créneaux différents mais les trois partagent une chose : la passion du sport automobile. Le premier est le maitre incontesté du GT, le deuxième gère la plus grande course d’endurance au monde et le troisième est indissociable du monde de l’historique.
Après avoir lancé avec succès le BPR, Patrick Peter a été le maitre d’oeuvre du lancement des Le Mans Series avant de se concentrer sur l’historique. Les meetings Peter Auto sont garnis pour le plus grand plaisir des concurrents. Si vous cherchez Patrick Peter sur une des courses, n’espérez pas le trouver dans un quelconque bureau. Vous le verrez en discussion avec ses clients ou dans les zones publiques pour voir ce qui peut être amélioré. Espiritu de Montjuïc a lancé la saison historique à Barcelone le week-end dernier où plus de 200 autos étaient en piste pour le plus grand plaisir des spectateurs et des concurrents. Entre deux plateaux, Patrick Peter nous a reçu pour un long entretien à Barcelone…
Comment se présente la saison 2018 chez Peter Auto ?
“Nous avons 215 autos ici à Barcelone, soit une augmentation de 50% par rapport au meeting de Jarama. Le circuit est magnifique avec une piste refaite à neuf. Cette saison, nous avons que des belles pistes avec Barcelone, Spa, Dijon, Le Mans, Le Castellet et Imola. Finalement, nous organisons peu de meetings dans l’année. Plusieurs de nos concurrents roulent sur différents plateaux, ce qui fait que pour eux les meetings sont bien remplis. Ils veulent rouler le plus possible.”
Tous les feux sont donc au vert ?
“Nos meetings se portent bien. Nous avons débuté en soutien des évènements Le Mans Series. A l’époque, nous n’avions pas de quoi alimenter deux jours de roulage. Petit à petit, les choses ont évolué. Nous avons repris récemment le Group C qui a eu un peu de mal en 2017 mais le plateau est alléchant cette année. La seule déception reste la F2 où on doit arriver à avoir au moins une quinzaine d’autos.”
Vous êtes réputé pour être très précautionneux concernant les autos qui roulent dans vos championnats. N’est-ce pas trop compliqué à faire accepter aux concurrents ?
“On se doit d’être strict sur le sujet de l’éligibilité. Si on fait rentrer une auto qui est en dehors des clous, on en perd deux. On a eu des vraies Matra comme des Alfa Romeo 33. Nous sommes certainement l’organisation la plus attentive à l’éligibilité des autos. On a des pièces exceptionnelles.”
Quel est l’accueil réservé à la Matra MS650 qui a été refaite à neuf ?
“Tout ce qui est ‘continuation’ doit être signalé. Il faut y mettre un ‘C’ à l’arrière des autos afin de ne pas tromper le spectateur. Nous agissons de la sorte au Tour Auto avec la Ferrari 308 Gr4. Si l’auto est seule, elle peut rouler normalement. Si elle est avec d’autres concurrents, un handicap est appliqué. Même si les autos ont été reconstruites à l’identique de celles d’époque, les tolérances de montage ne sont pas les mêmes. Les autos sont plus rigides. Si on a une auto de 500 000 euros en piste face à une qui coûte 5 millions, laquelle va freiner la première ? L’intérêt de conservation n’est pas le même.”
Comment se présente Le Mans Classic ?
“Nous sommes en hausse sur la billetterie. Tous les plateaux sont complets. On a eu 800 demandes pour 500 places. Nous avions quelques difficultés à remplir le plateau 1 jusqu’à maintenant, mais nous pouvons compter cette année sur 75 autos.”
Vu l’engouement, passer sur un évènement annuel serait envisageable ?
“Fermer les Hunaudières tous les ans serait trop compliqué. On a une trentaine de nationalités au Mans Classic. Pour beaucoup, cela demande une participation financière importante. Un évènement tous les deux ans est parfait pour tout le monde. Nous avons déjà obtenu l’ouverture du grand circuit le vendredi matin depuis 2016. Il a fallu plusieurs années pour obtenir cette autorisation. Aujourd’hui, Le Mans Classic, c’est trois jours de roulage sur le grand circuit.”
Est-il possible d’avoir encore plus de plateaux ?
“On ne peut pas en avoir plus de six sous peine de réduire les autres. Maintenant, nous avons un produit qui fonctionne bien avec des courses de 3×45 mn en plus des essais. Néanmoins, je reste très attentif à rajeunir les choses. Si on veut un public plus jeune, il faut l’attirer. Le plateau du Group C ne cesse de grossir avec plus de 50 autos. On va leur trouver un lieu spécifique sur le circuit. On pousse petit à petit les animations du fait de l’expansion de la manifestation. Toutes les Group C seront au Garage Vert et elles rejoindront les stands au moment du roulage.”
Voir des autos de l’ère post Group C est à l’étude ?
“Personnellement, je n’ai pas envie de voir des courses après l’époque Group C. Elles pourraient en revanche rouler en démonstration. On fera cela à Spa, Dijon et au Castellet. On y va étape par étape. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne rejette rien.”
L’engouement pour les voitures historiques ne cesse de grandir. Pensez-vous que l’avenir passe par l’historique ?
“Aujourd’hui, la FIA considère que l’historique va jusqu’au début des années 90. Ensuite, les technologies ne sont plus les mêmes. On ne peut pas avoir le même matériel et la même commission. En revanche, avoir un groupe spécial serait une bonne idée. C’est important de faire venir des autos modernes. On ne doit pas avoir des spectateurs de 50 ans. L’évolution n’est pas facile à mettre en place.”
Quel est votre regard sur le sport automobile moderne ?
“Pour être franc, je ne regarde pas les courses. Je n’ai pas vu un GP de F1 depuis 20 ans. Lorsque j’ai quitté l’endurance, j’y suis retourné une seule fois et c’est très désagréable d’être spectateur quand on a été acteur. On ne se sent pas à sa place.”
Vous avez d’autres projets en tête ?
“Même avec l’historique, on peut toujours innover. L’innovation fait avancer les choses. De nos jours, tout va de plus en plus vite. On finalise déjà 2019. Nos besoins sur les circuits grandissent.”
Un plateau vous plaît plus qu’un autre ?
” (il réfléchit). J’aime bien le Greatest’s Trophy. Pour moi, un châssis court Ferrari fait partie de ce qu’il y a de mieux. Rajouter un plateau d’autos d’avant-guerre me plairait bien mais j’ai conscience du défi. Il faut faire en fonction des circuits. Dijon n’est pas vraiment adapté pour les Group C alors que le tracé serait parfait pour des autos d’avant-guerre.”
Vous êtes confiant sur l’avenir du sport automobile ?
“Je suis confiant pour notre activité mais aussi pour celle du GT car les autos font rêver. C’est l’équivalent de ce qu’on a connu avec la Jaguar Type E dans le passé. Les 24 Heures du Mans fonctionneront toujours. Les épreuves majeures perdureront car elles sont mythiques. Les autos de rêve attirent les fans. Dans les années 60, le Tourisme faisait la part belle aux Jaguar Mk2, en 1970 c’était la BMW 3.0 CSL, en 1980, la BMW 635. Ces autos n’étaient pas celles de votre voisin.”
Pourtant, l’automobile semble avoir de plus en plus de mal…
“Il y a l’automobile et le sport automobile. Ce sont deux choses différentes. L’automobile est un outil de liberté extraordinaire. On essaie de nous expliquer que le covoiturage et les transports en commun doivent remplacer l’automobile. Ces deux modes de transport sont pratiques mais différents. Il y aura toujours une place pour l’automobile. En dehors de Paris et des grandes villes, on ne se pose pas la question.”