“La victoire n’est jamais le résultat d’une démarche individuelle et anonyme, elle est toujours le fruit du travail acharné d’une équipe et d’une communication efficace.” Cette phrase de Philippe Sinault résume en peu de choses l’équipe Signature devenue Signatech. Mettre un gamer au départ des 24 Heures du Mans, c’est Signatech. Ramener Alpine au Mans, c’est encore Signatech. Mettre une Alpine dans la catégorie reine au Mans, c’est toujours Signatech. On peut y ajouter l’idée de développer une A110 en trois versions pour la compétition. Si vous dites à Philippe Sinault “Philippe, t’es pas cap…”, vous avez perdu d’avance.
En 12 participations aux 24 Heures du Mans, l’écurie berruyère articulée autour de Philippe Sinault, Lionel Chevalier et Jean-Pierre Tallan a vu l’arrivée à dix reprises, dont trois victoires de catégorie, toutes avec Nico Lapierre. Et qui sera dans l’Alpine A480 cette année dans la catégorie reine du WEC et au Mans ? Nico Lapierre. La concurrence est prévenue. Lors d’un passage dans les ateliers Signatech, Philippe Sinault a répondu à quelques-unes de nos questions pêle-mêle.
Pour parler vulgairement, c’est tout de même couillu de rouler dans la catégorie reine dans une période comme celle que l’on traverse…
“C’est dans une période trouble comme celle que l’on vit quotidiennement que les cerveaux moulinent le plus. Pour nous, c’est de passer dans la catégorie Hypercar cette année. Tout le monde a conscience que le contexte est compliqué, mais après huit ans en LMP2, c’est le moment de se lancer dans le grand bain. On dort la nuit, mais on mouline beaucoup. Je remercie tous les jours nos promoteurs et la Fédération.”
Comment vous est venue cette idée de rouler en Hypercar cette année ?
“J’y ai pensé l’hiver dernier en épluchant les règlements, mais pour cela il fallait l’auto et le budget. C’était tellement évident de prendre une ORECA même si maintenant c’est bien une Alpine. Hugues de Chaunac a grandement facilité les choses. Quand tu as un beau projet et une belle histoire à raconter, le budget est plus “facile” à décrocher. L’apport de Nico (Lapierre) est primordial, André (Negrão) connaît parfaitement l’équipe et Matthieu (Vaxiviere) est dans l’esprit de l’écurie. Beaucoup de pilotes m’ont appelé pour rouler. Il fallait trouver le meilleur compromis possible pour réunir le budget. C’était tentant de prendre un pilote payant, mais il ne faut pas oublier qu’il y a un projet sportif derrière. Alpine a vite adhéré au projet, ce qui est bon signe pour l’avenir.”
Il fallait rouler en 2020 ?
“Quand j’ai vu qu’il était possible de respecter nos engagements, j’ai compris que la saison était sauvée. Tout le monde a été intelligent et a réfléchi ensemble. Il est là le vrai exploit. Tout le monde a joué l’intérêt collectif, ce qui nous permet de toujours exister.”
Installer et développer Signature à Bourges était tout de même un risque car on est loin de tout ici, non ?
“(Il sourit) Ici, il y a toujours eu une dynamique. Paris n’est pas très loin (2h30, ndlr) et dans un rayon de 300 km, les circuits sont nombreux. Peu importe l’endroit où on s’établit, le meilleur fond de commerce est de remporter des courses. L’entreprise a été créée en 1990 et tout s’est vite développé. Au début, nous avions l’équipe de course basée au Paul Ricard et les bureaux ici à Bourges. Les deux ont été regroupées fin 1999.”
Aucun regret à ne pas avoir amené Signature en Formule 1 ?
“Jordan est le dernier artisan à avoir tenté sa chance en F1. Signature a toujours fait des programmes de haut niveau, dont 23 ans en Formule 3. Former des jeunes a été génial. Je regrette la Formule 3 de l’époque, mais je retrouve cet esprit en Endurance. Quand nous sommes arrivés, nous avons fait confiance à Pierre Ragues, Didier André et Franck Mailleux. Tout le monde pensait que j’étais fou car aucun n’était aguerri à la discipline. J’ai eu le droit à un discours identique quand on a pris Paul-Loup Chatin, Nelson Panciatici et Gustavo Menezes. Si la jeunesse est bien encadrée, elle peut aller vite.”
Vous avez des regrets ?
“Aucun ! Je n’ai pas le droit d’avoir le moindre regret. A l’époque, il fallait prendre le virage GP2 ou Endurance. Notre ADN est un peu le marketing. Quand je démarchais des partenaires, je leur donnais un DVD du film “Le Mans” avec Steve McQueen. J’en ai encore quelques-uns en stock. Si je devais le faire maintenant, ce serait “Le Mans 66″. Il faut des histoires à raconter. On a besoin de trouver des idées et de se mettre des challenges. J’agissais déjà de la sorte dans la cour de récréation.”
Mais au fait, comment êtes-vous arrivé à Bourges ?
“Bourges avait une grosse activité militaire et mon père était artilleur. Il est venu terminer sa carrière ici alors que j’avais 9 ans. Je n’en suis jamais parti.”
Combien de personnes travaillent ici ?
“L’effectif varie entre 40 et 48 personnes. Il y a trois entités : Signature Technologies Racing qui gère le prototype, Signature Engineering qui s’occupe de monter les Alpine A110 GT4, Cup et Rally, et Signature Frissons qui fait dans l’événementiel et gère l’Alpine Elf Europa Cup.”