Chaque début de saison permet aux différents acteurs de prendre ses marques. Pour Michelin, 2021 est une année importante. La firme clermontoise met sur la piste les gommes réservées aux nouveaux prototypes de la catégorie Hypercar. Pour développer les pneus 2021, Michelin a travaillé en simulation de A à Z, qui plus est dans une période COVID-19 qui a compliqué les choses. Pierre Alves, manager de Michelin en FIA WEC, suit avec intérêt les premiers pas des Hypercars en compétition sur le tracé de Spa-Francorchamps. Le virtuel cède sa place au réel.
Pour Michelin, le 100% en simulation est une nouvelle façon de travailler ?
“C’est une nouvelle approche de développement. Jusqu’à présent, on s’appuyait beaucoup sur des essais réalisés sur circuit. Le règlement Hypercar est arrivé au moment du premier confinement. Nous avons donc beaucoup travaillé avec des logiciels de simulation. La gamme Hypercar est la première à avoir été conçue entièrement en simulation. Il a fallu créer des pneus pour une voiture qui n’existait pas encore physiquement.”
Avant le premier roulage avec Toyota, la tension devait être palpable ?
“On s’est de suite senti comme entremetteur entre l’auto et le pneu avec tout de même une certaine inquiétude car on ne savait pas où on en était. Le pneu n’avait pas fait le moindre kilomètre sur la piste. Le premier soir, Pascal Vasselon (directeur technique de Toyota Gazoo Racing, ndlr), qui connaît parfaitement le monde du pneumatique, a tenu à féliciter tout le monde en se montrant très impressionné. Il était loin d’imaginer un tel niveau de performance dès le début. Les échanges avec Toyota ont été nombreux.”
Il a tout de même fallu peaufiner ?
“Juste quelques ajustements au niveau de la balance avant/arrière. Nous aurions pu faire la saison avec le premier jet.”
Les pneumatiques de l’Alpine A480 sont différents ?
“Ils sont identiques à ceux de la Rebellion R13 en 2020 même si la voiture est légèrement différente compte tenu de la BOP.”
2021 est une année de rodage en Hypercar ?
“C’est une année pour apprendre. Les Hypercars sont plus lourdes avec une aéro différente d’une LMP1. La répartition des masses n’est pas la même, il faut donc en tenir sur les pneumatiques. Le pneu doit être capable de supporter les charges.”
Contrairement aux prototypes, les pneus ne peuvent pas être figés sur 5 ans…
“On s’autorise des évolutions pour la saison 2022. Il n’est pas possible d’avoir des pneumatiques identiques sur une durée de 5 ans. On ne parle pas d’améliorer la performance mais bien d’avoir une longévité accrue. Pour Michelin, c’est un vrai challenge technique. Nous espérons ensuite avoir un développement tous les deux ans. Aujourd’hui, le WEC comprend 6 courses sur des circuits que l’on connaît bien. Quand on développe un pneu, on regarde où il va rouler. S’il faut par exemple aller à Sao Paulo, les contraintes sont différentes.”
Glickenhaus Racing dispose de pneus spécifiques ?
“La taille est la même qu’auront les LMDh à l’avenir. Dans la catégorie Le Mans Hypercar, seules les Toyota GR010 Hybrid chaussent des pneus de dimension 31/71-18 à l’avant comme à l’arrière. Les autres voitures de la même catégorie ont quant à elles opté pour des montes asymétriques, nouvelles dans le monde de l’Endurance : 29/71-18 à l’avant, et 34/71-18 à l’arrière. Cette différence s’explique par les écarts de répartition des masses entre avant et arrière, suivant la technologie embarquée, les Toyota GR010 HYBRID étant les seules à faire appel à un système hybride.”
Le pneu hybride disparaît du catalogue ?
“Il fallait conserver trois spécifications pour les gommes slicks (soft, medium, hard, ndlr). On s’est aussi posé la question de savoir ce qu’on pouvait faire pour la planète. Le pneu hybride donnait entière satisfaction mais il n’était pas le plus utilisé. Nous avons donc développé un pneu pluie plus polyvalent avec une fenêtre d’utilisation plus large sur piste séchante. Toyota a pu tester le pneu au Paul Ricard où il n’était pas possible de rester en slicks. Ils ont pu boucler jusqu’à 65 tours dans ces conditions.”
En revanche, la gamme GTE reste identique ?
“Il n’y a pas d’évolution sur les pneumatiques en GTE. La nouveauté est l’arrivée de la Corvette C8.R en dehors des Etats-Unis. La Corvette roule ici avec les gommes du championnat IMSA, ce qui met un peu de piment car le circuit de Spa est différent de ce que l’on connaît aux Etats-Unis.”
Michelin poursuit en parallèleson travail avec MissionH24 ?
“Nous accompagnons le programme avec des pneus qui ne sont pas dédiés à ce prototype qui n’est pas encore la version définitive. Les gommes sont équivalentes à celles du LMP2 2020. Le produit est très performant.”
Un travail est fait sur l’écologie d’une façon plus générale ?
“Cela passe cette année par la suppression du pneu hybride, ce qui permet aussi de transporter moins de pneus sur les circuits. A l’avenir, réduire le nombre de pneus en course est privilégié. Sur les cinq prochaines années, nous allons travailler sur la chauffe des pneumatiques. On aimerait avoir des gammes qui permettent de partir en pneus froids. Le challenge est d’avoir des pneus qui peuvent entrer pleinement en action plus rapidement.”
Le SUPER GT reste le laboratoire technologique ?
“On introduit en GT500 des matériaux durables dans le pneu sans dégrader la performance. Là aussi, c’est un challenge pour nous-mêmes. Les technologies présentes dans la catégorie Hypercar ont été éprouvées en SUPER GT.”