Pierre Yver, né dans la Manche à St Lô en 1947, est un des pilotes comptant le plus de participations aux 24 Heures du Mans. Dans cette hiérarchie, il n’est devancé que par Henri Pescarolo (33), Bob Wollek (30), Yojiro Terada (29), Derek Bell (26), François Migault (25), Claude Ballot-Lena, Emmanuel Collard, Yann Lammers et Olivier Beretta (23). Avec 22 courses au Mans, il est donc dans le Top 10, à égalité avec Claude Haldi.
Ses 22 courses du Mans, il les a toutes faites consécutivement entre 1978 et 1999. Seuls Henri Pescarolo (30 courses d’affilée entre 1970 et 1999), Bob Wollek (28 courses entre 1973 et 2000), Yojiro Terada (28 courses entre 1981 et 2008), Emmanuel Collard (23 courses entre 1995 et 2017) ont fait mieux !
Signe prémonitoire peut-être : il a fait ses débuts en sport automobile à l’Ecole de Pilotage du Mans sur le Circuit Bugatti. Il a remporté le Volant Shell de l’ACO en 1972, a ensuite débuté en Formule Renault et a croisé le fer avec quelques noms célèbres puisqu’au nombre de ses concurrents à l’époque on peut citer Dany Snobeck, Jean-Louis Schlesser, Roger Dorchy, Richard Dallest, Jean-Daniel Raulet, Alain Couderc, Serge Saulnier, Marc Sourd, Xavier Mathiot, Jean-Luc Salomon, sans oublier, à tout seigneur tout honneur, Didier Pironi. Il y avait du beau monde en ce temps-là en Formule Renault et les Formules de Promotion justifiaient pleinement leur nom !
Actuellement confiné dans sa Manche natale – mais pas inactif comme on le verra plus tard -, Pierre Yver a eu la gentillesse de répondre à quelques questions à propos de ses participations aux 24 Heures.
Comment s’est faite votre première participation aux 24 Heures en 1978 ? Que représentaient pour vous à l’époque les 24 Heures ? Quel souvenir gardez-vous de cette course de 1978 ?
« Ma première participation aux 24 Heures du Mans s’est faite grâce à la rencontre de Michel Elkoubi un an plus tôt, qui m’a fait part de son souhait de préparer une voiture et de me la faire piloter. J’avoue qu’après avoir gagné le Volant Shell et fait trois saisons de Formule Renault, je cherchais depuis un moment à inscrire cette épreuve sur mes tablettes. Depuis que j’étais gamin, j’ai toujours adoré cette course. Je venais régulièrement avec mes parents et je cassais ma tirelire pour acheter un billet « Balcon de ravitaillement ». Je passais la nuit entière au-dessus du stand Ferrari, c’était magique ! Je ne rêvais plus que de me retrouver là, en-dessous, dans ces fameux stands et sur cette piste mythique.
1978, la date fatidique arrive ; la voiture, une Lola T292/6 préparée par Michel, n’est pas tout à fait prête et ce n’est que pendant la dernière séance que nous prenons la piste, de nuit, au milieu des fous furieux. Mes coéquipiers étaient Philippe Streiff, un garçon exceptionnel, et Michel Elkoubi. Nous parvenons à nous qualifier et je suis enfin au départ de cette course. Nous terminerons loin derrière (non classés, ndlr), mais ravis de cette première expérience. Ce sera le début d’une longue saga au Mans.
A noter : cette voiture, une Lola T292 de 1973 (châssis HU42), a d’abord couru sous les couleurs du Team Archambeaud, pilotée, entre autres, par Gérard Larrousse. Elle avait été rachetée en 1977 par Michel Elkoubi qui fit l’acquisition chez Lola d’un kit aux spécifications des Lola T296, la Lola devenant T292/6, mais engagée par Michel Elkoubi en 1978 en tant que T296. Cette voiture est actuellement en vente sur le site de Classic Racing Annonces ici
Cette Lola court toujours. On a pu la voir au Mans Classic et, en 2018, elle a été victorieuse au Mans sur le Circuit Bugatti en Historic Tour, Philippe Gache – autre pilote des 24 Heures du Mans – la menant à la victoire en Sport Protos Cup (ci-dessous).
Vous avez couru pendant de longues années au Mans sous les couleurs Primagaz. Comment s’est faite cette rencontre ? Quel genre d’homme était Jacques Petitjean ?
« J’étais depuis plusieurs années concessionnaire Primagaz pour une partie du département de la Manche. La marque n’était pas du tout impliquée dans le sport automobile et voyait d’un mauvais œil mes absences répétées sur les circuits de France et d’Europe. Puis, un jour, à force d’insister sur mon désir de les impliquer au Mans, on m’a présenté Jacques Petitjean. La marque n’avait aucune communication et, avouons-le, devait subir un sérieux dépoussiérage à ce niveau. Je rencontre donc Jacques, bon vivant, mais pas facile. Le courant passe et je l’emmène découvrir la Lola que je devais piloter avec Patrick Perrier.
Nous convenons d’un accord et ce sera le début là aussi d’une longue saga avec Primagaz. Jacques Petitjean était vraiment l’homme de la Com’. Il était exigeant, cultivé, fidèle en amitié et avec qui j’ai beaucoup appris. Il marquera de son empreinte le circuit du Mans en créant des réceptifs exceptionnels ainsi qu’un club de la presse pour accueillir les journalistes. Il était exigeant avant les courses, mais il savait respecter notre métier dès que le drapeau du départ tombait. »
En 1987, vous avez terminé deuxième avec une Porsche 962 C devant la Cougar C20 d’Yves Courage, également aux couleurs Primagaz. Quels souvenirs gardez-vous de cette course ?
« Sur le papier, cette course avait toutes les chances de bien se passer. J’avais été contacté par Jürgen Barth pour trouver un accord avec Jürgen Lässig, copropriétaire avec l’équipe Obermaier d’une Porsche 962 C flambant neuve. Nous avons eu un rendez-vous chez Porsche avec Jacques Petitjean et l’affaire était conclue.
Je serai donc au départ du Mans 1987 sur une Porsche 1962 client, dans une petite écurie certes, mais expérimentée et sérieuse. Le troisième pilote est choisi, ce sera Bernard de Dryver qui avait déjà disputé les 24 Heures du Mans avec moi sur ma Rondeau. Trois vieux briscards au départ qui ont respecté le tableau de marche fixé pour la course ! Les premières heures ont vu tomber un certain nombre de Porsche clientes, suite à un problème d’essence. Sagement, nous avons stoppé la voiture pour effectuer un réglage du Motronic. La prudence a payé car, très vite, nous nous retrouvons dans le Top 10 puis dans le Top 5. La tension monte dans le stand et sous les casques. Après un sans faute dans les stands, les dernières heures vont être terribles. Je garde un souvenir extraordinaire de cette course : le plaisir de conduire cette voiture exceptionnelle, d’une fiabilité incroyable, à 370 kmh dans les Hunaudières sans chicanes, quel pied ! Puis, ce fut la délivrance, une deuxième place et ce podium avec 100 000 personnes face à vous. Un souvenir inoubliable, un des plus beaux jours de ma vie. »
Les 11 premières courses de Pierre Yver au Mans :
1978 : Lola T296-Cosworth FVC Team Pronuptia #24 (Philippe Streiff/Michel Elkoubi) NC
1979 : Lola T298-BMW Lambretta S.A.F.D #20 (Max Cohen-Olivar/Michel Elkoubi) 21ème
1980 : Lola T298-BMW Michel Elkoubi/Primagaz #27 (Patrick Perrier) AB
1981 : Lola T298-BMW Compagnie Primagaz #33 (Michel Dubois/Patrick Heuclin) NC
1982 : Rondeau M379-Cosworth DFV 3l Primagaz #25 (Bruno Sotty/Lucien Guitteny) 10ème
1983 : Rondeau M382-Cosworth DFL 3,3l Primagaz #30 (Lucien Guitteny/Bernard de Dryver) AB
1984 : Rondeau M382-Cosworth DFV 3l Primagaz #50 (Bernard de Dryver/Pierre-François Rousselot) AB
1985 : Rondeau M382-Cosworth DFV 3l Primagaz #31 (Pierre-François Rousselot/François Servanin) AB
1986 : Porsche 956 Kremer Racing #12 (Max Cohen-Olivar/Hubert Striebig) AB
1987 : Porsche 962 C Primagaz Compétition/Team Obermaier #72 (Jürgen Lässig/Bernard de Dryver) 2ème
1988 : Porsche 962 C Primagaz Compétition/Team Obermaier #72 (Jürgen Lässig/Dudley Wood) 11ème
L’ensemble des photos de Christian Vignon et de Luc Joly est ici
A suivre…