La course automobile peut être parfois trompeuse. Comme en football où il y a 60 millions de sélectionneurs, le sport auto compte des milliers de personnes qui sont à la fois pilotes, team managers, commissaires sportifs, commentateurs et directeurs de course. En sport, et ce peu importe la discipline, le mélange des genres n’est pas sain. Dans le cas d’un accident, tout le monde a la réponse quant à la responsabilité. Le “c’est de sa faute, on le voit bien à l’image” n’est pas toujours opportun. En raisonnant de la sorte, on peut, parfois, se prendre les pieds dans le tapis. On l’a vu à deux reprises ces dernières semaines en GT World Challenge Europe Powered by AWS à Imola et Misano.
A Imola, la Mercedes-AMG GT3/AKKA-ASP Team #87 de Jean-Luc Beaubelique a un contact avec une autre Mercedes (Madpanda Motorsport) et c’en est terminé de la course de la #87 qui échoue sèchement dans la pile de pneus. Les images diffusées lors de la retransmission laissent à penser que le pilote français a une responsabilité, ce qui après avoir visionné les images des caméras embarquées n’est pas du tout le cas. Il est fréquent de voir que les images télévisées ne donnent pas un bon rendu, en partie de part l’emplacement des caméras extérieures qui ne peuvent donner qu’un angle. On reviendra plus tard sur le deuxième cas qui a eu lieu à Misano.
Depuis quelques années, les promoteurs font appel à des conseillers qui sont d’anciens pilotes. Ils apportent leur vision de la situation de par leurs expériences personnelles. Cette saison, Laurent Gaudin, manager général du championnat, a nommé Guy Clairay pour faire office de ‘pilote conseiller’, et ce après six années passées au volant de la voiture de sécurité dans les séries SRO. Pour ceux qui l’auraient oublié, Guy Clairay a été patron d’équipe jusqu’en GT3 et pilote. Tout le monde a certainement encore en mémoire ses Dodge Viper Competition aux couleurs Mediaco. Le meeting d’Imola a vu pas mal de pénalités et, à compter de Misano, Guy Clairay est passé du baquet de l’Audi R8 aux écrans de la direction de course. C’est lui qui regarde, qui étudie et qui analyse chaque situation litigieuse. Son rôle est crucial car de sa décision peut dépendre un classement final modifié. Guy Clairay est revenu pour Endurance-Info sur deux cas concrets qui sont arrivés le week-end dernier à Misano.
En course 2, la Mercedes-AMG GT3/AKKA-ASP de Benjamin Hites sort de la piste assez violemment. Avant la sortie, elle avait derrière elle la Lexus RC F GT3. Contact ? Pas contact ? Les images extérieures ne montrent pas clairement qu’il y a touchette et le Chilien dit qu’il n’a pas été touché. Les commissaires sportifs pénalisent la Lexus pour un contact. Fallait-il mettre une pénalité ?
Guy Clairay explique son travail : “Les commissaires de piste préviennent par radio la direction de course en donnant l’heure, les numéros des autos et le virage. Dans ce cas précis, il est 11 h 33, les voitures concernées sont #15 et #89 au virage 11. La direction de course locale transmet au directeur de course (Alain Adam, ndlr) qui continue d’observer le déroulement de la course. Ce dernier transmet alors à Abigail Hay (sporting coordinator) un rapport de l’incident pour qu’il reste une trace écrite. L’incident est mis sous investigation à 11 h 47 par Alain Adam. Mon rôle est de regarder les images en direct sur les caméras du circuit. Vu qu’il y a un décalage d’environ 45 secondes avec la retransmission diffusée sur les canaux publics, cela me permet de revoir l’action. Si j’ai un avis tranché, l’affaire s’arrête là. Sinon, je demande à revoir les images et je donne mon avis au directeur de course. Dans ce cas bien précis, je dis qu’il y a eu une petite touchette. Une pénalité est infligée à la Lexus (drive through) à 11 h 48.”
Entre temps, le pilote de la Mercedes a dit qu’il n’avait pas été touché. Que faire ? Hites n’a aucune raison de dire qu’il n’a pas été touché. La pénalité infligée à la Lexus serait donc injustifiée. Le drive through n’est pas susceptible d’appel. Guy Clairay ne change pas sa position : “Je persiste dans ma décision et le drive through est effectué. Après la course, l’analyse des vidéos provenant des embarquées montre qu’il y a eu léger contact probablement involontaire.”
Le deuxième cas de figure concerne l’accrochage entre l’Audi/WRT #33 des frères Owega et la Bentley Continental GT3/CMR #108 durant la course 3. “En regardant les images, je ne suis pas certain à 100% du responsable de l’accrochage”, explique Guy Clairay. “La Bentley a finalement écopé d’une pénalité après l’arrivée, ce qui a fait reculer l’équipage de la Continental GT3 de la 1ère à la 4e place en Silver Cup. Je n’aime pas ce genre de situation même si cela peut arriver. Dans ce cas précis, je suis aussi amené à donner mon avis aux stewards. J’ai visionné les images de la caméra embarquée de l’Audi #66 qui était derrière pour avoir une idée plus précise du contact.”
Les caméras embarquées ne sont pas les seules à être disséquées. Celles du circuit sont également disponibles pour la direction de course. Cela inclut les caméras installées dans la voie des stands pour constater un contact, une mauvaise interprétation du règlement. L’avantage d’une caméra est qu’il est possible de rembobiner à loisir pour revoir l’action. Les GT3 embarquent chacune un boîtier récupéré par SRO où sont présentes toutes les données dynamiques de l’auto (accélération, freinage…)
Si les décisions peuvent prendre du temps, c’est aussi parce que les officiels doivent entendent les différentes parties car chacun défend sa position.
Au fil des saisons, les contrôles évoluent, s’affinent, pour que le classement à l’arrivée soit bien celui définitif. Le fait qu’il y ait des changements montre que tout est pris en compte, même a posteriori. Ne jamais oublier une chose : l’erreur reste humaine !